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Liban - Liban

Gouvernement : Hariri ne boude pas, mais « use du luxe du temps »

Nabih Berry convoque la Chambre à une séance plénière les 12 et 13 novembre.

Michel Aoun s’entretenant avec Mgr Béchara Raï. Photo Dalati et Nohra

Ce n’est pas la première fois que le Premier ministre désigné Saad Hariri décide de voyager en pleine crise gouvernementale. Mais c’est surtout le timing de sa toute dernière visite privée à Paris qui a suscité des interrogations sur l’avenir des tractations ministérielles. Certains milieux politiques et médiatiques (proches du 8 Mars) ont même été jusqu’à estimer que M. Hariri boude. Et pour cause : le déplacement de M. Hariri est intervenu à l’heure où le Hezbollah continue d’insister pour intégrer les députés sunnites prosyriens à la future équipe ministérielle, en dépit de l’opposition catégorique du président de la République, Michel Aoun, et du chef du gouvernement.

Mieux encore : M. Hariri aurait décidé de prolonger son séjour parisien à l’heure où les sanctions américaines renforcées contre l’Iran et ses alliés régionaux sont entrées en vigueur hier. Cela fait dire à des observateurs que le parti de Hassan Nasrallah préfère atermoyer au sujet de la formation du gouvernement, en attendant l’impact des nouvelles sanctions sur son sponsor iranien.

Sauf que plusieurs sources politiques assurent à L’Orient-Le Jour que le Premier ministre désigné ne boude pas. « Mais il n’a plus rien à faire à Beyrouth », souligne un observateur à L’OLJ, avant d’expliquer : « Saad Hariri ne jettera pas l’éponge. Il ne fait qu’user du luxe du temps. C’est son arme la plus importante face au Hezbollah. D’autant que le mandat qui lui a été accordé pour former le cabinet ne peut lui être retiré. »

Commentant la dimension internationale que le dossier gouvernemental vient de prendre à la lumière des sanctions contre le Hezbollah, l’observateur ne cache pas son pessimisme. « Nous sommes arrivés à un point de non-retour, en ce sens qu’il ne suffit plus de mettre sur pied un cabinet pour sortir le pays de la crise actuelle, dans la mesure où le futur cabinet ne sera pas homogène pour faire face aux défis internationaux, notamment les nouvelles sanctions particulièrement sévères », s’alarme-t-il.


(Lire aussi : La tempête et le roseau, l’édito de Michel TOUMA) 


Le Futur et le Hezbollah : un nœud local

Quoi qu’il en soit, le courant du Futur s’est employé hier à réduire l’ampleur du mutisme de Saad Hariri à sa stricte dimension locale. Ainsi, il n’explique l’impasse actuelle que par la querelle l’opposant au Hezbollah autour de la représentation ministérielle des sunnites du 8 Mars.

C’est dans ce cadre que s’inscrivent les propos tenus hier par Bahia Hariri, députée de Saïda (Futur). S’exprimant à l’issue d’une réunion du bloc parlementaire du Futur avec le président du Conseil économique et social, Charles Arbid, Mme Hariri a déclaré : « Saad Hariri ne boude pas, et il a le droit de prendre son temps pour mettre sur pied un gouvernement. » Même son de cloche dans les milieux de la Maison du Centre. Des proches du Premier ministre désigné assurent à L’OLJ que ce dernier a accompli sa mission et n’attend que les trois noms des ministrables du Hezbollah pour compléter sa mouture. Sauf que le parti chiite continue de refuser de remettre ces noms avant le règlement de la question sunnite, ajoutent ces proches de M. Hariri, estimant que lors de son discours prévu samedi soir, le secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah donnera le ton et déterminera le sort de l’équipe Hariri. Ils rappellent, en outre, que les sanctions n’auront pas de retombées sur les tractations gouvernementales, mais auront un impact sur la productivité du gouvernement. Mais cela ne signifie aucunement que M. Hariri envisage un gouvernement sans le Hezbollah, nuancent-ils, soulignant que la date des sanctions est connue depuis plusieurs mois. La léthargie gouvernementale n’a donc rien à voir avec elles.

À son tour, le Hezbollah s’efforce de réduire l’impasse actuelle à sa dimension locale, tout en renvoyant la balle de la représentation des sunnites prosyriens dans le camp de Saad Hariri. Des milieux proches du parti chiite rappellent, via L’OLJ, que celui-ci n’a jamais craint les sanctions internationales qui lui étaient infligées. Il suffit que M. Hariri accepte qu’un sunnite ne gravitant pas dans l’orbite du Futur prenne part à son équipe pour que le nœud empêchant le cabinet de voir le jour soit défait, soulignent les sources du parti de Hassan Nasrallah, insistant sur le caractère « éthique » de l’insistance du Hezbollah pour une représentation des sunnites antihaririens, face au monopole brandi par le courant du Futur.


(Lire aussi : Entre le nœud sunnite et l’entrée en vigueur des sanctions US contre l’Iran, le décryptage de Scarlett HADDAD)


La séance législative

En attendant, des sources proches de Baabda notent que le président de la République, Michel Aoun, semble déterminé à ne pas rester les bras croisés face à l’impasse gouvernementale. Les tentatives de franchir l’obstacle sunnite se poursuivront. D’autant que certains lient cette entrave au contexte régional particulièrement perturbé, tentant de la transformer en une véritable crise sunnito-chiite. Selon des sources citées par notre correspondante Hoda Chédid, Michel Aoun (qui est entré en contact par téléphone avec Saad Hariri) aurait exposé ce point de vue devant le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, qu’il a reçu hier à Baabda.

