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Liban - focus

Abbas Ibrahim, l’homme de toutes les médiations

Supérieure du monastère Sainte-Thècle à Maaloula, Mère Pélagie Sayyaf, libérée avec d’autres moniales au terme de plus de trois mois de détention, marchant à côté du directeur de la Sureté générale, Abbas Ibrahim, à son arrivée à Jdeidet Yabous, à la frontière libano-syrienne, le 10 mars 2014. Khaled al-Hariri/Reuters

Comment fait-il pour être en bons termes avec des gens qui ne sont pas d’accord entre eux ? C’est l’un des secrets du directeur général de la Sûreté générale (SG), le général Abbas Ibrahim, le middle man de talent, mais entouré de beaucoup de zones d’ombre, dont la médiation, presque certainement demandée par le Hezbollah, est parvenue à mener à bon terme un processus politique qui paraissait inextricable : la formation du gouvernement.

M. Ibrahim a-t-il supplanté le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil ? A-t-il réussi où ce dernier a échoué ? Pour des sources proches du directeur de la SG, sur le fond, la solution était « toute trouvée » depuis quelques semaines (notamment par Nabih Berry, qui assure qu’il l’avait proposée il y a plusieurs mois), mais la conjoncture régionale ne s’y prêtait pas encore. Ce qui a permis le déblocage, c’est une soudaine détente régionale dont le dernier volet est aujourd’hui la décision américaine de se désengager de Syrie, et auparavant la désescalade au Yémen.

Selon les sources citées, le directeur de la Sûreté s’est mis à la disposition du chef de l’État, et sa mission est venue compléter, dans la forme, celle du ministre des AE, avec cet avantage que le directeur de la SG n’est pas, comme M. Bassil, « partie prenante à la crise, ni chef de parti, ni ministre, ni ministrable ». Et d’ajouter que des frictions ont notamment marqué les rapports de M. Bassil avec le député Jihad el-Samad, qui relève du groupe parlementaire des Marada, dont le chef ne porte pas M. Bassil dans son cœur. Pas plus que ne le porte Fayçal Karamé, membre du même groupe et l’un des six députés sunnites prosyriens et néanmoins dits « indépendants ».


À égale distance de tous

C’est ce côté apparemment neutre qui frappe chez Abbas Ibrahim, qui se veut à égale distance de tous, malgré son appartenance communautaire et son allégeance au Hezbollah. Des pèlerins de Azzaz (2013-2014) au nœud des sunnites prosyriens, des religieuses de Maaloula (2015) aux quelque trente militaires et agents otages de l’État islamique et d’al-Nosra (2014-2016), le général Ibrahim a été l’homme des missions délicates. Agréé par le régime syrien, en bons termes avec les renseignements turcs et le Qatar, il est entre autres l’homme à travers lequel le Hezbollah et Washington communiquent indirectement. C’est ainsi qu’il a effectué plus d’un voyage aux États-Unis, où il a été l’invité du directeur de la CIA, John Brennan, un allié de taille dans la lutte contre l’islamisme militant sunnite. Mais le général Ibrahim a également à son palmarès deux visites au Vatican, dont on ne connaît pas tous les dessous, mais que l’on estime liées à l’affaire de l’enlèvement en juillet 2013, en Syrie, des deux évêques syriaque et grec-orthodoxe.

Marié et remarié, licencié en gestion après l’École militaire, Abbas Ibrahim est issu d’une famille aisée du Liban-Sud. Ses parents possèdent la chaîne de boulangerie al-Oumara. Le visage ouvert, la voix chaleureuse, personne ne l’a entendu élever la voix, un calme que lui envient ses proches collaborateurs. Ces derniers n’hésitent pas à le comparer au général John Abizeid (d’origine libanaise), ancien commandant des opérations américaines dans une vaste région comprenant le Moyen-Orient, nommé aujourd’hui ambassadeur de son pays en Arabie saoudite.


La carte patriotique

Abbas Ibrahim joue à fond la carte patriotique. Hostile au mouvement d’émigration qui vide le Liban de ses cerveaux, il est accrédité de l’ambition de mettre la direction de la Sûreté générale au service de tous les Libanais, et de veiller sur l’un des principaux atouts d’un médiateur : le fair-play. Un atout qu’il maîtrise pour mener à bien ses missions, sans se mettre à dos aucune des parties en conflit.

