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Liban - Reportage

« Celui qui n’a pas vu le feu dévaler les pentes à Damour n’a rien vu »

Les habitants des villages sinistrés du Chouf racontent leurs deux nuits d’enfer.


Walid Mansour devant les voitures calcinées de son garage. Photo A.-M.H.

De leurs collines boisées aux mille nuances de vert, il ne reste plus qu’un paysage de désolation. Des arbres brûlés, réduits parfois à l’état de cendre. De la fumée qui continue de s’élever ici et là. Une odeur de soufre irrespirable par endroits. Des maisons dépouillées de leurs jardins, sauvées in extremis des flammes. Et des habitants choqués qui tentent de se consoler, tout en racontant, pour la énième fois, la scène surréaliste qu’ils ont vécue dans la nuit de dimanche à lundi.

Damour et Mechref émergent lentement de leur cauchemar en ce mercredi matin. Aucune victime n’est à déplorer dans ces deux localités du Chouf, mais les pertes matérielles sont importantes. Outre les centaines d’hectares de pinèdes partis en fumée, des habitations ont été endommagées, d’autres totalement détruites, et des voitures calcinées. Alors forcément, et malgré la peur qu’ils ont ressentie, les habitants sont heureux d’être en vie et de savoir leurs proches sains et saufs. Ils rendent visite aux plus sinistrés d’entre eux, se congratulent, remercient Dieu de les avoir préservés. Et ne manquent pas de bénir cette solidarité qui leur a permis d’éviter le pire, alors que les autorités tardaient à intervenir.


(Lire aussi : L’enfer des cancresl'éditorial de Issa GORAIEB)



Des flammes géantes qui bondissaient

Damour n’en revient toujours pas d’avoir été en proie aux flammes géantes, lundi dès les premières lueurs de l’aube. Cette ville côtière qui s’échine à encourager le retour de ses déplacés de la guerre civile a une nouvelle fois vu ses habitants prendre la route de l’exil. À contrecœur. « Ce n’est pas la première fois qu’un incendie se déclare dans notre localité. Mais c’est bien la première fois qu’il se propage aussi rapidement », affirme à L’Orient-Le Jour l’un des membres du conseil municipal, Mouïne Fadel. « Les vents forts et la chaleur torride aidant, le sinistre n’a mis qu’une demi-heure pour traverser la distance entre Kfarmatta (où il s’est déclaré) et Damour, ce qui équivaut à la vitesse d’une voiture roulant à vive allure », précise-t-il.

Prises au dépourvu, les autorités locales ont fait avec les moyens du bord. Mais elles ont rapidement réalisé qu’elles ne pouvaient rivaliser avec « ces flammes géantes qui bondissaient sur une centaine de mètres ». « C’était comme des boules de feu qui se déplaçaient et détruisaient tout sur leur chemin », observe le représentant municipal. Les 5 000 arbres plantés par la municipalité ont rapidement été décimés et les premières maisons touchées, ainsi que le centre social de l’association Arcenciel et le garage de Walid Mansour. La situation était devenue hors de contrôle. « Nous avons alors demandé aux habitants des zones sensibles de quitter les lieux. Ils ont été hébergés par des proches installés dans une région plus sûre ou même à Beyrouth, le temps que tout rentre dans l’ordre. » Quant au feu, il n’a été circonscrit que mardi matin, à 6h15, après l’intervention des pompiers de Beyrouth et de la Défense civile. « La pluie a fait le reste », souligne M. Fadel. En face de la municipalité, l’école publique du village trône, presque intacte, au milieu d’un champ d’arbres calcinés. Elle n’a plus d’eau, ni d’électricité ni de téléphone. Mais elle attend de pied ferme le retour de ses 450 élèves.

Dans le centre médico-social d’Arcenciel totalement ravagé par les flammes, seule la garderie, des meubles de brocante et quelques équipements de physiothérapie sont récupérables. Le reste est réduit en cendres ou trop endommagé. De la fumée s’élève encore entre les gravats. L’air y est irrespirable et la chaleur insupportable. « Nous ne savons pas si l’immeuble résistera, craint le chef du centre, Élie Zouein, montrant les dégâts considérables. Nous espérons l’arrivée d’experts qui devraient nous aider à prendre les décisions adéquates. » Dans l’attente, l’équipe de l’association ne chôme pas. Elle entend rapidement reprendre ses activités dans d’autres locaux, à commencer par la garderie qui permet aux mères de très jeunes enfants de poursuivre leur activité professionnelle. Car, rappelle M. Zouein, « la mission de ce centre depuis 1995 est de contribuer au retour des déplacés ».