S’exprimant à l’issue de la rencontre, Mgr Raï a appelé « les responsables politiques à soutenir le chef de l’État et le Premier ministre ». « Sinon, nous n’aurons pas de gouvernement », a averti le patriarche. « La force, ce n’est pas de mettre des bâtons dans les roues, mais c’est de paver la voie au gouvernement », a-t-il lancé avant de confier que M. Aoun a insisté sur l’importance de ne pas se plier à un nouveau problème. « Il attend le retour du Premier ministre pour trouver les solutions convenables. Mais celles-ci ne devraient pas se faire aux dépens des équilibres internes », a nuancé le chef de l’Église maronite, se disant désolé de constater qu’on a longtemps porté les chrétiens responsables du blocage gouvernemental. « Mais quand ce nœud a été défait, un autre obstacle a fait son apparition », a-t-il déploré, appelant à accorder la priorité aux intérêts du Liban.

Du côté de Aïn el-Tiné, le président de la Chambre Nabih Berry est à nouveau passé à l’action face à l’impasse gouvernementale. Il a convoqué la Chambre à une séance plénière qui se tiendra les lundi et mardi 12 et 13 novembre à 11 heures. Placée naturellement sous le signe de la législation de nécessité, la réunion parlementaire planchera, entre autres, sur des projets de partenariats liés à des réformes au niveau du secteur de la santé, pour ne citer que cet exemple.

Parallèlement aux efforts locaux pour mettre sur pied un cabinet, le forcing international dans ce sens se poursuit. C’est dans ce cadre que s’inscrivent les entretiens d’Aurélien Lechevallier, conseiller diplomatique du président français Emmanuel Macron, avec le chef de la diplomatie, Gebran Bassil, et le leader du Parti socialiste progressiste, Walid Joumblatt. À en croire l’agence locale al-Markaziya, M. Lechevallier aurait également rencontré des conseillers de Michel Aoun loin du feu des projecteurs.


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commentaires (7)

A force de crier au loup, le loup viendra quand personne ne l'attends. Mais pourquoi faire? C'est la vraie question laquelle est oubliée dans cette pièce de théâtre; comique ou tragique, selon.

PPZZ58

19 h 52, le 06 novembre 2018

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Commentaires (7)

  • A force de crier au loup, le loup viendra quand personne ne l'attends. Mais pourquoi faire? C'est la vraie question laquelle est oubliée dans cette pièce de théâtre; comique ou tragique, selon.

    PPZZ58

    19 h 52, le 06 novembre 2018

  • Bon , c'est bien , mais c'est pas à Paris auprès de Macron qu'il va trouver l'inspiration divine , non plus .

    FRIK-A-FRAK

    12 h 29, le 06 novembre 2018

  • Hier on parlait de conflit sunnito-( chiite) , aujourdh'ui on y va carrément sur du sunnito-chiite , alors que l'experte Scarlett nous parle tout simplement du nœud sunnite . On me dira oui mais quelle importance ? aucune bien sûr , aucune ! Mais au final il faudra bien résoudre ce nœud sunnito-sunnite avec d'un côté des alliés des dissidents sunnites et de l'autre des alliés des sunnites liés aux occidentaux , avides cupides et prédateurs en tout genre . Le roseau , n'oublions pas le roseau !

    FRIK-A-FRAK

    12 h 03, le 06 novembre 2018

  • A quoi pourra servir une législation de nécessité si on n'a pas un gouvernement pour observer juger et appliquer ces nouvelles lois ?Vraiment triste .

    Antoine Sabbagha

    10 h 48, le 06 novembre 2018

  • HARIRI CHERCHE UNE DECISION DE TEHERAN SUR CE BOYCOTTAGE DE DERNIERE MINUTE DE LA MILICE AUPRES DE MACRON. LES NEGOCIATIONS FRANCE/IRAN SONT EN COURS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 46, le 06 novembre 2018

  • Et si nous, vrais Libanais indépendants, "usions du luxe" 1) d'envoyer à tous les diables ce parti divinement iranien qui se permet d'entraver la formation du gouvernement ? 2) de l'empêcher de rendre de plus en plus insupportable la vie des Libanais ? Irène Saïd

    Irene Said

    08 h 24, le 06 novembre 2018

  • Il faut plutôt aider et faciliter la tâche du premier ministre et le président. --------------------------------- ET SI LES MINISTÈRES ÉTAIENT DES POMMES ET LE GOUVERNEMENT UN ARBRE ? On peut parfaitement aimer les pommes parce qu'on en a mangé et qu'on a trouvé ça bon et haïr les pommiers, parce qu'on s'est cogné la tête à une branche. Et quand on aura mangé toutes les pommes et abattu les pommiers, nous aurons satisfait deux désirs brutaux, l'un d'amour, l'autre de haine, mais il n'y aura plus jamais de pommes, seule la sagesse, permet, si l'on aime les pommes, d'étendre l'amour et l'intérêt qu'on leur porte à ce qui les produit : Les pommiers.

    Sarkis Serge Tateossian

    02 h 28, le 06 novembre 2018

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