Rechercher
Rechercher

Liban - Partis

Que signifie la décision britannique de proscrire le Hezbollah dans son intégralité ?

La France, elle, continue de distinguer entre la branche militaire et le mouvement politique du parti chiite.

Gebran Bassil recevant Federica Mogherini au palais Bustros. Photo Dalati et Nohra

Le ministre britannique de l’Intérieur Sajid Javid a annoncé hier que « (son) pays se dirige vers une interdiction du bras politique du Hezbollah », dans une mesure qui visera à interdire aux partisans d’organiser un quelconque mouvement dans les rues de Grande-Bretagne ou de porter le drapeau du parti. M. Javid a annoncé dans un communiqué qu’étant donné les agissements « déstabilisateurs » du Hezbollah au Proche-Orient, le Royaume-Uni ne pouvait « plus faire de distinction entre leur aile militaire, déjà interdite, et le parti politique ». « Pour cette raison, nous avons pris la décision de proscrire le groupe dans sa totalité », a-t-il ajouté.

Le bras armé du Hezbollah, rappelons-le, est sur la liste des organisations terroristes de l’Union européenne depuis 2013, ce qui a entraîné des sanctions. En 2017, plusieurs pays arabes, notamment ceux du Golfe, ont qualifié le parti de « terroriste ».

Cette interdiction en Grande-Bretagne entrera en vigueur vendredi si elle reçoit l’aval du Parlement. L’appartenance au Hezbollah ou toute incitation à le soutenir sera considérée comme un crime passible de dix ans de prison.

Le « distinguo » français

Cette mesure n’a pas été suivie par la France. En réaction à l’annonce britannique, le président français Emmanuel Macron a ainsi affirmé hier que la France faisait le « distinguo » entre la branche militaire du Hezbollah, qu’il qualifie de « terroriste », et le mouvement politique avec lequel Paris peut « échanger ».

« Nous avons constamment distingué deux réalités du Hezbollah. D’une part, la branche militaire que nous qualifions de terroriste, et, d’autre part, le mouvement politique qui est représenté au Parlement et avec qui nous pouvons échanger », a déclaré M. Macron lors d’une conférence de presse conjointe avec le président irakien Barham Saleh à l’Élysée. « Nous continuerons à faire ce distinguo », a poursuivi le président français. « Ce distinguo permet de lutter contre ceux qui ont des actions strictement militaires de type terroriste et de poursuivre cette politique dite de dissociation du Liban, afin d’éviter que ce pays ne soit en quelque sorte le théâtre importé des conflits régionaux », a-t-il ajouté, en référence à la politique de distanciation à l’égard des conflits régionaux prônée par le gouvernement libanais. « Il n’appartient pas à la France ou à d’autres puissances extérieures de savoir quelle force politique représentée au Liban serait bonne ou non. C’est au peuple libanais de le faire », a conclu M. Macron.


(Lire aussi : Macron : La France fait "le distinguo" entre les branches politique et militaire du Hezbollah)


Une décision « qui n’affecte pas le Liban »

Au Liban, la première réaction est venue du ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil. « Cette décision n’aura aucun impact négatif direct sur le Liban. D’autres pays nous ont déjà habitués à cela », a déclaré M. Bassil à l’issue d’un entretien avec la chef de la diplomatie de l’Union européenne, Federica Mogherini, en visite à Beyrouth. « Les Britanniques ont confirmé que leur décision sur le Hezbollah n’affecterait pas les relations bilatérales entre le Liban et la Grande-Bretagne », a encore assuré le chef de la diplomatie libanaise. « La position britannique sur le Hezbollah est une affaire souveraine et n’affecte en rien la position de l’UE envers le parti », a déclaré de son côté Mme Mogherini.

