« Le Liban ne doit pas reprendre les exécutions. Celles-ci constitueraient un pas dans la mauvaise direction. » C'est en ces termes que Human Rights Watch (HRW) répond aux voix qui se sont élevées au lendemain du meurtre de Roy Hamouche, réclamant l'application de la peine de mort contre les agresseurs du jeune homme.
Roy Hamouche, 24 ans, avait été abattu la semaine dernière, dans la nuit de mardi à mercredi, d'une balle dans la tête. Le jeune homme, qui fêtait son anniversaire, rentrait d'une soirée avec son ami, Johnny Nassar, qui était au volant. Au niveau de Jal el-Dib, la voiture des deux jeunes hommes avait percuté une BMW aux vitres teintées au bord de laquelle se trouvaient trois hommes. Roy Hamouche a été tué par l'un des trois hommes au terme d'une course-poursuite de Jal el-Dib jusqu'à la Quarantaine. Johnny Nassar a pu échapper aux agresseurs.
Rappelant que le ministre de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, s'était prononcé en faveur de la peine capitale, HRW a souligné que « le Liban a un moratoire non officiel sur la peine de mort et n'a pas procédé à une exécution depuis 2004, bien que les tribunaux continuent de prononcer des jugements dans ce sens ». « Il faut résister à toute démarche vers la reprise des exécutions », a insisté l'organisation.
(Pour mémoire : Machnouk se dit en faveur de la peine de mort)
« Le moratoire du Liban est un point positif dans son registre sur les droits de l'homme et s'aligne sur une tendance mondiale visant à abolir la peine de mort », a précisé HRW dans un communiqué. Elle souligne qu' « en 2016, vingt-trois pays ont procédé à des exécutions ». « La reprise des exécutions constituerait un troublant revers pour le Liban, sans que le pays ne soit pour autant plus sûr ou que les crimes soient prévenus », a encore insisté l'organisation, notant que les études ont montré qu'il n'y a pas de preuves que la peine de mort puisse prévenir les crimes. « En 2010, le Liban a résisté à des appels similaires lancés par des responsables politiques » en faveur de la réinstauration de la peine capitale, a rappelé HRW, soulignant que la reprise des exécutions serait « troublant en raison des inquiétudes liées au manque de garanties d'un procès équitable dans les tribunaux ».
L'organisation rappelle qu'en octobre 2008, l'ancien ministre de la Justice, Ibrahim Najjar, avait présenté au Conseil des ministres un projet de loi en vue d'abolir la peine de mort qui serait remplacée par la prison à vie assortie de travaux forcés.
Affirmant qu'elle s'oppose farouchement à la peine de mort « quelles que soient les circonstances », HRW a affirmé que le fait de « mettre un terme au moratoire ne servira qu'à ternir le registre du Liban en matière de droits de l'homme ». « Le Parlement devrait, plutôt, renforcer la position du Liban comme chef de file sur cette question au Moyen-Orient et abolir totalement la peine capitale », a conclu HRW.
De son côté, Me Najjar est revenu hier à la charge en se prononçant contre la peine capitale. Dans une interview accordée à l'agence al-Markaziya, l'ancien ministre de la Justice a qualifié le Liban de « désert juridique » et d'une « jungle ». Il a affirmé que « l'application de la peine capitale ne peut être dissuasive ». Il faudrait plutôt, selon lui, « réinstaurer le prestige de l'État face aux débordements ».
(Pour mémoire : A Beyrouth, des proches de victimes d'armes à feu dans la rue pour réclamer justice)
Coopération
Entre-temps, les ministres de l'Intérieur, Nouhad Machnouk, et de la Défense, Yaacoub Sarraf, ont pris hier de nouvelles mesures visant à renforcer la sécurité sur les routes.
Ainsi, M. Machnouk a adressé une lettre aux Forces de sécurité intérieure (FSI) les appelant à « sanctionner de manière plus stricte les infractions liées aux véhicules équipés de vitres teintées sans permis ». Cette mesure survient alors que « des propriétaires de tels véhicules ont récemment été impliqués dans des incidents sécuritaires ou des disputes ayant dégénéré en tirs », a précisé un communiqué publié par le bureau du ministre. M. Machnouk a souligné que « plusieurs crimes, notamment des meurtres, des vols, des enlèvements ou encore un trafic de drogues impliquaient des véhicules aux vitres teintées ». Il rappelle que seuls les permis délivrés par le ministère de l'Intérieur sont valables.
Yaacoub Sarraf a pour sa part publié une décision annulant les permis de port d'armes délivrés en 2016. « Récemment, des incidents sécuritaires se sont multipliés en raison de la détention incontrôlée d'armes à feu, ce qui a eu un impact négatif sur la stabilité nationale et entraîné un sentiment d'insécurité chez les citoyens », a constaté le ministère de la Défense dans un communiqué.
« En raison de la confusion entourant la délivrance de permis de port d'armes par le ministère de la Défense, tous les permis délivrés en 2016 sont d'ores et déjà annulés », a ajouté le texte. Il a expliqué que toute autorisation de port d'armes nécessite une demande accompagnée des documents requis et de remplir un formulaire disponible sur le site du ministère à l'adresse suivante: www.mod.gov.lb
Dans l'après-midi, une réunion s'est tenue au ministère de la Défense en présence de MM. Sarraf et Machnouk qui ont insisté sur « la coopération entre leurs ministères », affirmant que « les forces de sécurité bénéficient d'une couverture politique totale ».
(Lire aussi : La corde, mais quoi d'autre ? L'édito de Issa GORAIEB)
Course-poursuite à Jbeil
Dimanche soir également, une dispute entre deux conducteurs, dont un agent des FSI, sur une priorité de passage dégénère en attaque. L'incident s'est déroulé sur l'autoroute de Halate. J.I. tentait de doubler une Mercedes lorsque le conducteur l'en a empêché. L'homme a alors tenté de le doubler du côté droit et a embouti le véhicule. Quelques instants plus tard, J. I. a entendu des tirs et le conducteur de la Mercedes l'a pourchassé jusqu'à Jbeil où il l'a obligé à arrêter son véhicule puis l'a roué de coups. J.I. a été transporté à l'hôpital.
En soirée, les Forces de sécurité intérieure ont précisé qu'à la suite de l'accident survenu sur l'autoroute, l'officier a dû poursuivre J.I. jusqu'à Blatt, où ils sont disputés. Dans un communiqué, les FSI ont affirmé que « l'officier n'était pas en possession d'une arme ». Et de souligner que les tests d'alcoolémie effectués à l'hôpital ont montré que le taux d'alcool dans le sang de J. I. était supérieur à la limite légalement autorisée.
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La prison a vie
17 h 53, le 01 mars 2019