(Lire aussi : Inspecteurs des travaux finis, l'impression de Fifi ABOU DIB)




L’État doit se pencher sur notre sort

Non loin de là, le garage de Walid Mansour ne désemplit pas. Des proches viennent lui exprimer leur solidarité. Non seulement son local a brûlé, mais il a perdu 11 voitures qui ne sont plus qu’un amas de tôle calcinée. « J’ai réussi à en déplacer une dizaine. Mais les autres étaient impossibles à bouger. Elles étaient accidentées. » Le jeune père de famille revient sur l’évolution du sinistre. « Celui qui n’a pas vu le feu dévaler les pentes n’a rien vu. C’était effrayant ! Les flammes atteignaient 20 mètres de haut. Et puis ce crépitement ! » dit-il. M. Mansour était alors occupé à protéger les habitations du village, la sienne notamment, et à mettre sa famille à l’abri, quand il a appris que son garage était dévoré par des flammes. Avec des proches, il a sauvé ce qu’il a pu. Mais face à la violence de flammes, il a rapidement dû fuir les lieux. Après avoir reçu la visite du responsable du Haut Comité de secours, le général Mohammad Kheir, il espère que les équipes de cette instance ne tarderont pas à estimer les dégâts. « L’État doit se pencher sur le sort des citoyens, insiste-t-il. Nous réclamons le respect que nous méritons. »

La localité résidentielle voisine de Mechref est méconnaissable. Connue pour son engagement écologique et son amour des espaces verts, elle n’est plus qu’une terre brûlée, un amas d’arbres morts aux restes encore fumants. Comme par miracle, la grande majorité de ses habitations ont été épargnées. Mais pas leurs jardins ni leurs bois environnants. Au gré de ses ruelles soigneusement numérotées, deux adolescents errent, incrédules. « Nous avons fui notre maison qui était encerclée par les flammes, à deux heures du matin avec juste nos passeports. Nous pensions qu’elle serait détruite, car le feu se propageait très vite, racontent Ahmad et Yasmina Harkous. D’autant que la Défense civile a refusé d’entrer dans notre rue, où sévissaient les flammes. » S’ils sont soulagés de voir leur maison intacte, les deux adolescents sont tristes, non seulement pour leurs voisins dont la demeure a été endommagée par l’incendie, mais pour le village, très largement défiguré.

La solidarité face à l’épreuve

Les flammes n’ont d’ailleurs épargné personne. Elles se sont invitées jusqu’au parc de l’Université Rafic Hariri, sans en toucher les bâtiments. Et ce « grâce à l’intervention de la municipalité de Saïda qui a dépêché quatre camions de pompiers », confie le recteur de l’institution, Makram Soueidan. Un sauvetage de justesse. « Les réservoirs de mazout risquaient d’être touchés. Nous avons alors rapidement transféré les étudiants résidents vers un hôtel de Damour », ajoute-t-il. L’épreuve a été tout aussi apocalyptique au Carmel Saint-Joseph qui scolarise 705 élèves de toutes les communautés religieuses. Sans faire de dégâts majeurs, fort heureusement. En ce lendemain d’incendie, et alors que les élèves et leurs parents ont secondé sans discontinuer les équipes de la Défense civile face au sinistre, les écoliers continuent de déferler avec leurs parents, proposant leur aide pour remettre leur école en état, avant la rentrée prévue lundi. Un groupe d’élèves de terminale se rend auprès d’Arcenciel ou de l’Université Rafic Hariri, histoire de distribuer des sandwiches aux bénévoles.

Émue aux larmes face à cet intarissable mouvement de solidarité, la supérieure du collège et prieure du Carmel Saint-Joseph, sœur Mariam-Nour, a un mot gentil pour chacun. « Les élèves, leurs parents, les professeurs et les employés du collège ne nous ont pas lâchés une seconde », affirme-t-elle, reconnaissante. Une solidarité qui a fait boule de neige, car nombre de personnalités politiques et diplomatiques n’ont pas hésité à se rendre sur place, ou à contacter la religieuse, pour offrir leurs services ou afficher leur sympathie. D’habitude réticente face à la presse, sœur Mariam-Nour tient à saluer « ce mouvement spontané » qu’elle qualifie de « citoyen ». Elle y voit non seulement « un signe d’attachement des élèves à leur institution éducative », mais une « volonté de reconstruire leur pays, quoi qu’il arrive ». Chose qui la « réconforte » et lui « donne la force de tenir pour préserver l’école ».



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De leurs collines boisées aux mille nuances de vert, il ne reste plus qu’un paysage de désolation. Des arbres brûlés, réduits parfois à l’état de cendre. De la fumée qui continue de s’élever ici et là. Une odeur de soufre irrespirable par endroits. Des maisons dépouillées de leurs jardins, sauvées in extremis des flammes. Et des habitants choqués qui tentent de se consoler,...

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LES IMAGES EN TEMOIGNENT. FAUT CHASSER TOUS LES ABRUTIS. QU,ILS DEGAGENT TOUS S,ILS ONT UN GRAMME D,AMOUR PROPRE ET DE DIGNITE.

LA LIBRE EXPRESSION

00 h 47, le 17 octobre 2019

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Commentaires (1)

  • LES IMAGES EN TEMOIGNENT. FAUT CHASSER TOUS LES ABRUTIS. QU,ILS DEGAGENT TOUS S,ILS ONT UN GRAMME D,AMOUR PROPRE ET DE DIGNITE.

    LA LIBRE EXPRESSION

    00 h 47, le 17 octobre 2019

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