S’exprimant sur ce sujet à une chaîne égyptienne à Charm el-Cheikh, où se tient le sommet euro-arabe, le Premier ministre Saad Hariri a estimé qu’il « s’agit d’une décision qui concerne la Grande-Bretagne seule, et non le Liban ». « Ce qui nous intéresse, c’est que les relations entre nous n’en soient pas affectées, a-t-il poursuivi. Nous espérons qu’ils considèrent le Liban en tant que pays et peuple, d’où le fait qu’il faut entretenir les meilleures relations possibles avec tout le monde. C’est ce qui compte pour l’avenir du Liban et de ses intérêts. »

Comme on pouvait s’y attendre, Israël a affiché sa satisfaction. Le ministre israélien des Affaires étrangères Israël Katz a « félicité le gouvernement britannique pour la décision qu’il a prise de proclamer le Hezbollah tout entier organisation terroriste ». « Quand je rencontrerai le secrétaire général de l’ONU à New York, la semaine prochaine, je soulignerai la nécessité pour les institutions onusiennes d’adopter une résolution similaire », a-t-il écrit sur Twitter.


(Lire aussi : Influence interne du Hezbollah : deux facteurs suscitent des inquiétudes, le décryptage de Scarlett Haddad)


La fin de l’ambivalence…

Mais que signifie cette nouvelle mesure pour le Hezbollah et, de manière plus générale, pour le Liban ? Sami Nader, économiste et analyste politique, estime d’emblée que cette distinction entre bras armé et bras politique du Hezbollah a longtemps offert aux pays européens une marge de manœuvre par rapport au Liban, leur permettant d’afficher leur mécontentement par rapport à l’Iran et au Hezbollah, tout en ne pénalisant pas leurs alliés traditionnels au Liban. Il rappelle que durant le mandat du président américain Barack Obama, et bien que les Américains aient toujours fait l’amalgame entre les deux composantes du Hezbollah, il était de rigueur de faire la sourde oreille. « Avec le président Donald Trump, la situation a complètement changé, affirme-t-il à L’Orient-Le Jour. Parallèlement, les pays arabes ont également durci leur position après le début de la guerre du Yémen (et de l’implication du Hezbollah dans ce conflit), plaçant ce parti sur leur liste d’organisations terroristes. »

L’analyste constate que cette décision britannique fait clairement suite au sommet « anti-iranien » de Varsovie, qui a eu lieu les 13 et 14 février, ainsi qu’aux déclarations du secrétaire d’État américain Mike Pompeo, qui a critiqué cette ambivalence européenne et préconisé une autre approche. « La position britannique s’est alignée sur la position américaine », souligne-t-il.

Qu’est-ce qui explique la position française ? « À mon avis, si les Français avaient emprunté cette voie, cela aurait été la fin de la CEDRE et la déstabilisation d’une scène libanaise où ils ont leur influence, répond-il. Toutefois, cela n’exclut pas que d’autres donateurs dans le cadre de la conférence internationale puissent protester à un moment ou à un autre. »

Interrogé sur les conséquences pour le Liban, M. Nader estime que dorénavant, « des conditions supplémentaires seront imposées pour traiter avec ce pays, davantage de garanties d’une non-implication du Hezbollah ». « Or, poursuit-il, ce parti est aujourd’hui dominant au Parlement comme au gouvernement. Dans le passé, ce qui permettait de faire la distinction entre les bras armé et politique du Hezbollah et d’entretenir cette ambivalence, c’était le fait que les détracteurs du parti chiite étaient majoritaires au Parlement comme au gouvernement. » Dans l’absolu, « de telles mesures ajoutent à la vulnérabilité du Liban, qui profitait de l’ambiguïté », ajoute-t-il.

Comment faire face ? « Par la politique de distanciation, souligne M. Nader. La neutralité du Liban devient une condition existentielle pour lui. »



Lire aussi

Le Hezbollah se pose en champion... mais sans embarrasser ses alliés

Nasrallah : Nous voulons plus que jamais trouver des solutions aux problèmes des Libanais

Le Hezbollah reste attaché à sa liberté d’action hors du giron de la légalité

Quelle politique de distanciation après les propos de Nasrallah ?

