Les craintes exprimées par l’ambassadrice des États-Unis Elizabeth Richard « sur l’influence grandissante du Hezbollah au sein du gouvernement » n’ont pas suscité une grande réaction de la part des différentes parties politiques, y compris celles qui se déclarent soucieuses de la souveraineté du Liban. Pourtant, Mme Richard a été claire dans sa position au sujet du Hezbollah, non seulement à l’issue d’une rencontre avec le Premier ministre Saad Hariri, mais aussi avec le chef du parti Kataëb et probablement dans le cadre d’autres rencontres officielles.
Alors que les formations politiques se lancent dans une polémique au sujet de la visite prévisible du ministre d’état pour les Affaires des réfugiés syriens à Damas, les déclarations de Mme Richard – qui peuvent être perçues comme une tentative de monter les parties libanaises contre le Hezbollah, ou en tout cas comme un avertissement de la part de l’administration américaine à l’égard du Liban officiel et politique – n’ont pas provoqué de protestations ou de débats. La seule réponse est venue du chef de l’État qui, dans sa rencontre avec le président et les membres du conseil de l’ordre des rédacteurs, a évoqué ce sujet.
Le président Michel Aoun a précisé, à ce sujet, que la position exprimée par Mme Richard n’est pas conforme à la réalité. Selon lui, le Hezbollah a un poids politique et populaire qu’il a conservé et qui s’est traduit à travers les élections législatives. Ce poids s’est reflété au sein du gouvernement, mais il se maintient, sans plus. Il a aussi ajouté qu’il est faux de dire que le Hezbollah a une influence sécuritaire dans le Sud et dans la Békaa, car, dans ce domaine, aucun pouvoir n’est supérieur à celui de l’armée et des forces de sécurité qui ont d’ailleurs accompli ces derniers temps d’importantes opérations sécuritaires, dans ces régions en particulier, consolidant ainsi la sécurité et la stabilité. La déclaration du chef de l’État est claire, mais elle ne suffira probablement pas à dissiper les appréhensions des États-Unis et de ceux qui affirment que le Liban est désormais sous l’influence du Hezbollah.
Pourtant, sur le plan des rapports de force internes, il n’y a pas eu de véritables changements depuis quelques années, notamment par rapport aux dernières législatives en 2009. Certes, quelques sièges ont changé de place sur le plan politique, mais globalement, la situation est restée pratiquement la même, basée principalement sur le consensus. Alors, qu’est-ce qui pousse les États-Unis et certaines parties libanaises à avoir et à exprimer toutes ces craintes ?
Selon une source proche du Hezbollah, il y a deux facteurs qui suscitent les craintes ainsi exprimées : l’un est régional et le second interne.
Sur le plan régional, la situation est certainement différente de celle qui prévalait il y a quelques années encore. En Syrie, le « projet » des États-Unis et de leurs alliés a échoué et le président américain a clairement annoncé son intention de retirer ses troupes de ce pays. Cette décision a d’ailleurs provoqué une telle panique chez les alliés des États-Unis dans la région qu’il a dû la nuancer et affirmer que ce retrait aurait lieu après l’élimination totale de l’organisation État islamique (EI) en Syrie. Mais la présence de l’EI n’est sans doute pas le seul élément d’inquiétude chez les alliés des Américains dans la région, et le président Trump s’est empressé de multiplier les mesures destinées à rassurer ses alliés sans toutefois y parvenir totalement. Dans ce contexte, le régime syrien et l’axe dit de la résistance sont considérés comme les gagnants de l’échec du « projet » américain en Syrie et le Hezbollah fait partie de cet axe. Selon plusieurs sources différentes, son rôle dans l’échec du « projet » américain en Syrie aurait été considérable et il bénéficie donc d’une aura nouvelle au Liban, d’autant qu’il avait été fortement critiqué pour son intervention en Syrie.
C’est donc fort de cette réalisation que le Hezbollah revient de Syrie. Mais ce qui dérange le plus ceux qui affirment que son influence est grandissante au Liban, c’est la décision du parti de s’investir dans les affaires internes libanaises, insistant sur le fait que sa présence en Syrie et ailleurs n’exige plus une mobilisation considérable. Tout en maintenant son état d’alerte au sud et face à Israël, le Hezbollah entame désormais une nouvelle phase de son existence qui le pousse à se plonger beaucoup plus dans les affaires internes libanaises. Pour la première fois en effet depuis son apparition après l’invasion israélienne en 1982 et sa naissance officielle en 1984, le Hezbollah donne la priorité aux dossiers internes libanais. Il a ainsi fait de la lutte contre la corruption un de ses nouveaux objectifs, au même titre que la résistance contre Israël, et il est en train de modifier la ligne directrice de ses relations avec les différentes parties internes. Les excuses du chef du bloc parlementaire de la résistance, Mohammad Raad, après la réflexion malheureuse du député Nawaf Moussaoui sur le président Bachir Gemayel, et la série de contacts entrepris aussitôt par le Hezbollah avec aussi bien les Forces libanaises que les Kataëb montrent un style nouveau dans l’approche des dossiers internes, qui n’est plus uniquement axée sur la position à l’égard de la résistance. Et c’est sans doute cette attitude nouvelle et cette volonté de s’impliquer dans les dossiers internes qui inquiètent le plus les détracteurs du parti. Tant qu’il était orienté vers l’extérieur du Liban et qu’il se limitait à l’intérieur aux régions chiites et à préserver de façon minimale la résistance, cela allait. Mais maintenant qu’il cherche à devenir plus actif sur tous les plans, c’est un sujet d’inquiétude au Liban et à l’étranger...
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commentaires (6)
Au loup, au loup crient les "occidentaux"...et certains "locaux" Le loup reviendrait dans la bergerie Attention à vos moutons, bergers apeurés... Mais cela est il suffisant pour "bloquer la bergerie..et enfermer les moutons"
Chammas frederico
15 h 55, le 25 février 2019