La visibilité quant à une prochaine formation du gouvernement semble très limitée. Et pour cause : le Hezbollah continue d’insister pour intégrer les députés sunnites prosyriens à la future équipe ministérielle, en dépit de l’opposition catégorique du président de la République, Michel Aoun, et du Premier ministre désigné, Saad Hariri, toujours en visite privée à Paris. À cela s’ajoute, bien entendu, le contexte régional et international, particulièrement « chaud ». D’autant que les sanctions américaines renforcées contre l’Iran et ses alliés entrent en vigueur aujourd’hui, soit 24 heures avant les élections américaines de mi-mandat.
Sauf que le Hezbollah ne perçoit pas les choses sous cet angle. Il continue à vouloir réduire le problème à sa stricte dimension locale. Pour ce faire, il renvoie toujours la balle du nœud sunnite dans le camp de M. Hariri. On en veut pour preuve les propos tenus durant le week-end par nombre de ténors du parti chiite. Le secrétaire général adjoint du Hezbollah, Naïm Kassem, a donné le ton : « Le gouvernement ne saurait être formé sans les sunnites indépendants », a-t-il dit.
Un proche de la formation de Hassan Nasrallah a déclaré ouvertement à L’Orient-Le Jour que « c’est à Saad Hariri, en sa qualité de Premier ministre désigné, de trouver une issue à la question des sunnites indépendants, dans la mesure où il dit œuvrer pour la mise sur pied d’un cabinet d’entente nationale conformément aux résultats des législatives de mai dernier ».
Mais bien au-delà de l’appui aux six députés sunnites concernés, les propos de ce proche du Hezbollah revêtent de l’importance. Le parti tente ainsi de dissocier le chef de l’État, son allié stratégique de longue date, de sa querelle actuelle avec le chef du gouvernement. « Nous n’avons pas de problème avec la présidence », assure d’ailleurs le proche du Hezbollah, insistant sur le fait qu’aucun lien ne devrait être établi entre le contexte régional et le blocage gouvernemental actuel.
Mais des observateurs politiques rappellent que les propos tenus par le président de la République mercredi dernier, à l’occasion du second anniversaire de son élection, prouvent que ses rapports avec le parti de Hassan Nasrallah sont troublés. Le locataire de Baabda avait saisi cette occasion pour mettre les points sur les i au sujet de la représentation des sunnites proches de Damas. Prônant un Premier ministre « fort », Michel Aoun avait déclaré sans détour : « Ces députés (sunnites du 8 Mars) font partie de groupes parlementaires déjà représentés au sein du cabinet. Ils n’ont donc pas le droit de plaider pour y prendre part. » Les observateurs soulignent aussi que la querelle actuelle porte, à n’en pas douter, sur le ministre sunnite qui devrait relever de la quote-part du président Aoun. Cela signifie que le courant du Futur a fait une concession en accordant ce poste à Michel Aoun, en échange d’un ministre maronite qui devrait faire partie du lot du Premier ministre. C’est donc sous cet angle qu’il conviendrait de percevoir le désaccord observé aujourd’hui entre Baabda et le Hezbollah, le chef de l’État refusant de voir son allié puiser dans son lot au profit d’autres protagonistes, et retardant par la même occasion la formation du cabinet.
(Lire aussi : Il faut respecter les résultats des législatives, insiste le Hezbollah, le décryptage de Scarlett HADDAD)
Pas de démission
Quoi qu’il en soit, Saad Hariri semble déterminé à ne pas céder à la pression exercée par le parti de Hassan Nasrallah. « D’autant qu’il est confiant que tous les protagonistes sont attachés à sa présence à la présidence du Conseil », pour reprendre les termes d’un proche de M. Hariri interrogé par L’OLJ.
Concernant le nœud sunnite, le proche du Premier ministre est catégorique : « Il n’est pas question d’intégrer les parlementaires sunnites du 8 Mars au gouvernement. » Il nuance toutefois ses propos en faisant savoir qu’il serait peut-être possible d’étudier la nomination de certains sunnites « réellement indépendants », à l’instar de Fouad Makhzoumi.
En attendant une issue à la question sunnite, les milieux de la Maison du Centre assurent que Saad Hariri n’envisage aucunement de jeter l’éponge. Il préfère attendre de recevoir les noms des ministrables du Hezbollah, à la faveur de contacts entre celui-ci et la présidence, pour compléter sa mouture, sachant que le parti de Dieu lie cela au règlement de la question sunnite.
Mais à Baabda, une source autorisée confie à L’OLJ que les contacts n’ont enregistré aucun progrès en attendant le retour de Saad Hariri. Quant au CPL, ses milieux estiment que le cabinet ne verra pas le jour prochainement. Tout dépendra des choix du Hezbollah.
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commentaires (7)
" Le gouvernement ne saurait être formé sans les sunnites indépendants. Qui a dit cela ? Ce n'est pas le Mufti de la République, mais Naïm Kassem. Après les sunnites indépendants, viendra le tour de Houthis indépendants ? '
Un Libanais
16 h 12, le 05 novembre 2018