Le ministre britannique de l’Intérieur Sajid Javid a annoncé hier que « (son) pays se dirige vers une interdiction du bras politique du Hezbollah », dans une mesure qui visera à interdire aux partisans d’organiser un quelconque mouvement dans les rues de Grande-Bretagne ou de porter le drapeau du parti. M. Javid a annoncé dans un communiqué qu’étant donné les agissements...

commentaires (17)

Donc 10 ans de prison pour qui dit "je soutiens l'hezbollah". Bien. Alors qu'en Iran même, même une espionne étrangère n'a fait qu'un an de prison. Iran moins totalitaire que l'Angleterre, c'est le monde à l'envers ! Pendant des années jusqu'en 2013, la France a dans son immense sagesse pesé de tout son poids pour que l'Hezb dans son ensemble ne soit pas inscrit sur la liste des organisation terroriste de l'UE, avant de céder minablement devant la pression israelo-américaine. Angleterre a toujours été le premier ennemi des peuples arabes !

Jean abou Fayez

11 h 37, le 27 février 2019

Tous les commentaires

Commentaires (17)

  • Donc 10 ans de prison pour qui dit "je soutiens l'hezbollah". Bien. Alors qu'en Iran même, même une espionne étrangère n'a fait qu'un an de prison. Iran moins totalitaire que l'Angleterre, c'est le monde à l'envers ! Pendant des années jusqu'en 2013, la France a dans son immense sagesse pesé de tout son poids pour que l'Hezb dans son ensemble ne soit pas inscrit sur la liste des organisation terroriste de l'UE, avant de céder minablement devant la pression israelo-américaine. Angleterre a toujours été le premier ennemi des peuples arabes !

    Jean abou Fayez

    11 h 37, le 27 février 2019

  • MAY CHIDIAC POURRA PEUT ETRE DIRE EN CONSEIL DE MINISTRE SI ELLE CONSIDERE QUE C'EST LA BRANCHE ARMEE SEULEMENT QUI A PRIS LA DECISION DE LA TUER OU C'EST LES TETES " PENSANTES CIVILS ' DU HEZBOLLAH pourquoi ALLEZ VOUS CHERCHER A JUSTIFIER LA POSITION DE L'EUROPE DE DIVISER LE BRAS MILITAIRE DU BRAS CIVILE QUI LUI DONNE LES ORDRES .COMBIEN D'ASSASSINATS PROGRAMMES ILS VOUS FAUT ENCORE AU LIBAN POUR RECONNAITRE LA REALITE ALORS QUE VOUS HURLER POUR M KASHOGJI UNIQUEMENT ( Dieu ait son ame )

    LA VERITE

    02 h 20, le 27 février 2019

  • Bonnet blanc , blanc bonnet bravo la Grande Bretagne , elle a été dirrecte

    Eleni Caridopoulou

    23 h 52, le 26 février 2019

  • A quand le Liban martyr continuera à vivre ainsi ?

    Antoine Sabbagha

    21 h 38, le 26 février 2019

  • La position de la France est d’une logique implacable puisque le Hezbollah est au parlement ! Elle respecte la souveraineté du Liban et la position de son peuple , nuance . La France est aussi très claire par rapport à la branche militaire qu’elle condamne de par ses actions au Liban sud , Yémen , Syrie .... Pour ceux qui vante une remontée de la diplomatie britannique, il n’en est rien. Est ce la Grande Bretagne qui est à l’origine du sauvetage de hariri en novembre 2017 ou est-ce la France? Quant au Brexit , c’est la pire décision que les anglais aient prise . Ils commencent à s’en mordre les doigts et sont obligés aujourd’hui de s’aligner totalement sur le USA.. En voilà un exemple parfait .

    L’azuréen

    19 h 27, le 26 février 2019

  • C'EST LA LOGIQUE MÊME. LES ORDRES VIENNENT DE LA TÊTE PENSANTE. LA BRANCHE ARMÉE DU HEZBOLLAH NE PEUT NE PEUT PAS BOUGER LE PETIT DOIGT SANS L'ACCORD DES POLITIQUES . ELLE RÉAGIT SEULEMENT SUIVANT LES ORDRES REÇUS DE L'IRAN VIA HASSAN NASRALLAH. ON NE PEUT PAS IMAGINER AUTREMENT. LA POSITION DE LA FRANCE C'EST DU N'IMPORTE QUOI, RIEN QUE DU CINEMA ET DE L'HYPOCRISIE.

    Gebran Eid

    15 h 11, le 26 février 2019

  • Distinguo français !? Élémentaire mon cher Watson, les français n'ont pas connu Hyde et Jekyl mais les anglais l'ont bien souffert ...

