Les six députés sunnites pro-8 Mars, alliés au Hezbollah, ont annoncé samedi qu'ils retiraient le nom de Jawad Adra de leur liste de ministrables à présenter au président de la République, Michel Aoun, M. Adra "ne se considérant pas comme le représentant de la Rencontre consultative" (les six députés sunnites), alors que des discussions décisives pour la formation du gouvernement, dont l'annonce était pourtant tenue pour imminente, ont eu lieu durant toute la journée.
En parallèle, les contacts avec différents responsables autour de la distribution des derniers portefeuilles se sont intensifiés en vue de la mise sur pied du cabinet, attendu depuis près de sept mois.
"Après avoir contacté M. Adra pour qu'il soit notre représentant exclusif au gouvernement, ce dernier a demandé un délai supplémentaire pour réfléchir à cette question", a indiqué le député Jihad Samad, membre de ce groupe de six députés, à l'issue d'une réunion organisée au domicile du député Abdel Rahim Mrad. Il a ajouté que finalement, "Jawad Adra ne se considère pas comme le représentant de la Rencontre consultative et il est donc logique que nous annoncions le retrait de son nom de la liste" à présenter au chef de l'Etat.
Restent donc sur la liste de ministrables de la Rencontre consultative les noms de Taha Nagi, ex-candidat aux législatives sur la liste parrainée par Fayçal Karamé, Osman Majzoub, également proche du député de Tripoli, et Hassan Mrad, le fils de Abdel Rahim Mrad.
L'allégeance de Jawad Adra, un proche du président de la Chambre Nabih Berry, à la Rencontre consultative a fait l'objet d'une longue réunion des six députés sunnites au domicile d'Abdel Rahim Mrad, à Beyrouth. Plus tôt dans la journée, l'un de ces députés, Kassem Hachem, avait indiqué que le nom d'Ali Hamad, un des responsables administratifs au Parlement, était en discussion.
Avant cette réunion, Abdel Rahim Mrad et Fayçal Karamé, deux des députés de la Rencontre consultative, s'étaient déjà exprimés en ce sens, mais dans une certaine confusion. "Désormais, Jawad Adra ne nous représente plus car il s'est engagé dans des discussions" avec d'autres, avait déclaré M. Mrad dans un entretien radiophonique dans la matinée. "Nous considérons que M. Adra intègre la part du président Aoun et du Courant patriotique libre", a-t-il ajouté. "Je rejoins les propos de M. Mrad qui déclare que M. Adra ne nous représente plus", avait déclaré peu après M. Karamé à la chaîne locale LBCI, indiquant néanmoins que les discussions loin des feux de la rampe se poursuivaient. Néanmoins, la chaîne du Hezbollah, al-Manar, a indiqué que M. Mrad démentait les propos qui lui ont été prêtés, et que M. Adra s'était entretenu dans la journée avec Fayçal Karamé à Beyrouth.
La chaîne locale LBCI a indiqué que le chef du Courant patriotique libre, Gebran Bassil, œuvrait à attirer M. Adra dans son giron alors que Fayçal Karamé et le Hezbollah tentaient, eux, de le convaincre de s'inscrire dans la mouvance de la Rencontre consultative.
(Lire aussi : Gouvernement : pas aussi rapide que prévu, la dernière ligne droite...)
Aoun se veut rassurant
Selon notre correspondante Hoda Chedid, citant des sources au cœur des contacts politiques en cours, le choix de M. Adra est le résultat d'un accord conclu entre plusieurs parties, qui sont attachées à cet accord qui entre dans le cadre de l'initiative lancée par le chef de l'Etat. Ces sources précisent également que la personnalité sunnite que le chef de l'Etat choisira fera partie de sa quote-part.
Dans la journée, Michel Aoun s'est entretenu avec Gebran Bassil et le directeur de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, qui a mené une médiation avec les six députés sunnites pro-8 Mars afin de surmonter les derniers obstacles à la formation du gouvernement. Selon la LBCI, Saad Hariri, qui s'est, lui, entretenu dans la journée avec le président de la Chambre Nabih Berry, devait se rendre à Baabda en soirée. Toutefois, M. Hariri a annoncé qu'il ne pourrait pas se rendre au palais présidentiel en raison d'autres engagements.
Ces dernières heures, un nouvel obstacle concernant la distribution de portefeuilles dits secondaires et des ministères d'Etat était également apparu vendredi. Dans la matinée, le Parti socialiste progressiste a informé le Premier ministre désigné de sa volonté de se voir attribuer les portefeuilles de l'Education et de l'Industrie, a indiqué la chaîne locale LBCI. Selon des informations concordantes, la distribution de ces portefeuilles concernent le PSP, le tandem chiite Hezbollah-Amal et le CPL.
Selon Hoda Chedid, ces discussions tournent autour des portefeuilles de l'Information, de l'Environnement, de l'Agriculture et de l'Industrie, dont la distribution qui avait été prévue a mécontenté plusieurs formations politiques. Gebran Bassil a alors proposé une rotation de ces portefeuilles, et des contacts avec les parties concernées sont en cours.
Malgré ces obstacles, le président Aoun s'est montré optimiste et a assuré que "toutes les situations difficiles ont une fin". "Nous gardons espoir et sommes prêts à lutter pour notre patrie", a-t-il déclaré, à l'issue d'un récital de Noël organisé au Palais présidentiel. "Maintenant, nous devons fournir encore plus d'efforts, pour parvenir à sauver notre pays et l'amener à bon port", a-t-il ajouté.
Dans l'après-midi, le conseil chérié a mis en garde contre tout "chantage politique" concernant la distribution des portefeuilles ministériels. De son côté, le chef des Kataëb, Samy Gemayel, a estimé sur Twitter que "le feuilleton de la formation du gouvernement est humiliant pour tous les Libanais qui aiment leur pays".
Le Liban est sans gouvernement de plein exercice depuis sept mois.
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commentaires (12)
"Il n'est pas permis qu'un courant politique soit non-représenté au gouvernement". (Abdel-Rahim Mourad) Où sont représentés les chiites libres et indépendants et par qui ?
Un Libanais
18 h 07, le 23 décembre 2018