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Liban - reportage

À Kornet el-Hamra, « un monstre rouge dévorant tout sur son passage »

Au Metn, la catastrophe a été évitée de justesse.

Le feu a menacé de très près les habitations. Photo René Mawad

À l’instar des 119 autres villages et localités du pays en proie aux incendies, Kornet el-Hamra, un petit village urbanisé du Metn, a eu son lot de flammes dévorantes qui ont ravagé toute une vallée verte non loin des habitations.

À cinq heures du matin, Charles, quinze ans, se réveille en suffoquant. « Comme je dors la vitre ouverte, je me suis levé en sursaut au milieu d’un nuage de fumée dense. J’ai paniqué, croyant qu’il y avait le feu dans la maison. » Il accourt pour alerter tout le monde.

Le feu s’était déclaré autour de 3 heures du matin dans un petit lopin de terre truffé de chênes, à quelques mètres à peine d’une station d’essence et d’une école.

Un peu par miracle, mais surtout à cause des mesures prises par le propriétaire qui a aspergé d’eau le sol tout autour de la station pour étouffer les étincelles, les pompes à essence ont échappé à l’incendie. Transportées par milliers par les bourrasques de vent, d’une intensité inédite, les étincelles ont quasiment survolé la station d’essence, pour s’abattre sur la forêt logée dans une vallée située en contrebas.

« Nous l’avons échappé belle », confie le propriétaire, Daoud, au visage épuisé, perlé de sueur. Si les arbres bordant la route tout près de sa station ont également été épargnés par le feu, c’est tout simplement grâce aux opérations de nettoyage des brindilles et feuilles mortes qu’il effectue régulièrement, par « précaution », explique-t-il.

C’est un fêtard du voisinage qui, en rentrant d’une soirée vers l’aube, voit le spectacle apocalyptique qui s’offre à lui. Devant son immeuble, les langues de feu dévorent à une vitesse inouïe des pans entiers de la forêt adjacente, s’étalant devant son immeuble. Il alerte le voisinage, les membres de la municipalité, et descend, avec une dizaine d’autres habitants, pour tenter de lutter contre les flammes, avec les moyens du bord. Il est rejoint par une dizaine d’hommes, dont quatre membres de la police municipale et le président de la municipalité, Gebran Tohmé. Son fils, Mazen, se met à arpenter les rues du village en klaxonnant pour réveiller les gens.

« Je me suis réveillé à 3h55 du matin par une forte détonation, apparemment provoquée par un court-circuit dans les grands câbles électriques. Le feu a gagné les arbres qui se trouvaient juste à côté et a commencé à s’étendre », raconte Mazen. En attendant la Défense civile immédiatement alertée, les habitants ont tenté, en vain, d’éloigner le feu des maisons adjacentes, en utilisant les tuyaux d’arrosage. « On s’est vite rendu compte à quel point nous étions impuissants face à un monstre rouge qui dévorait tout sur son passage », confie Walid, qui habite non loin de la forêt qui a pris feu.


(Lire aussi : L’enfer des cancres, l'éditorial de Issa GORAIEB)


Un courage inégalable

Une demi-heure plus tard, la Défense civile arrive sur les lieux et commence à lutter contre l’incendie. Elle sera rejointe vers 7 heures du matin par une unité de l’armée. Au total, huit véhicules de la Défense civile étaient à l’œuvre.

« L’armée a été remarquable. On voyait les soldats sauter au milieu du feu avec un courage inégalable, raconte Walid à L’Orient-Le Jour. Je suis au bord des larmes à la vue de cette catastrophe. » « Nos forêts sont denses, ce qui en rend l’accès très difficile », explique un autre habitant qui a participé avec des jeunes du village et le président du conseil municipal aux efforts pour venir à bout des flammes.

Les résidents d’un immeuble surplombant la forêt ont été évacués à temps. Le cinquième étage a pris feu ainsi qu’un garage de réparation de voitures et une ébénisterie. À côté de l’immeuble sinistré, dont les vitres ont été entièrement pulvérisées, une voiture est calcinée.

Quatre personnes, dont un membre de la Défense civile, ont été légèrement asphyxiées et transportées à l’hôpital. Leur situation était stable au cours de l’après-midi. « Les dégâts matériels ne sont pas majeurs. Le plus important est qu’il n’y a pas eu de victime », confie le président de la municipalité.

Au bas d’un autre immeuble qui donne sur la forêt, Odessa, vingt ans, avance vers la sortie avec deux sacs à dos. « Nous nous préparons à quitter les lieux à nouveau ce soir, par peur que l’incendie ne recommence », dit-elle.

La jeune fille s’est réveillée à 4 heures du matin et a vu le spectacle de sa chambre donnant sur la forêt qui flambait. « J’étais terrorisée. J’ai entendu alors le propriétaire de l’immeuble qui disait aux résidents de plier bagage et de partir sur-le-champ. Nous avons exécuté ses directives à la lettre. »


(Notre diaporama : Le Liban en flammes : un triste spectacle, en photos)


Ce n’est que vers 14 heures que le feu a finalement été maîtrisé. Au rez-de-chaussée d’un immeuble non loin de la forêt calcinée, on pouvait voir encore des langues de fumée qui continuaient de s’échapper de plusieurs foyers épars. Un militaire scrute les recoins de la forêt. « Le risque de voir le feu reprendre est toujours présent. Nous sommes là pour surveiller », confie le soldat. À la municipalité, on a tout prévu.

Mobilisée depuis l’aube, Andrée Nassif, membre de l’Unité de gestion des risques de catastrophe du caïmacamat du Metn, énumère les mesures prises en amont si les incendies devaient se renouveler.

« Des quantités de sable ont été dispersées autour des maisons qui pourraient être menacées par les flammes. Nous avons également prévu des matelas et des couvertures qui ont été déposés dans des salles au siège de la municipalité pour accueillir d’éventuels sinistrés », explique la responsable.

Dans un geste de solidarité, les propriétaires de camions-citernes qui distribuent l’eau en temps de pénurie ont assuré les réserves nécessaires pour alimenter les véhicules de la Défense civile, en cas de besoin.


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TRES TRISTE. IL FAUT DEMANDER DES COMPTES AUX RESPONSABLES.

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 38, le 16 octobre 2019

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  • TRES TRISTE. IL FAUT DEMANDER DES COMPTES AUX RESPONSABLES.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 38, le 16 octobre 2019

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