Pour sa première prise de parole, une semaine après le début du mouvement massif de contestation contre le pouvoir, le président Michel Aoun a appelé jeudi à « reconsidérer la situation du gouvernement », affirmant que « ce n’est pas dans la rue qu’on peut changer le système politique », en réponse aux revendications politiques des manifestants. Dans un discours préenregistré d’une dizaine de minutes, le chef de l’État n’a annoncé aucune nouvelle mesure concrète : il s’est borné à apporter son appui au plan de réformes économiques annoncé lundi par le Premier ministre Saad Hariri, qui avait déjà été largement rejeté par les manifestants.
« Les réformes sont le résultat d’une action politique. Il est temps de reconsidérer la réalité de la situation actuelle du gouvernement, mais conformément aux institutions constitutionnelles », a affirmé le chef de l’État dans un message à la nation préenregistré. « J’ai entendu beaucoup d’appels à la chute du régime. Mais le régime, chers jeunes, ne peut être changé dans la rue et sur les places publiques. Notre régime a besoin d’être modernisé parce qu’il est paralysé depuis des années et incapable de se régénérer, mais cela ne peut se faire qu’à travers les institutions constitutionnelles », a-t-il ajouté.
« Cette réalisation est la vôtre »
Le président Aoun est revenu sur les manifestations qui agitent le pays depuis jeudi dernier. « Ce que nous voyons aujourd’hui montre que le peuple libanais est capable de se révolter et de faire entendre sa voix, et que les libertés au Liban sont respectées. Mais votre cri aurait dû être un cri de joie et pas un cri de douleur ». Estimant que le dialogue était « la meilleure façon pour sauver le pays », le président s’est dit prêt à rencontrer des représentants des manifestants pour écouter leurs demandes. « En tant que chef de l’État, j’affirme que le plan de réformes présenté par le gouvernement constituera la première étape pour sauver le pays et éviter son effondrement économique et financier. Cela a été votre premier exploit car vous avez aidé à éliminer les obstacles et à le faire adopter en un temps record », a-t-il ajouté.
M. Aoun a ensuite commenté les revendications des protestataires. « Vous voulez récupérer l’argent volé ? Oui, cela est nécessaire. Je le demande aussi, j’ai proposé une loi en ce sens. Tous ceux qui ont volé de l’argent public doivent rendre des comptes devant la justice, a-t-il dit. Je suis engagé dans la lutte contre la corruption, mais ceci relève du Parlement, où des lois ont été transmises sur ce plan. D’autres lois sur la levée de l’immunité et du secret bancaire des responsables sont également prêtes. »
« La liberté d’expression est un droit respecté et préservé pour tous, mais la liberté de circulation est également un droit pour tous et il doit également être respecté et préservé », a affirmé M. Aoun. La veille, le soulèvement avait pris une nouvelle tournure avec l’intervention de l’armée qui a tenté sans succès de rouvrir les routes principales, au prix de face-à-face parfois tendus avec les manifestants.
« La corruption nous ronge de l’intérieur »
« Nous sommes un peuple qui réussit, mais le communautarisme nous a détruits, et la corruption nous ronge de l’intérieur », a-t-il déploré. « J’ai prêté serment en promettant de préserver le Liban et de lutter contre la corruption. J’ai réussi à rendre le Liban sûr, restent les préoccupations économiques et financières, et mon ambition d’en finir avec la mentalité communautaire qui régit le pays », a-t-il ajouté. « C’est l’essence de tous nos problèmes, pour aboutir à un État civil au sein duquel tous les citoyens sont égaux devant la loi, pour que les plus compétents obtiennent les postes qu’ils méritent et afin que la décentralisation administrative permette d’assurer les services pour tous », a poursuivi le chef de l’État.
« En tant que président, j’ai besoin de la coopération de tous pour agir et respecter les promesses que j’ai faites au peuple. Je ne rejette pas les responsabilités. Je suis un président responsable et j’utiliserai tous les instruments à ma disposition pour mettre en œuvre les réformes nécessaires, mais les obstacles et les intérêts personnels sont nombreux », a-t-il encore affirmé.
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Le Président devrait commencer par nettoyer et balayer au sein de son propre entourage, à commencer par son gendre le ministre Jebran Bassil et beaucoup d'autres. Le népotisme et le favoritisme ne doivent pas avoir leur place si des réformes sérieuses sont décidées et mises en place.
Tony BASSILA
09 h 02, le 26 octobre 2019