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Hassan Nasrallah : 1 – Michel Aoun : 0

Et revoilà le Hezbollah déchiré de nouveau entre sa libanitude, ou la définition qu’il a construite et imposée, au fil des décennies, de cette libanitude, et son iranité, irréversible jusqu’à très hypothétique nouvel ordre. Entre la nécessité de se refocaliser à l’intérieur, tout en continuant naturellement à travailler en Syrie sur ce fameux axe chiite qui relie Téhéran à la Méditerranée, et les ordres de Ali Khamenei et de Qassem Souleymani. Entre l’urgence d’une immersion accrue dans le tissu libanais et sa corruption institutionnalisée pour calmer le mécontentement de plus en plus audible de sa base, et les diktats de la wilayet el-faqih. Le résultat est affligeant : voilà la naissance du gouvernement repoussée aux calendes iraniennes. Surtout si Donald Trump, demain mardi, ne sort pas très égratigné par les élections américaines de mi-mandat.

Aujourd’hui, acculé par les sanctions américaines contre lui et contre son protégé libanais, et déterminé à profiter de l’affaiblissement de Mohammad ben Salmane, donc, supposément, du sunnisme libanais, l’Iran est très clair : puisque Samir Geagea a avalé le stock de couleuvres gracieusement offertes par Gebran Bassil, le Hezbollah doit trouver autre chose. Si la situation n’était pas aussi grave, pratiquement désespérée, le prétexte aurait fait rire : le sunnite du 8 Mars. Cela a été, dans un premier temps, le druze non joumblattiste, cela aurait pu être l’alaouite pro-Assad, le chaldéen non irakien, ou le juif anti-Israël. Et quand il s’agit d’obéir aux ordres iraniens, le Hezbollah n’a peur de rien, ni du ridicule ni de pousser le Liban et les Libanais davantage dans le fossé. Cela s’est déjà passé à de très nombreuses reprises, sans le moindre état d’âme du Hezb.

Sauf que cette fois-ci, Hassan Nasrallah et ses hommes savent qu’ils jouent avec le feu, pas moins que lorsqu’ils avaient eu la brillante idée de kidnapper les deux troufions israéliens au cours de l’été 2006. Chaque jour sans gouvernement, chaque jour sans application des objurgations de CEDRE ou des recommandations de la Banque mondiale, chaque jour sans (ne serait-ce qu’illusion de) réformes, chaque jour sans un minimum de stabilité politique est un catalyseur assuré vers la faillite du Liban. Et des Libanais. Mais de cela, les mollahs se moquent bien – surtout que leurs compatriotes, qui bouillonnent et commencent à crever de faim, détestent copieusement tout ce qui se rapproche de près ou de loin à ce Hezb qui les prive de centaines de millions de pétrodollars par an.

Qui, ici et maintenant, peut faire contrepoids à Hassan Nasrallah et son aventurisme politico-économique? Nabih Berry ? Sûrement pas – le estez, tout n° 2 de l’État soit-il, ne fait rien sans le OK du sayyed. Saad Hariri ? Naturellement pas – mais au moins, il résiste bien jusque-là. Samir Geagea ? Encore une fois, il s’est retrouvé dindon de la farce, à cause de ce sinistre accord de Meerab qu’il continue de défendre – on reconnaîtra tout de même au patron des FL une cons(is)tance politique particulièrement rare dans le landerneau libanais. Gebran Bassil ? No comment – et même s’il le pouvait, le chef du CPL est uniquement intéressé par sa propre personne, tout concentré sur sa guéguerre familiale avec sa belle-sœur Mireille Aoun Hachem.

Qui ? Michel Aoun. L’homme président et six ministres ; l’homme qui a fait la guerre aux soldats de Hafez el-Assad en sachant qu’il allait la perdre ; l’homme qui a lutté contre la tutelle de Bachar el-Assad par jeunes aounistes interposés ; l’homme qui a signé un autre fameux, et fumeux accord, celui de Mar Mikhaël avec Hassan Nasrallah et légitimé le Hezb au niveau national, en « couvrant ce qu’il y a de pire chez lui », selon le journaliste et candidat malheureux aux dernières législatives Ali el-Amine; l’homme qui a pris la succession d’un autre ex-commandant en chef de l’armée au palais de Baabda est le seul qui peut dire stop. Surtout qu’il vient de fêter sa deuxième année de présidence boiteuse sur un échec retentissant, l’absence de gouvernement, à cause, justement, du Hezbollah.

Mercredi dernier, en prenant fait et cause à la télévision pour « un Premier ministre fort », Michel Aoun a montré une étincelle, bienheureuse, de raison d’État. Mais tant que les mots du locataire de Baabda resteront orphelins, tant qu’ils ne seront pas suivis d’actes clairs, sinon la signature du décret de formation du gouvernement, du moins une accusation nominative claire et franche du Hezbollah, M. Aoun restera dans l’histoire comme celui qui a perdu la guerre de 1990, celui qui a infligé son gendre au Liban, et celui qui n’a pu devenir président que grâce à… Samir Geagea.

