Rechercher
Rechercher

Liban - Interview express

« Je trouve choquant qu’à chaque crime, les appels se multiplient pour tuer, pour se venger »

Ibrahim Najjar, fervent militant pour l'abolition de la peine de mort, rappelle inlassablement son credo : « Tu ne tueras point. »

Il existe de graves failles dans le paysage judiciaire libanais, estime l’ancien ministre de la Justice Ibrahim Najjar. Photo d’archives/L’Orient-Le Jour

Le pays est en émoi après le tragique meurtre du jeune Roy Hamouche, 24 ans, fraîchement diplômé de la faculté de génie de l'USEK, abattu à bout portant par un homme armé accompagné de deux complices, pour un bête incident de la route. Horrifiés, les Libanais appellent la justice à sévir et réclament une peine exemplaire. Les réseaux sociaux sont en ébullition. Par milliers, les voix s'élèvent en faveur de l'application de la peine de mort, comme celle d'un pasteur, Edgar Traboulsi, qui invite le chef de l'État et le gouvernement « à rétablir la peine de mort, ou alors à imposer la prison à perpétuité, voire les travaux forcés pour 500 ans non compressibles ».

Tout aussi choqué par le crime, l'ancien ministre de la Justice Ibrahim Najjar, professeur de droit et fervent militant pour l'abolition de la peine de mort au Liban, rappelle inlassablement son credo : « Tu ne tueras point. » Celui qui a refusé de signer un arrêt de mort, en 2008, explique pourquoi, à L'Orient-Le Jour, tout en dénonçant l'impunité et le laxisme qui règnent au pays du Cèdre.

Des voix s'élèvent en faveur de la peine de mort à l'encontre du meurtrier du jeune Roy Hamouche. Que leur répondez-vous ?
La peine de mort doit être abolie, comme l'esclavage. Elle doit être remplacée par la perpétuité ou les travaux forcés. 160 pays l'ont déjà abolie, car elle n'est pas la sanction contre la criminalité. Elle consiste à ôter la vie à un individu par un autre individu, que ce soit un juge ou un gouvernement. Or, quel que soit le motif, personne n'a le droit d'enlever la vie à une autre personne. Je comprends la colère populaire, et je n'excuse personne. Je comprends aussi que la rue réclame des mesures expiatoires. Mais je trouve choquant qu'à chaque crime, les appels se multiplient pour tuer, pour se venger. De plus, seuls les pays où il n'y a pas de tradition démocratique usent et abusent de la peine de mort. Cette dernière est utilisée comme un épouvantail par les gouvernements incapables de rendre des comptes, histoire de faire taire l'opinion publique. Par ailleurs, dans un pays comme le Liban, dix ans passent parfois avant que le jugement soit rendu. Or plus on s'éloigne du moment où le crime a été commis, plus la sanction est illusoire, le crime ayant été oublié. Un juge peut-il prononcer froidement la peine de mort, après des années d'enquête, tranquillement assis derrière son bureau ? Aussi illusoire est la peine capitale prononcée contre des terroristes qui n'aspirent qu'à mourir.

 

(Lire aussi : Affaire Roy Hamouche : Tous les suspects arrêtés, mais le traumatisme reste vivace)

 

Que risque aujourd'hui le meurtrier de Roy Hamouche ?
Tant que la peine capitale figure dans les textes, le parquet ne peut pas ne pas appliquer la loi. Mais pour cela, il faut éclaircir les circonstances exactes du drame. Le ou les assassins étaient-ils sous l'emprise de l'alcool ou de drogues ? Y a-t-il eu provocation ? La loi prend en considération l'ensemble de ces facteurs. La condamnation à mort suppose aussi l'imputabilité du crime, autrement dit qu'il y ait eu de la part du criminel une volonté de tuer ou une préméditation, si ce criminel était en possession de toutes ses facultés.
Mais il faut aussi savoir que le Liban n'applique pas la peine de mort depuis treize ans déjà. Selon les critères internationaux, et comme 30 autres pays, il est classé dans la catégorie des pays dits civilisés, qui appliquent un moratoire de fait, une abolition de facto. Il faut de plus savoir qu'il n'est pas permis d'appliquer la peine capitale dans le procès de l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri. Le droit pénal libanais s'y applique, à l'exclusion de la peine de mort. C'est la condition posée par la communauté internationale pour la mise en place du TSL.