    Wlek Sanferlou

    13 h 37, le 26 février 2019

  • Sauf que les actes terroristes les plus sanglants commis sur l'emsemble des pays de l'UE depuis 2013 n'étaient pas le fait du hezb. L'UE a intérêt à réactualiser sa liste le plus vite possible. Le danger vient toujours de là où on l'attend le moins.

    Tina Chamoun

    13 h 22, le 26 février 2019

  • Pauvre Liban le hezbollah assassine son premier ministre et le parti a pignon sur rue alors que dans un pays normal il serait interdit dissous et ses membres en prison.

    HABIBI FRANCAIS

    12 h 32, le 26 février 2019

  • Il y a des années que nous préconisons la "NEUTRALITE PERMANENTE" du Liban et non la seule politique de distanciation, qui est une défense stratégique provisoire et inutile, surtout que le pays du Cèdre est dominé depuis plus de dix ans, exclusivement par le Hezbollah...! Nous n'avons pas cessé de justifier cette position sous tous ses aspects et de la marteler en publiant de nombreux articles dans nombre de journaux, ainsi qu'auprès des NU.en 2014, et à travers une lettre ouverte adressée au Président Macron le 14 décembre 2017, la réaction tristement lamentable de la majorité des politiques et même de bon nombre de citoyens, était de nous affubler de "grands rêveurs"...! Regardez ou nous en sommes arrivés dans ce triste pays, mais nous allons quand même continuer notre combat long et ardu pour la Neutralité Permanente...!

    Salim Dahdah

    10 h 32, le 26 février 2019

  • Le distinguo n'est pas français, il a été fait par l'Union Européenne et c'est Madame Mogherini (photo) qui est venue l'expliquer aux responsables libanais. Je pense que la position de la GB est en rapport avec le Brexit, qui annonce le retour de la GB sur le scène mondiale, comme puissance indépendante.

    Shou fi

    09 h 53, le 26 février 2019

  • Olympien ce ministre.... Et, risible ..! Rappelez-vous l' interview à CNN, voulant donner des lecons aux USA et à la GB, pour leur apprendre comment gérer un pays...sans budget ! Hahaha....Et bientot, sans argent..!

    LeRougeEtLeNoir

    09 h 51, le 26 février 2019

  • Il serait plus crédible s'il virait aussi la cravate et adoptait le col iranien, il est douteux là.

    Christine KHALIL

    09 h 22, le 26 février 2019

  • Macron suit la politique de Giscard qui a été catastrophique pour le Liban. D'ailleurs ça ne va pas mieux en France ou il n'a fait que des crottes. Distinguer la dite branche politique du Hezbollah de sa branche armée est une fadaise qui ne met pas a l'honneur l'intelligence de Macron ou de tout ceux qui pensent de cette manière surtout que Hassan Nasrallah ne se cache pas et n’arrête de clamer que son parti a intervenu directement au Yémen, en Syrie, en Irak, etc... S'il y voit encore une différence nous comprenons que la France soit devenue décadente et qu'elle nage dans la mouise... De la puissante République sous De Gaulle elle s'est transformée en une simple province Européenne sans couleurs, sans odeurs et sans saveurs. Pauvre France! Qu'est donc devenue la grandeur de ce pays entre les mains d'apprentis sorciers!

    Pierre Hadjigeorgiou

    09 h 03, le 26 février 2019

  • Qui a peur ? Le hezb ou l'usurpation ? Le vrai sens de cette décision c'est que le javid s'est reçu soit une menace , soit une grosse enveloppe, ou tout simplement les 2 . Lol....

    FRIK-A-FRAK

    08 h 57, le 26 février 2019

  • La décision britannique est parfaitement logique. C'est le distinguo français qui relève d'une rare hypocrisie.

    Yves Prevost

    08 h 24, le 26 février 2019

  • IL SIGNIFIE QUE SANS LA TETE LES BRAS NE SE MEUVENT PAS ! MAIS LES BRITANNIQUES POUVAIENT AU LIEU DE LA REALITE CHOISIR OU RESTER SUR LEUR REALISME...

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 47, le 26 février 2019

Retour en haut