Le Premier ministre, Saad Hariri, après l’adoption du budget par le Parlement hier. Photo ANI
Réunis hier de 15h à 21h, pour la quatrième journée consécutive cette semaine, le Parlement a enfin adopté hier le budget de l’État pour 2019, à 83 voix pour, 18 contre et une abstention, après s’être prononcé article par article.
Au total, 102 députés ont pris part au vote, sur un total de 128. Conformément à ce qu’ils avaient annoncé lors des débats, les députés du bloc de la République forte (Forces libanaises) ont voté contre le texte, tout comme la députée issue de la société civile, Paula Yacoubian, les représentants des Kataëb et ceux de la Rencontre consultative (les six députés sunnites prosyriens). Les FL et la Rencontre consultative font pourtant partie du gouvernement qui avait approuvé l’avant-projet de budget.
Il n’aura finalement fallu qu’une séance pour passer en revue la centaine d’articles du texte que le gouvernement et la commission parlementaire des Finances ont successivement peaufiné pendant près de deux mois et demi, sur fond de contestation sociale d’une partie des fonctionnaires visés par certaines mesures. Les militaires à la retraite ont notamment manifesté dans le centre-ville aux abords du Parlement, tandis que les employés de l’entreprise publique chargée de la gestion du réseau de téléphonie et d’internet fixes, Ogero, se sont mis en grève dans le Koura (Liban-Nord).
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Actualisation des dépenses
De mardi à jeudi, les députés des différents blocs parlementaires et partis s’étaient succédé à la tribune de l’Assemblée pour exposer leurs divergences au sujet des dispositions du texte ou pour souligner la nécessité d’adopter sans tarder le texte qui doit commencer à mettre en œuvre une partie des réformes que les dirigeants libanais se sont engagés à lancer lors de la Conférence de Paris d’avril 2018 (le CEDRE). Dans un communiqué publié dans la soirée, le groupe international de soutien au Liban, à l’origine de la CEDRE, a salué l’adoption du budget, qualifié de « première étape urgente » du pays pour assainir ses finances publiques. Le groupe a en outre affirmé « reconnaître le sacrifice consenti par le peuple libanais » pour permettre à son pays de renouer avec la croissance et a réaffirmé son soutien à la stabilité du pays.
Compte tenu des amendements apportés hier par les députés au texte final, le ministre des Finances Ali Hassan Khalil a demandé 24 heures pour pouvoir actualiser les chiffres définitifs du budget de 2019. Il a toutefois indiqué que les recettes publiques prévues ont été revues à la baisse avec ces amendements et atteignent désormais 18 825 milliards de livres (12,49 milliards de dollars), contre 19 015 milliards de livres dans la version du texte adoptée par le gouvernement, et 19 350 milliards de livres dans la version adoptée en commission des Finances. Quant aux dépenses, le ministre des Finances a préféré ne pas s’aventurer sur le chiffre final. Elles étaient prévues à 23 027 milliards de livres dans la version de la commission et à 25 840 milliards de livres dans celle du gouvernement. Les avances du Trésor à Électricité du Liban ont été maintenues à 2 500 milliards de livres.
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Indemnités des députés
Mesure phare figurant dans le projet initial, la disposition prévoyant de diminuer les indemnités des députés a été rejetée à la demande du président du Parlement, Nabih Berry, qui a estimé que le Parlement n’était pas compétent pour statuer sur ce sujet.
Les députés ont par ailleurs refusé de baisser la part des revenus de l’État perçues sur les contraventions et les amendes prononcées en justice et transférées à la Caisse mutuelle des juges, comme l’avait initialement proposé le gouvernement. Les parts de ces revenus reversés à la caisse des Forces de sécurité intérieure, à celle des municipalités et enfin à celle des assistants juridiques ont par contre été diminuées. La ministre de l’Intérieur et des Municipalités, Raya el-Hassan (ainsi que l’ensemble du bloc du Futur et le PSP), a estimé que le fait d’épargner les juges de cette baisse était « injuste » par rapport aux FSI et aux municipalités.
