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Liban - Droits de l’homme

Le Liban officiel et militant à Bruxelles, pour le 7e Congrès mondial contre la peine de mort

L’objectif de ce congrès organisé par l’ONG française Ensemble contre la peine de mort, qui a réuni plus de 1 500 personnes de tous les continents, est l’abolition universelle de la peine capitale.

Légende. A Bruxelles au Parlement européen, plus de 1500 abolitionnistes disent non à la peine de mort. (Photo Christophe Meireis)

Le Liban était présent en force cette semaine au Parlement européen, à Bruxelles, pour les travaux du 7e Congrès mondial contre la peine de mort avec pour objectif l’abolition universelle de la peine capitale. Pour le représenter, deux parlementaires, Roula Tabch Jaroudi, membre du courant du Futur, également rapporteuse de la commission parlementaire des Droits de l’homme, et Georges Okaïs, député des Forces libanaises, seul parti politique libanais fermement engagé pour l’abolition de la peine de mort, par le biais d’une proposition de loi présentée en 2012 par le député Élie Keyrouz. Trois associations locales membres de la coalition contre la peine capitale étaient également représentées : l’Association justice et miséricorde (AJEM) par Lina Aya Chamoun, Karim el-Mufti et Josée el-Hayek, l’Association libanaise des droits civils et l’Université Aunohr, par Ogarit Younan et Rafic Zakharia, et enfin l’association Alef-Act for human rights, par Francisca Ankrah. Parmi les participants libanais également, la militante abolitionniste Antoinette Chahine, ancienne condamnée à mort au Liban, innocentée et graciée en 1999 après cinq ans et demi d’emprisonnement.

Près de 1 500 abolitionnistes de plus de 125 pays se sont donc retrouvés du 26 février au 1er mars 2019 dans la capitale belge pour débattre contre la peine de mort et inviter les pays rétentionnistes à se joindre à eux, pour un monde débarrassé de la peine capitale. Parmi eux, et pour la première fois dans l’histoire de la campagne abolitionniste, des représentants du secteur privé, et notamment du secteur pharmaceutique, qui refusent de s’associer aux mises à mort. Organisé par l’ONG française ECPM (Ensemble contre la peine de mort) avec ses partenaires, la Coalition mondiale contre la peine capitale, le royaume de Belgique, la Confédération suisse, l’Union européenne, le Parlement européen et le ministère norvégien des Affaires étrangères, l’événement a clôturé ses travaux hier par une marche mondiale pour l’abolition dans les rues de Bruxelles, sous le signe « Abolition Now » (Abolition maintenant).


(Lire aussi : La peine de mort n’est « pas efficace en matière de gouvernance »)



Raviver la société civile

Rappelons que le Liban prononce toujours la peine de mort, mais ne pratique plus d’exécutions depuis l’année 2004, ce qui constitue un moratoire de fait. En revanche, il n’a toujours pas officialisé ce moratoire, par manque de volonté politique notamment. Il aurait pu le faire en décembre dernier aux Nations unies, mais il s’est abstenu, refusant ainsi de faire le moindre pas en direction de l’abolition définitive de la peine capitale. Les abolitionnistes libanais ne manquent pourtant pas. Les plus célèbres d’entre eux étant l’ancien ministre de la Justice, Ibrahim Najjar, vice-président de la Commission internationale contre la peine capitale, qui a présenté un projet de loi dans ce sens, l’ancien Premier ministre Salim Hoss et l’ancien chef d’État, Michel Sleiman. Plus récemment et pour la première fois dans l’histoire du Liban, le 10 octobre 2018, le bâtonnier de Beyrouth, André Chidiac, se prononçait en faveur de l’abolition au nom du barreau de Beyrouth. Malheureusement, la lutte menée par la société civile s’est essoufflée au fil des ans depuis le décès du père Hady el-Aya, qui militait ardemment au sein de l’AJEM contre la peine capitale et pour les droits des prisonniers.

Mais il semble qu’il y ait un nouveau souffle, initié par l’ECPM. Aujourd’hui et depuis Bruxelles, non seulement les trois associations font part de leur volonté de travailler ensemble, mais les deux parlementaires libanais affirment à L’Orient-Le Jour leur volonté de s’engager en faveur de l’abolition de la peine de mort. D’une part, Georges Okaïs entend « poursuivre et raviver le travail » réalisé par Élie Keyrouz, « qui est à l’origine de la proposition de loi pour abolir la peine de mort au Liban ». D’autre part, Roula Tabch Jaroudi, qui se prononce « personnellement contre la peine capitale », insiste sur « la nécessité de lutter contre les injustices et d’améliorer le système carcéral libanais, de même que le système judiciaire ».

146 pays ont déjà aboli la peine capitale

Lors de la cérémonie d’ouverture du congrès, mercredi dernier, se sont notamment succédé à la tribune le vice-président du Parlement européen, Pavel Telicka, la haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, Federica Mogherini, le vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères et européennes du royaume de Belgique, Didier Reynders, la secrétaire d’État au département fédéral des Affaires étrangères de la Confédération suisse, Pascale Baeriswyl, et le directeur général d’ECPM, Raphaël Chenuil-Hazan. Les discours ont porté sur la nécessité de redoubler d’efforts dans « l’objectif de l’abolition universelle », en commençant par « l’Europe, presque totalement abolitionniste à l’exception de la Biélorussie ». Avec 146 pays qui ont déjà aboli la peine de mort, dans les textes de lois ou en pratique, la tendance mondiale se confirme en faveur de l’abolition. Un processus aujourd’hui irréversible. Et pourtant, en Asie, dans le monde arabe et même aux États-Unis, on continue encore d’appliquer la mise à mort. Selon les estimations, en 2017, 993 condamnés ont été exécutés dans le monde. Un chiffre qui n’inclut pas la Chine, pourtant considérée par Amnesty International comme pratiquant plusieurs milliers d’exécutions par an. Et au total, 52 États continuent de tuer au nom de la justice. L’espoir des abolitionnistes est aujourd’hui placé dans les 31 pays dans le monde en situation de moratoire. Ces pays, parmi lesquels le Liban, sont « invités à basculer dans le camp abolitionniste ».


(Lire aussi : Dans les couloirs de la mort des prisons libanaises, 82 condamnés attendent leur exécution)


Le pape François s’engage fermement

Indubitablement, deux discours ont bouleversé l’assistance. Retransmis en vidéo, le pape François a fait part pour la première fois de l’engagement ferme et irréversible de l’Église catholique contre la peine de mort, confirmant ainsi le changement de la doctrine de l’Église déjà initié et sa volonté « de modifier le catéchisme dans ce sens ». « La peine capitale est inadmissible et inacceptable quelles que soient les circonstances », a-t-il assené, estimant qu’il y a « d’autres moyens pour expier les dommages causés à la société », invitant aussi « les gouvernements à ne plus éliminer des vies humaines ».

C’est Robert Badinter, président honoraire de l’ECPM, à l’origine de l’abolition de la peine de mort en France, en 1981, qui a prononcé le mot de la fin. Retransmis lui aussi par vidéo, il a certes salué les progrès réalisés. « Mais cela n’est pas assez, a-t-il martelé, la tâche est loin d’être finie », citant les nombreux pays qui pratiquent encore la sanction capitale, comme la Chine, les USA, l’Inde, l’Iran, l’Arabie saoudite et bien d’autres... C’est pourquoi il invite les militants de ces États à poursuivre leur combat, mais surtout à une solidarité plus forte que jamais avec ces militants. « Nous devons les soutenir, a-t-il conclu, et faire entendre leur voix et la nôtre... à chaque exécution. »




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