Quelle peut être l'alternative à la peine capitale ?
Au pays du règne de l'impunité, il faut sévir, autrement dit sanctionner les criminels. L'impunité ne doit pas être la loi et la justice doit faire son devoir. Et pourtant, pour des motifs électoralistes, des promesses d'amnistie sont lancées aujourd'hui, plus particulièrement à l'égard des islamistes au Liban-Nord. Chose inadmissible ! De même, des individus peuvent utiliser leurs armes à feu et les retourner impunément contre les citoyens, pour une simple priorité de passage. Or il ne peut y avoir une politique de deux poids, deux mesures. Pour que règne l'État de droit, il est impératif que l'on mette fin à l'impunité. Mais en même temps, il faut avoir une conception cohérente de la sanction liée aux actes criminels. Ce qui n'est pas le cas. Il existe de graves failles dans le paysage judiciaire libanais, que je qualifierai de crevasses insurmontables. Comme par exemple les reports d'audiences ou la lenteur de la justice. Un véritable scandale !

 

 

Lire aussi

Assassinat de Roy Hammouche : à la jungle comme à la jungle...

 

Pour mémoire

Antoinette Chahine et la peine de mort à Chamonix

Au Liban, la peine de mort requise contre 106 jihadistes présumés

Ibrahim Najjar dans l’ordre espagnol d’Isabelle la Catholique : Pas de démocratie sans abolition de la peine de mort

Le pays est en émoi après le tragique meurtre du jeune Roy Hamouche, 24 ans, fraîchement diplômé de la faculté de génie de l'USEK, abattu à bout portant par un homme armé accompagné de deux complices, pour un bête incident de la route. Horrifiés, les Libanais appellent la justice à sévir et réclament une peine exemplaire. Les réseaux sociaux sont en ébullition. Par milliers, les...

commentaires (12)

A LA JUNGLE COMME A LA JUNGLE...."TU NE TUERAS PAS MRS..

Soeur Yvette

09 h 16, le 11 juin 2017

Tous les commentaires

Commentaires (12)

  • A LA JUNGLE COMME A LA JUNGLE...."TU NE TUERAS PAS MRS..

    Soeur Yvette

    09 h 16, le 11 juin 2017

  • « Je trouve choquant qu’à chaque crime, les appels se multiplient pour tuer, pour se venger » TOUT LE MONDE IL EST BEAU TOUT LE MONDE IL EST GENTIL DONC IL EST DE BON TON , BON CHIC BON GENRE D'ETRE AUJOURD'HUI CONTRE LA PEINE CAPITALE . CA FAIT NOBLE ET CLASSE ET COMME PAR HASARD CEUX QUI SONT CONTRE LA PEINE CAPITALE SONT EN MEME TEMPS POUR L'AVORTEMENT QUI EST LA PEINE CAPITALE APPLIQUEE A UN ETRE INNOCENT DESTINEE A VIVRE,CA AUSSI CA FAIT CLASSE ET NOBLE AUTREFOIS LES GENS DE BON SENS DISAIENT NOUS SOMMES CONTRE LA PEINE CAPITALE ECRIVAIT MAIS QUE MESSIEURS LES ASSASSINS COMMENCENT LES PREMIERS SI TU NE VEUX PAS ETREE TUEE NE TUE PAS SI TU TE PERMETS DE PORTER ATTEINTE A LA VIE DES AUTRES LA SOCIETE A LE DROIT DE PORTER ATTEINTE A TA PROPRE VIE MEME SI DE GENTILS MINISTRES DE LA JUSTICE PENSENT LE CONTRAIRE SI TU TUES EN FLAGRANT DELIT ET DE FACON PREMEDITEE COMME LE DISAIT LE MACHNOUK LA SOCIETE A LE DROIT ET LE DEVOIR DE TE TUER COMME LA VIPERE DE SPINOZA

    Henrik Yowakim

    10 h 48, le 10 juin 2017

  • S'il est jugé coupable, la peine de mort est la seule sentence qui s'impose, c'est éliminer une nuisance et veiller au salut public, un devoir pour état de droit, period.

    Christine KHALIL

    23 h 27, le 09 juin 2017

  • La perpétuité ou les travaux forcés n’ont jamais porté leurs fruits . Il y aura comme hier ou comme demain un député ou ministre qui fera sortir le criminel .

    Antoine Sabbagha

    19 h 29, le 09 juin 2017

  • Il faut rappeler tout de même que la peine de mort n' a pas été abolie aux Etats Unis...Malgré l' existence en parallèle de peines incompressibles... Avant d' appuyer sur la gâchette, le criminel aurait-il le même reflexe, si la certitude de perdre la vie flashait dans son esprit, plutôt que de passer de longues années, avec possibilité de remise de peine , de gite et nourriture garantis, aux frais du contribuable, conditions certes dures, mais ' vivables ' , surtout en europe ou un certain ' confort ' est offert, permettant de se réhabiliter, de poursuivre des études , etc...? Ainsi , Anders Breivik , après avoir massacré 77 jeunes de sang froid en 2011 en Norvège, a reçu la peine maximale de 21 ans d'incarcération prévue par la loi norvégienne , et a saisi la cour européenne des droits de l' homme , pour contester les conditions inhumaines de sa détention !