Le gel des recrutements sous toutes ses formes dans la fonction publique, y compris dans l’armée, pendant trois ans, a également été approuvé. Il ne concernera toutefois pas les membres des conseils d’administration des établissements publics, les fonctionnaires de 1re catégorie, les magistrats ainsi que les enseignants de l’Université libanaise.
Les députés ont en outre accepté d’amender la loi relative à l’impôt sur le revenu. Cette disposition était très attendue puisqu’elle assujettit désormais les pensions de retraite à l’impôt progressif sur le revenu. Les pensions des familles de martyrs de l’armée et des familles des blessés de guerre sont toutefois épargnées.
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Taxe sur les importations
La commission avait néanmoins souhaité rendre la soupe moins amère en accordant un abattement (une déduction appliquée à un montant donné avant le calcul du revenu imposable) supplémentaire de 10 millions de livres (6 600 dollars environ) aux montants des pensions imposables, qui s’ajoute à un abattement familial. Cette disposition a été transférée, pour question de forme, à l’article 48 du projet qui amende aussi la loi sur l’impôt sur le revenu.
Le budget fixe également les taux sur les six tranches de revenus imposables, qui vont de 2 % sur les salaires et traitements ne dépassant pas les 6 millions de livres annuels (4 000 dollars), et 1 % sur les pensions de retraite pour la première tranche, jusqu’à respectivement 20 et 10 % pour la tranche allant de 120 millions de livres (80 000 dollars) à 225 millions (150 000 dollars). Il prévoit également l’ajout d’une tranche supplémentaire pour les revenus, salaires ou pensions supérieurs à 225 millions de livres, respectivement imposés à 25 et 12,5 % Ces mesures entreront en vigueur le 1er août.
Autre disposition polémique, la taxe de 3 % pour une durée de trois ans sur les produits importés soumis à la TVA, sur laquelle le débat a d’abord été suspendu avant de reprendre en fin de séance. Soutenue par les industriels, représentés par les députés Nehmat Frem (indépendant) et Michel Daher (Courant patriotique libre), mais décriées par d’autres élus, dont Samy Gemayel (Kataëb), qui a estimé qu’elle allait favoriser l’inflation, ou encore le Premier ministre Saad Hariri (courant du Futur), la mesure exclut, dans sa version définitive, le carburant (à la demande des députés du Hezbollah), les équipements industriels et les matières premières. Le député Simon Abi Ramia (CPL) a pour sa part demandé que le ministère de l’Économie et du Commerce renforce les contrôles pour éviter les hausses illégales des prix.
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Annulation d’exemptions
Le Parlement a de plus accepté d’annuler l’ensemble des exemptions douanières (tous types confondus), à l’exception des marchandises faisant l’objet d’accords commerciaux, des matières et équipements utilisés par les filières industrielles et agricoles, des équipements utilisés par les personnes aux besoins spécifiques, des véhicules électriques et hybrides, et des exemptions fiscales accordées dans le cadre de la loi fiscale régissant le secteur des hydrocarbures offshore. Les marchandises dont il peut être prouvé qu’elles ont été directement acheminées vers le Liban avant la publication de la loi de finances de 2019 pourront exceptionnellement bénéficier des exemptions.Il en a été de même pour l’annulation des exemptions sur les frais d’enregistrement des véhicules et la taxe mécanique, à l’exception des personnes aux besoins spécifiques, de l’État, des institutions publiques, des municipalités, des corps consulaires et diplomatiques, et des organisations onusiennes. Les présidents de la République, du Parlement et du Conseil des ministres, les députés et ministres qui bénéficiaient jusque-là de ces exemptions sont concernés par cette annulation.
La hausse temporaire de l’impôt sur les intérêts bancaires de 7 à 10 % est également passée. Cette hausse, décriée par le secteur bancaire, sera effective pendant trois ans dès le lendemain de la publication de la loi de finances de 2019.
Autre mesure emblématique validée par les élus : les indemnités mensuelles perçues par les anciens présidents de la République, du Parlement et du Conseil des ministres, les députés et les anciens députés seront désormais soumises à l’impôt sur le revenu.
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14 h 42, le 21 juillet 2019