Selon ses proches collaborateurs, l’un des secrets de cette virtuosité à concilier « le sécuritaire et le politique » tient à la nature même de la Sûreté générale, qui n’est pas un appareil militaire, mais un instrument d’écoute et d’avertissement au service du président de la République. Son devoir : alerter les autorités politiques sur les dangers potentiels qui peuvent déstabiliser le pays, et dont l’origine peut être très différente. Un autre grand atout du général Ibrahim, c’est qu’il est un homme de terrain, qui ne craint pas de prendre des risques, de se mêler à la foule, de côtoyer le danger. En charge du dossier des réfugiés syriens et faisant face à une menace terroriste latente, il est réputé pour avoir mis la Sureté générale « en état d’alerte permanente » et pour avoir « les pieds sur terre », compte tenu des longues frontières communes entre le Liban et la Syrie et, dans le même temps, des « appréhensions démographiques » liées à la non-résolution de ce dossier vital.


Les détracteurs

Mais tout le monde ne porte pas le général Abbas Ibrahim dans son cœur. Ainsi, à la veille des élections législatives de mai dernier, la rumeur avait couru que le Hezbollah préparait le directeur de la SG à succéder à Nabih Berry à la présidence de la Chambre. Ces rumeurs avaient valu au général Ibrahim une profonde méfiance des cercles concernés. Une entente s’était établie par la suite entre le Hezbollah et M. Berry et, de son côté, Abbas Ibrahim avait réussi à le rassurer en faisant profil bas. Le président de la Chambre s’était heurté aussi, en rival potentiel, au député Jamil Sayyed, également ancien directeur de la Sûreté générale, mais dont le tempérament est plus démonstratif. Ce qui augure pour certains de futures brouilles dans la course à la succession.

Par ailleurs, certains se demandent comment le général Abbas Ibrahim s’y prend pour être toujours là « au bon moment » et cueillir une victoire à laquelle ont laborieusement travaillé d’autres que lui. Pour certains, « c’est de l’opportunisme ». « L’exemple est sous nos yeux », disent-ils.Enfin, comme tous les cerveaux sécuritaires, celui du général Abbas Ibrahim peut devenir trop « soupçonneux, et ne plus savoir distinguer clairement entre liberté et transgression », affirment les milieux de la société civile. C’est un reproche que lui adressent des activistes sur les réseaux sociaux, qui déplorent assez souvent l’exercice « d’une censure obsolète ». L’officier, assurent ses proches, reconnaît à cet égard que les lois que doit appliquer la SG sont « un peu dépassées » et souhaite leur amendement dans le sens d’une meilleure garantie de la liberté d’expression et d’opinion.


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commentaires (6)

Inchallah!!!!

Eleni Caridopoulou

21 h 38, le 22 décembre 2018

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • Inchallah!!!!

    Eleni Caridopoulou

    21 h 38, le 22 décembre 2018

  • C’est un homme d’Etat et ça fonctionne très bien à la Sûreté Générale ...il a en plus la confiance des grandes capitales donc....

    L’azuréen

    20 h 19, le 21 décembre 2018

  • Très heureux de lire que Abass est remercié pour avoir réussi à introduire les sunnites dissidents dans le gvnmt. Je lisais auparavant qu'il ne fallait surtout accéder à aucune forme de compromis avec CES ALLIÉS DE LA RÉSISTANCE. J'adore les choses qui évoluent rapidement.

    FRIK-A-FRAK

    12 h 06, le 21 décembre 2018

  • ENFIN UN HOMME QUI SERT SON PAYS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 42, le 21 décembre 2018

  • La Sûreté Générale est certainement le seul organisme de l’Etat qui fonctionne parfaitement. Les officiers et agents de la SG sont compétents, efficaces et courtois dans toutes leurs fonctions notamment à l'aéroport de Beyrouth où tous les voyageurs sont certainement mieux accueillis que dans leurs pays d’origine.

    Lecteur excédé par la censure

    10 h 05, le 21 décembre 2018

  • Merci, Général Abbas IBRAHIM, le Liban a besoin de vrais patriotes comme vous ! Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 36, le 21 décembre 2018

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