Le Premier ministre libanais Saad Hariri, qui se trouve aux États-Unis depuis lundi et qui s'est entretenu hier avec plusieurs responsables américains, avec à leur tête le secrétaire d’État Mike Pompeo, a fermement exprimé jeudi son soutien à son allié druze Walid Joumblatt, mettant en garde contre toute tentative de s'en prendre à ce dernier physiquement et affirmant que cela mènerait le Liban vers la guerre civile.
Les déclarations fermes du chef du gouvernement libanais interviennent après la réconciliation scellée le 9 août au palais présidentiel de Baabda sous la houlette du chef de l’État Michel Aoun, de M. Hariri, et du président du Parlement Nabih Berry, entre Walid Joumblatt et son rival Talal Arslane. Cette rencontre devait mettre fin à une crise politique qui avait paralysé le gouvernement depuis le 30 juin, jour des affrontements inter-druzes de Qabr Chmoun dans le caza de Aley. Ces accrochages avaient fait deux morts.
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"Guerre civile"
"Walid Joumblatt n'est pas ciblé physiquement. Ceux qui pensent s'en prendre à lui de la sorte mèneront le pays vers la guerre civile. Sur le plan politique, ceux qui s'en prennent à Walid Joumblatt s'en prennent à moi, ainsi qu'au président du Parlement Nabih Berry, de même qu'à d'autres alliés de M. Joumblatt, notamment les Forces libanaises" de Samir Geagea, a mis en garde M. Hariri, dans des déclarations aux journalistes à Washington.
Suite aux incidents de Qabr Chmoun qui avaient fait deux morts, le gouvernement ne s'était plus réuni depuis le 2 juillet, à l'initiative de Saad Hariri. Ce dernier souhaitait en effet éviter d'attiser les tensions entre les deux camps et leurs alliés, surtout que la question d'une saisine de cette affaire par la Cour de justice, un tribunal d'exception, aurait dû faire l'objet d'un vote en Conseil des ministres. Après plus de quatre semaines d'efforts de réconciliation, menés notamment par le directeur général de la Sûreté générale, le général Abbas Ibrahim, et le président Berry, les deux rivaux druzes se sont réconciliés le 9 août au palais présidentiel de Baabda, et il a été décidé que le suivi de l'affaire serait pris en charge par le Tribunal militaire. Le gouvernement s'était quant à lui réuni le 10 août, à la veille du départ de M. Hariri pour Washington.
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Les sanctions contre le Hezbollah
Saad Hariri a également abordé la question des sanctions américaines contre le Hezbollah, considéré par Washington comme groupe terroriste. "Nous ne pouvons pas changer la position de l'administration américaine au sujet des sanctions contre le Hezbollah, mais nous œuvrons à garder le Liban à l'écart des conséquences de ces sanctions", a-t-il affirmé aux journalistes. Le Premier ministre libanais a ensuite confirmé que des discussions ont lieu au Congrès au sujet d'éventuelles sanctions contre les alliés libanais du Hezbollah. "Je ne pense pas que nous arriverons à cela", a-t-il commenté, alors que selon certains milieux, l'administration américaine réfléchirait à imposer des sanctions contre le Mouvement chiite Amal de Nabih Berry, ou encore le Courant patriotique libre fondé par le chef de l’État libanais Michel Aoun, et dirigé par le chef de la diplomatie Gebran Bassil.
Interrogé ensuite sur les allégations israéliennes concernant des sites secrets de productions de missiles que le Hezbollah aurait installé au Liban, Saad Hariri est resté évasif. "Nous discutons avec les Américains de cette question, mais je ne veux pas entrer dans les détails. Nous tentons de trouver le meilleur moyen pour garder le Liban à l'écart du danger. Mais nous ne sommes pas un gendarme au service d'Israël qui continue de violer la résolution 1701 (du Conseil de sécurité de l'ONU, qui avait mis fin à la guerre de juillet 2006 entre Israël et le Liban). Il n'y a pas d'équilibre dans les réactions, notamment par rapport aux violations commises par Israël".
Le Hezbollah est classé comme "organisation terroriste" par les États-Unis et plusieurs autres pays occidentaux et arabes et a été accusé d'attentats. Il est l'un des principaux alliés du régime syrien dans sa guerre contre les rebelles en Syrie.
Le 9 juillet, l'administration américaine avait élargi sa campagne de "pression maximale" contre l'Iran et ses alliés en imposant pour la première fois des sanctions contre Mohammad Raad, le chef du groupe parlementaire du Hezbollah, le député Amine Cherri et le responsable de l'appareil sécuritaire du parti chiite, Wafic Safa. Dernièrement, un homme d'affaires libanais considéré comme un "important contributeur financier" du Hezbollah, Kassem Tajeddine, a été condamné à cinq ans de prison et 50 millions de dollars d'amende aux États-Unis pour avoir contourné des sanctions américaines
Hier, à l'issue de son entretien avec Mike Pompeo, Saad Hariri a jugé "viable" un processus de négociations sous médiation américaine pour résoudre les différends frontaliers du Liban avec Israël.
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IL Y EN A QUI POUSSENT LE PAYS DANS CE SENS.
20 h 55, le 16 août 2019