Le secrétaire général du Bloc national, Pierre Issa, a exprimé hier le refus de son parti de toute entorse ou atteinte faite aux libertés publiques, dénonçant un climat général de répression des libertés non seulement de la part des autorités religieuses, mais également politiques et sécuritaires.
Dans un entretien express à L’Orient-Le Jour à l’occasion du lancement par le BN d’une pétition concernant la controverse autour du groupe Mashrou’ Leila, le responsable s’en prend fermement aux autorités religieuses chrétiennes qui, selon lui, cherchent à faire du mimétisme proche de la surenchère en calquant le modèle établi par d’autres autorités religieuses, non chrétiennes.
Nous sommes témoins actuellement d’une campagne populaire qui consiste à dire que les croyances religieuses ont été insultées. Pourquoi le Bloc national s’est-il démarqué des autres partis chrétiens considérés traditionnels ?
Le Bloc national libanais est un parti citoyen et non chrétien, mais je respecte le fait que certains aient pu y voir une insulte à leur croyance dans une des chansons du groupe. Nous ne défendons pas le nihilisme de musiciens de mauvais goût, mais nous dénonçons la cabale orchestrée par les identitaires religieux qui veulent réduire l’identité libanaise plurielle et la liberté tout court à travers la condamnation de tout ce qui échappe ou remet en question leur contrôle sur les corps et les esprits. Faut-il rappeler qu’en préambule au nettoyage racial, Hitler avait organisé des autodafés de livres jugés subversifs ?
(Lire aussi : Ex-pressions, l'éditorial de Issa GORAIEB)
Craignez-vous qu’une interdiction préalable ou censure quelconque au niveau des libertés ne constitue un précédent qui consacrerait une tutelle des autorités religieuses sur les libertés artistiques ?
Cette crainte ne date pas d’aujourd’hui. Malheureusement, il y a eu des précédents, motivés ou pas par les autorités religieuses. Les services sécuritaires ont souvent abusé de leur pouvoir et de leur position dominante. Il n’y a qu’à recenser la série d’arrestations dont ont fait l’objet plusieurs activistes ces derniers mois, comme ceux qui étaient derrière la campagne d’opposition au barrage de Bisri pour défendre une vallée connue pour sa biodiversité et son patrimoine culturel et religieux. On peut également mentionner l’affaire de l’arrestation de l’activiste Wadih el-Asmar, membre du groupe Vous puez !, ou encore l’affaire sordide de la détention du dramaturge Ziad Itani, pour ne citer que ces quelques exemples. Les abus existent donc depuis un certain temps et ne se limitent pas aux autorités religieuses. Ils ne se limitent pas non plus à la polémique créée par l’affaire Mashrou’ Leila. Il ne faut accepter aucun dysfonctionnement de ce genre et la moindre entorse aux libertés est totalement inacceptable. La faiblesse déguisée en tolérance aboutit nécessairement à de l’intolérance déguisée en fermeté.
Comment interpréter l’intérêt considérable accordé à cette controverse par les acteurs politiques et religieux? Est-elle justifiée ou cache-t-elle d’autres objectifs ?
Au Liban, le spirituel et le politique se télescopent allégrement. Le problème est que les autorités ont trop souvent recours à un stratagème vieux comme le monde, qui est d’occuper la population avec des problèmes mineurs et marginaux pour occulter leur faillite dans la gestion des affaires des citoyens.
Pour ce qui est des autorités chrétiennes, elles devraient se rappeler que le Christ a refusé que saint Pierre le défende quand les légionnaires romains sont venus l’emmener à la crucifixion. « Jouer à qui perd gagne » est un principe éminemment chrétien.
Ceci dit, il faut reconnaître que la réaction religieuse et politique contre le groupe de rock Mashrou’ Leila est du pur opportunisme, le populisme étant souvent une carte gagnante et bon marché.
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commentaires (6)
Tout à fait d’accord:))
Nada Maalouf
08 h 09, le 30 juillet 2019