Des partisans du Hezbollah, rassemblés dans la banlieue sud de Beyrouth lors d'un discours de Hassan Nasrallah, dans le cadre des célébrations du 40e anniversaire de la république islamique. AFP / ANWAR AMRO
Nommé ministre au sein du cabinet Siniora en 2008, feu Nassib Lahoud, l’un des fleurons du Rassemblement de Kornet Chehwane puis de la révolution du Cèdre, avait, au sein de la commission chargée de plancher sur la déclaration ministérielle, réclamé l’adjonction d’une formule visant à replacer la « résistance » et ses armes « dans le giron de la légalité ». C’était après la suppression du fameux triptyque « armée-peuple-résistance ». Les ministres du Hezbollah avaient refusé et Nassib Lahoud avait exprimé ses réserves face à la formule adoptée. Voilà que le scénario se reproduit à présent avec les réserves formulées par les Forces libanaises après le refus par le Hezbollah de l’adjonction de la même formule relative au « giron de la légalité » dans la nouvelle déclaration ministérielle, si bien que la formulation relative à la résistance est restée inchangée par rapport à la déclaration ministérielle précédente, elle-même héritée du cabinet Salam.
Pourquoi les ministres du Hezbollah refusent-ils la référence à la légalité s’agissant des armes de la résistance, avec l’assentiment, du reste, de l’ensemble des forces politiques du pays, à l’exception des FL ? Quelle est la position à ce sujet des ministres du Courant patriotique libre, pourtant attachés à l’idée de l’État et du président forts ? L’État fort passe-t-il par le fait de maintenir la résistance hors du spectre de la légalité ? Lors de sa dernière allocution mercredi soir dans la banlieue sud, le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, a proposé une aide iranienne balistique à l’armée libanaise. Mais pourquoi ne placerait-il pas lui-même son arsenal à la disposition de l’armée et de l’État libanais, établissant ainsi un vrai partenariat entre l’armée et le peuple face à Israël, à même, du reste, de renforcer l’État et de le fortifier ? C’est pour des raisons extérieures, liées à l’agenda iranien, que le Hezbollah cherche à préserver son indépendance et sa personnalité morale.
Au-delà des réserves FL, pourquoi ce silence des autres parties politiques au sein du gouvernement ? Le président du Conseil, Saad Hariri, tente pour l’heure d’appliquer la politique du « zéro problème ». Il en est de même pour les autres forces, qui cherchent à éviter toute crise avec le parti chiite en attendant les développements régionaux. L’optique étant que les armes du Hezbollah constituent un étage à part dans l’édifice libanais, supérieur hiérarchiquement à tous les autres étages, pesant aussi bien sur Michel Aoun et Saad Hariri que toutes les autres parties. L’arsenal est étroitement lié à Téhéran et la solution à cette problématique dépend donc de facteurs extérieurs et d’une solution régionale.
(Lire aussi : Retour sur l'implication progressive du Hezbollah dans la vie politique au Liban)
Des sources du 8 Mars conseillent d’ailleurs aux parties internes de ne pas s’en prendre au parti chiite et ses armes directement, à l’heure où il se trouve dans le collimateur de l’Occident. Mieux vaudrait conserver, pour l’instant, cette liaison de contentieux et geler le conflit avec le Hezbollah, insistent-elles. Hassan Nasrallah n’a-t-il pas lui-même adopté la politique de la main tendue lors de son dernier discours mercredi ?
Le Liban reste donc attaché à la politique de distanciation, et le texte de la déclaration ministérielle l’aidera dans ce sens. La polémique sur les armes du Hezbollah est inutile, estime le pouvoir, dans la mesure où, selon lui, la solution à ce problème relève d’une solution régionale, pas interne. Et, pour le Hezbollah, il n’est pas question de circonscrire la liberté d’action de la résistance à la légalité libanaise alors qu’elle dépend de l’Iran.
Le problème, c’est que la question des armes de la résistance, telle qu’évoquée par la déclaration ministérielle, se trouve en porte-à-faux avec la position internationale à ce sujet, exprimée par les ambassadeurs de l’Union européenne jeudi au Grand Sérail. Jusqu’à quand le pouvoir pourra-t-il ignorer la nécessité de retourner à la table de dialogue national autour de la stratégie défensive et du respect de la déclaration de Baabda, étape nécessaire sur la route des réformes structurelles qu’il compte entreprendre ? Toute la question est là – en attendant les développements régionaux et leur impact sur le sort des armes du Hezbollah.
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Et notre dossier
I- Les prémices libanaises de la naissance du Hezbollah
II – Le projet Hezbollah à l’ombre de la révolution iranienne
III – Le Hezbollah entre culture de l’espace et intégration au système libanais
commentaires (13)
Vous avez remarque quelque chose sur la photo , ?il manque quelque chose , le drapeau iranien
Eleni Caridopoulou
18 h 51, le 12 mars 2019