    LeRougeEtLeNoir

    12 h 03, le 09 juin 2017

  • Enfin un homme sensé dans ce monde de brute! arrêtons de fonctionner avec son cœur la réalité est plus complexe.La peine de mort n'a jamais changé les choses il suffit de regarder les statistiques dans les pays avant peine de mort et après la suppression. Vous croyez que ces virtuose de la gâchette se posent la question de savoir quels sont les conséquences de leurs actes? Un peu comme la déchéance de nationalité pour les terroriste. Le fond du problème n'est pas là mais bien dans l'impunité générale dans ce domaine comme dans d'autres.Pourquoi le comportement des Libanais est différent quand ils sont dans leur pays ou quand ils sont à l'étranger du moins ceux qui ont un état de droit?

    yves kerlidou

    10 h 35, le 09 juin 2017

  • SI L,ETAT FAISAIT PROPREMENT SON JOB ET LES GENS EN AVAIT CONFIANCE PERSONNE NE PARLERAIT NI PENSERAIT DE REVANCHE...

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 25, le 09 juin 2017

  • Ce qui est encore plus choquant est qu'on soit choqué de la réaction des gens...

    NAUFAL SORAYA

    08 h 18, le 09 juin 2017

  • Il ne s'agit pas d'appels à tuer ou à se venger, mais un cri de révolte d'un peuple qui demande la protection qu'il ne trouve pas, qui en a assez que certaines personnes vivent dans la douleur éternelle à cause de criminels qui n'ont peur de rien ni de personne et continuent de vivre en toute impunité (quelques années de prison ne sont rien pour des crimes de ce type). Personne n'est pour la peine de mort dans l'absolu et ni n'a le droit de tuer, mais il arrive un moment où les gens en ont assez. Et la sentence doit être immédiate, pas au bout de nombreuses années... Comment punir ce type de crime??? Si, comme se demande M. Hajjar, "Le ou les assassins étaient-ils sous l'emprise de l'alcool ou de drogues ? Y a-t-il eu provocation ?" , faut-il pour autant les excuser? Il y a quand même une ligne rouge que plus personne n'est prêt à dépasser!!! Les droits de l'homme passent d'abord par les droits à la défense des victimes et la protection des futures...

    NAUFAL SORAYA

    08 h 16, le 09 juin 2017

  • qui a dit que personne n'a le droit d'enlever la vie a une autre personne?? c'est une lecture purement Chretienne et il faut dissocier le religieux du politique. le religieux n'a rien a voir dans tout cela. le peuple, decide de son sort et decide quoi faire avec les criminels. ce n'est pas aux intellectuels de nous dire comment penser et quoi faire. Si le peuple veut la potence, amenez la potence. votre role de politique, si vous pensez que la democratie est la meilleure forme de gouvernement, c'est d'executer tout simplement la volonte du peuple. Quand ce ministre a refuse d'appliquer la peine de mort en 2008, il n'a agit qu'en capacite personelle et contre la volonte du peuple et des textes. il n'avait qu'a refuser le poste quand il a ete nomme. mais un poste de ministre ca ne se refuse pas...

    George Khoury

    08 h 04, le 09 juin 2017

  • D'accord contre la peine de mort, mais oui à la prison à perpétuité qui soit vraiment à perpétuité. D'ailleurs, pour les terroristes, cette sanction est plus dissuasive que la peine capitale qui transforme le criminel en martyr.

    Yves Prevost

    07 h 15, le 09 juin 2017

  • Vous le dites bien Mr. Najjar, le Liban est classé parmi les pays civilisés, à cause d'une classe sociale éduquée, occidentalisée de par son éducation, plutôt minoritaire et qui nous donne cette façade trompeuse... Non, la réalité est toute autre, et vous le savez bien: nous demeurons une société à structures tribales, féodales, confessionnelles, aux mentalités primaires et ou les traditions démocratiques se résument à votre appartenance communautaire, vos relations sociales et votre compte en banque! Comment voulez-vous mettre fin à l'impunité dans cette jungle pareille?.. Je comprends alors la position d'un pasteur fondamentaliste qui demande la peine capitale en retournant à des préceptes bibliques de la loi du Talion: "œil pour œil, dent pour dent".

    Saliba Nouhad

    05 h 08, le 09 juin 2017

Retour en haut