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L’enfer des cancres

Quand le feu est dans le vieux bois, on ne peut plus l’éteindre : c’est ce qu’assure un vieux proverbe français opportunément dépoussiéré lors de l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, dont les poutres historiques ont flambé, telles des allumettes, sous le regard horrifié de millions de téléspectateurs.


Le vieux bois des Libanais, ce ne sont pas les cèdres millénaires, ni tous ces chênes, pins, hêtres, oliviers et peupliers qui, à défaut de rose, nous portaient tout de même à voir la vie en vert. Notre vieux bois, c’est du toc, du préfabriqué. C’est un aggloméré industriel de nullité au pouvoir, d’incurie, d’imprévoyance, d’irresponsabilité, de je-m’en-foutisme, de gaspillage et de corruption : tout cela patiné par les ans et prodigieusement résistant au feu, comme aux copieuses malédictions du peuple.


Plus que les ruines fumantes des habitations et les squelettes calcinés des arbres, c’est cette incroyable concentration de maux apparemment incurables qu’ont éclairée, d’une lumière crue, les incendies de forêts des deux derniers jours. C’est entendu, aucun pays au monde n’est à l’abri de cette sorte de sinistres, surtout quand la sècheresse et le vent se mettent de la partie ; en revanche, il n’existe sans doute pas de pays moins préparé que le nôtre pour y faire face. Davantage en effet que de matériel moderne, c’est d’honnêteté, d’organisation, de prévoyance, de souci de la vie et des biens des gens que manquent tout bêtement nos dirigeants.


De groupes d’amis du Liban en conférences de bâilleurs et donateurs, nous traînions déjà une image bien établie d’État assisté. Hier était projetée celle d’un État carrément failli, en proie au dysfonctionnement et à la panique, quémandant l’aide des pays proches disposant d’avions-citernes. Par son insoutenable légèreté le Liban officiel n’a jamais songé à en faire emplette, et c’est grâce à des fonds privés que trois de ces appareils lui étaient livrés il y a quelques années ; faute d’entretien cependant, ils ont doucement pourri sous le soleil radieux du Liban…


Non moins criminel est le mépris étatique réservé aux effectifs de la Défense civile sommairement équipés, mal rétribués, souvent privés de Sécurité sociale, épaulés par d’admirables volontaires et qui, pourtant, ont toujours répondu héroïquement à l’appel du pouvoir. Pas d’urbanisation adéquate aux abords des forêts, pas de contrôle des carrières bouffeuses de végétation, pas de pistes aménagées dans les bois pour le passage des autopompes, pas de miradors pour donner l’alerte, pas de stratégie de lutte contre le feu, le Ciel se chargeant de lâcher des pluies salvatrices ? Le pire cependant, c’est quand les émulations sectaires viennent infecter ce dossier de leur venin. On a de la peine à le croire, mais la foire d’empoigne autour des nominations de fonctionnaires a bloqué même l’embauche de ces modestes mais indispensables serviteurs publics que sont les gardes forestiers : la plupart des candidats au poste appartenaient en effet à la même communauté religieuse.


Tout feu tout flamme, c’est bien le cas de le dire, un député allait même hier jusqu’à prêter outrageusement une vocation antichrétienne aux incendies. C’est grâce aussi à ce genre d’étincelles de génie que brille de tous ses feux la République.


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

Quand le feu est dans le vieux bois, on ne peut plus l’éteindre : c’est ce qu’assure un vieux proverbe français opportunément dépoussiéré lors de l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, dont les poutres historiques ont flambé, telles des allumettes, sous le regard horrifié de millions de téléspectateurs. Le vieux bois des Libanais, ce ne sont pas les cèdres...