« La formation du gouvernement est plus rapide que prévu », a confié hier matin le président de la République à une délégation française conduite par Jean-Christophe Lagarde, le chef du groupe parlementaire UDI à l’Assemblée nationale française, alors que le Premier ministre désigné Saad Hariri s’attendait à une naissance du cabinet hier soir. Hélas, contre toute logique, un puissant coup de frein a ralenti hier le processus, de sorte que la dernière ligne droite qui nous sépare de la formation du gouvernement est moins rapide que prévu.
Du reste, le chef de l’État avait pris soin d’éclairer sur ce point ses visiteurs en leur précisant que ces délais supplémentaires s’expliquent par la nature consensuelle que doit revêtir le gouvernement. À 18 heures, le président Aoun a assisté à une cérémonie jubilaire à l’école des Frères de Gemmayzé, où il a fait ses classes, sans que les promesses d’avancées faites pour la journée se soient tenues. Le ralentissement du processus ne signifie pas qu’il est compromis, mais qu’un surcroît de temps est nécessaire pour que la solution trouvée prenne son cours, assure-t-on de toutes parts. Or, les obstacles surgis hier sont tellement élémentaires qu’on s’interroge sur les raisons pour lesquelles on a attendu jusqu’à la dernière minute pour les aplanir. Ces deux obstacles sont : le problème de l’allégeance politique de Jawad Adra et la répartition définitive des portefeuilles ministériels entre les différents blocs. Toujours est-il que la formation du nouveau gouvernement, attendue hier, a dû être décalée, à la grande déception d’une opinion publique lassée de tant de rebondissements.
Dans les milieux proches du courant du Futur, on reproche au ministre sortant des Affaires étrangères, Gebran Bassil, d’être à l’origine de la confusion au niveau de l’attribution des portefeuilles. « Il veut les attribuer tous lui-même », a même affirmé, sur un ton blasé, une source de ce courant sous le couvert de l’anonymat. De fait, une très longue réunion a été consacrée hier après-midi par Saad Hariri et M. Bassil à cette redistribution des cartes, laissant la désagréable impression que l’on en a encore pour longtemps. Un pronostic démenti par l’ancien député et actuel ministrable Moustapha Allouche, qui assure que ce volet du processus de formation du gouvernement n’ira pas plus loin qu’aujourd’hui midi.
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Ministres maronites
De quoi s’agit-il au juste ? Des sources proches du Hezbollah seules ont pris la peine de clarifier ce qui s’est passé. Ainsi, le journaliste Salem Zahran a publié un tweet expliquant qu’au départ, le tandem chiite s’était vu attribuer les portefeuilles des Finances, de l’Agriculture, de l’Environnement (ou de la Culture), de la Santé, de la Jeunesse et des Sports, ainsi qu’un ministère d’État. « Aujourd’hui (hier), a-t-il ajouté, on lui a proposé les portefeuilles des Déplacés et de l’Information, qu’il a refusés dans un premier temps. Toutefois, réflexion faite, il est revenu sur son refus et a accepté le ministère des Déplacés. Mais entre-temps, on lui avait proposé de lui reprendre l’un des deux portefeuilles de l’Environnement ou de la Culture, en échange de celui de l’Information, ce qu’il refuse. »
Selon la source du courant du Futur précitée, « l’Information, personne n’en veut ! »... Et d’ajouter que si le portefeuille de l’Environnement est convoité, c’est qu’il est au centre d’une série de projets liés au programme de réformes CEDRE dont le montant global de financement atteint un milliard de dollars. C’est la raison pour laquelle, il semble, que le CPL et le courant du Futur se le disputent, en vain, au Hezbollah.
Par ailleurs, c’est dans cet esprit que le bloc de la Rencontre démocratique (Joumblatt) a refusé de lâcher le portefeuille de l’Industrie, également convoité par Nabih Berry et Gebran Bassil, pour celui de l’Environnement.
Sur un autre plan, le courant du Futur, qui compte un ministre chrétien dans son bloc, cherche à attribuer un portefeuille à un chrétien maronite, Ghattas Khoury, plutôt qu’à un orthodoxe. De ce fait, des cinq ministres maronites restants que doit compter le gouvernement, et si l’un d’eux doit normalement relever des Marada, les autres seront nécessairement répartis à égalité entre le CPL et les FL, à la déconvenue de M. Bassil, qui souhaitait avoir plus de ministres maronites que les FL.
Notons enfin qu’un « nœud arménien » surgi lui aussi à la dernière minute a été réglé par les FL, qui ont renoncé au portefeuille du Tourisme au profit du ministre sortant du Tourisme, Avédis Guidanian (Tachnag, rattaché au CPL, arménien-orthodoxe), et ont accepté pour elles-mêmes le ministère des Affaires sociales, qui sera détenu en titre par Ghassan Hasbani, également vice-président du Conseil des ministres, mais exercé effectivement par Richard Kouyoumjian (FL, arménien-catholique), sur le modèle de ce qui eut cours dans les années 90 entre Rafic Hariri, ministre des Finances en titre, et Fouad Siniora, ministre des Finances en exercice. Ainsi, la communauté arménienne sera représentée par deux ministres, comme il est de tradition dans un gouvernement de trente.
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14 h 38, le 23 décembre 2018