Et revoilà le Hezbollah déchiré de nouveau entre sa libanitude, ou la définition qu’il a construite et imposée, au fil des décennies, de cette libanitude, et son iranité, irréversible jusqu’à très hypothétique nouvel ordre. Entre la nécessité de se refocaliser à l’intérieur, tout en continuant naturellement à travailler en Syrie sur ce fameux axe chiite qui relie Téhéran...

commentaires (13)

Et si c'était cette conférence économique arabe de janvier 2019 à Beyrouth, qui sème la zizanie entre le Hezb et Baabda? puisque la ligue arabe ne veut pas convier la Syrie. (lire Scarlett Haddad du 08.10.18) Je ne sais pas qui nous a offert ce cadeau empoissonné, de tenir cette conférence au Liban, sans la présence de la voisine. Sans gouvernement d'ici là, la conférence serait vouée à l’échec côté libanais. Tout comme nous refusons la mainmise syrienne, nous devrions refuser aussi, de servir comme "tête de pont" des arabes contre la Syrie.

Shou fi

17 h 54, le 05 novembre 2018

Tous les commentaires

Commentaires (13)

  • Et si c'était cette conférence économique arabe de janvier 2019 à Beyrouth, qui sème la zizanie entre le Hezb et Baabda? puisque la ligue arabe ne veut pas convier la Syrie. (lire Scarlett Haddad du 08.10.18) Je ne sais pas qui nous a offert ce cadeau empoissonné, de tenir cette conférence au Liban, sans la présence de la voisine. Sans gouvernement d'ici là, la conférence serait vouée à l’échec côté libanais. Tout comme nous refusons la mainmise syrienne, nous devrions refuser aussi, de servir comme "tête de pont" des arabes contre la Syrie.

    Shou fi

    17 h 54, le 05 novembre 2018

  • Pauvre petit Liban, si beau quand tu étais jeune et pas encore envahi par toutes sortes d'usurpateurs...tu te meurs de par la faute d'inconscients nocifs qui laissent faire...toujours acclamés par des moutons-suiveurs-rieurs ! Irène Saïd

    Irene Said

    14 h 25, le 05 novembre 2018

  • La conclusion dit tout!!!

    Pierre Hadjigeorgiou

    12 h 58, le 05 novembre 2018

  • OYEZ OTEZ OYEZ !!!!!! Makhoul vient de hurler dans son porte voix à qui veut l'entendre que ...que ...que ... que quoi au juste ??? rien , il n'a rien dit . Rien dit du tout . Ah si , pardon il a annoncé le score d'un match de foot qui n'a pas eu lieu .

    FRIK-A-FRAK

    12 h 22, le 05 novembre 2018

  • On subit toujours les affres du pompier pyromane. Il ne manque plus qu’a kidnapper deux soldat israéliens et le tour est jouer ...

    L’azuréen

    10 h 57, le 05 novembre 2018

  • Cher M. Makhoul , Hassan nasrallah est à l'Iran ce que votre chouchou adulé samir Geagea est à l'Arabie saoudite , à la différence que le chef des FL est quasiment abandonné par ses nouveaux protecteurs depuis le dépècement de Jamal khashoggi .. sans cela , Geagea aurait dû ingurgité des portefeuilles ragoûtants et non des couleuvres .

    Hitti arlette

    10 h 39, le 05 novembre 2018

  • JE NE COMMENTE PAS. TOUT EST DIT ET BIEN DIT DANS L,ARTICLE. BRAVO ET MERCI.

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 20, le 05 novembre 2018

  • nombreux ceux qui ne s'y attendaient pas . surtout surtout m aoun lui-meme. mais aussi disons le, m aoun reussi au moins a taire les reactions de leurs ouailles qui doivent pleurer de rage. en attendant une reconciliation a laquelle les 2 savent ne pouvoir en rechapper.

    Gaby SIOUFI

    10 h 01, le 05 novembre 2018

  • M. Aoun restera dans l’histoire comme celui qui a perdu la guerre de 1990, celui qui a infligé son gendre au Liban, et celui qui n’a pu devenir président que grâce à… Samir Geagea. PLUS VRAI QUE VRAI MAIS AJOUTER AUSSI SAAD HARIRI AU NOM DE M GEAGEA

    LA VERITE

    08 h 03, le 05 novembre 2018

  • quand on a rien à dire...faut pas se forcer.

    Kaldany Antoine

    07 h 23, le 05 novembre 2018

  • Après "le sunnite du 8 Mars et "le druze non joumblattiste", on est en droit de se demander pour quelle raison n'y aurait-il pas aussi un chiite non-Hezbollah. Grâce à Dieu, il n'en manque pas!

    Yves Prevost

    06 h 47, le 05 novembre 2018

  • Bravo, Mr Makhoul, votre article remet les pendules à l’heure et, de manière cinglante et cynique rappelez à tout le monde que l’heure est grave et que la descente aux enfers de notre pays depuis la mainmise militaire sur la décision nationale du Hezbollah continue de plus belle et qu’on en est actuellement à la prise en charge politique du pays pour carrément le lancer dans l’axe irano-syrien... Sans aucun état d’âme sur les conséquences désastreuses de leurs actes... Nous souhaitons, comme vous, que le président se réveille à cette réalité, nous redonnant peut-être une lueur d’espoir: mais en a-t-il encore le courage et les moyens où c’est déjà trop tard?

    Saliba Nouhad

    02 h 51, le 05 novembre 2018

  • Ce score est erroné! Michel Aoun est hors jeu depuis belle lurette, probablement depuis 2006...

    Wlek Sanferlou

    01 h 49, le 05 novembre 2018

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