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Liban - Sanctions US

Le Liban, terrain iranien ?

AFP / Nicholas Kamm

À la veille de la deuxième salve de sanctions contre l’Iran – qui pourraient atteindre par ricochet des personnes affiliées au Hezbollah (indépendamment des sanctions Hifpa 2) –, le Liban paraît pris entre deux feux. L’hostilité avérée de l’actuelle administration américaine contre l’Iran serait telle que Washington pourrait renoncer, dans la foulée de son combat contre le Hezbollah, à certaines de ses vieilles priorités, comme la stabilité du Liban. Un exemple révélateur serait le fait que Washington contemple la possibilité, non plus seulement de réduire son aide à l’armée libanaise, mais de l’interrompre, « au vu de la ligne de plus en plus ténue entre l’armée et le Hezbollah », révèle la chercheuse Hanine Ghaddar, basée à Washington, au Washington Institute for Near East Policy.

En contrepartie, l’isolement de l’Iran est par définition ce qui devrait conduire Téhéran à faire un usage inédit de son arrière-base libanaise, d’autant plus que le Hezbollah vient d’y marquer sa première victoire démocratique, amplifiée par l’absence d’un contrepoids saoudien.

Si le parti chiite a fait renaître, alors que tout semblait fin prêt pour le nouveau cabinet, le nœud dit sunnite en exigeant la nomination d’un ministre sunnite opposé au Premier ministre désigné Saad Hariri, c’est en partie pour consolider cette victoire. Pourquoi en effet s’arrêter à mi-chemin alors qu’il a réussi à obtenir tour à tour (en se couvrant derrière le chef de l’État, Michel Aoun) que le chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt tolère la nomination d’un ministre druze qui soit à mi-chemin entre lui et le président de la République, et que les Forces libanaises se résignent à une quote-part nettement moindre que celle souhaitée par elles ? S’il est possible d’amener Saad Hariri à faire une concession similaire en faveur des acolytes sunnites de Téhéran et de Damas, pourquoi pas ? indiquent des observateurs qui s’entendent à dire que la méthode du parti chiite est de pousser l’autre à toujours plus de concession tant que son attitude s’y prête.

Que le Hezbollah réclame en outre la nomination d’un ministre sunnite qui lui est acquis sur la quote-part du chef de l’État plutôt qu’un ministre sunnite simplement indépendant serait aussi un moyen pour lui de priver le chef de l’État d’un tiers de blocage.

Ces considérations relatives aux quotes-parts restent toutefois mineures pour le Hezbollah. Preuve en est, de sources concordantes, le nom d’un sunnite relativement centriste, proche de l’ancien Premier ministre Nagib Mikati, pourrait faire l’objet d’un consensus éventuel entre Saad Hariri, Michel Aoun et le Hezbollah.


(Lire aussi : Gouvernement : le nœud persiste, les députés sunnites du 8 Mars insistent toujours pour un portefeuille)


L’essentiel pour le parti chiite derrière l’obstacle sunnite est le blocage qui en résulte et les bénéfices qu’il voudrait – et pourrait fort bien – en tirer : faire en sorte que le cabinet soit non seulement sous son emprise, mais soit reconnu comme tel par les puissances occidentales, de sorte à engager tout le pays avec le Hezbollah face aux sanctions américaines. Un scénario économique catastrophe, mais non moins possible, est retenu par certains experts sur un isolement du Liban sur le marché financier, le réduisant à ne traiter qu’avec l’Iran.

Quel que soit le degré avec lequel se manifestera la mainmise iranienne sur le cabinet, celle-ci ne fait plus de doute aux yeux de Washington, pour qui l’absence d’un cabinet serait à la limite plus profitable pour le Liban que sa naissance, précise Hanine Ghaddar, qui juge inutile que Téhéran bloque le cabinet avec l’idée d’adresser quelque message à l’administration Trump.

Du reste, l’alliance entre Michel Aoun et le Hezbollah ne fait pas de doute aux yeux de ceux qui s’opposent au parti chiite, aussi bien au Liban qu’à Washington. Il est vrai que des partisans du Courant patriotique libre se sont constitués en lobby à Washington pour défendre l’autonomie du chef de l’État par rapport au Hezbollah : une approche peu convaincante, qui aurait pour finalité de sauver la face au leader chrétien au cas où le Liban en venait à payer le prix lourd de sa résignation à l’emprise de facto du parti chiite.

Il reste à savoir quel positionnement choisira le Premier ministre désigné Saad Hariri : jeter l’éponge ou adhérer à l’équation du Hezbollah (intégrer le cabinet en vertu d’un « contrat tripartite » renouvelé entre lui, le Hezbollah et Michel Aoun, au profit du deuxième, dont l’un des rouages serait l’élaboration d’une nouvelle stratégie de défense garante des armes du Hezbollah, selon un observateur indépendant). Rien ne permet d’affirmer laquelle de l’une ou de l’autre option Emmanuel Macron suggérera à Saad Hariri lors d’une rencontre entre eux centrée sur le déblocage du processus de formation du gouvernement, qui aurait lieu incessamment à Paris.


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commentaires (12)

Aujourd'hui un camion sur un bateau qui venait de l'Iran avait 250 kg. d'héroïne , il a été arrete au port de Gêne . Voilà où l'Iran prend son argent . Merci

Eleni Caridopoulou

17 h 28, le 08 novembre 2018

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Commentaires (12)

  • Aujourd'hui un camion sur un bateau qui venait de l'Iran avait 250 kg. d'héroïne , il a été arrete au port de Gêne . Voilà où l'Iran prend son argent . Merci

    Eleni Caridopoulou

    17 h 28, le 08 novembre 2018

  • La géographie du Liban fait pourtant que c'est plus au moins "normal" que ce soit "terrain iranien", ca ne serait pas la première fois, car si je ne me trompes pas, dans l'antiquité à l'époque de Xerxès et Darius de l'empire perse, les 'perses' étaient déjà bien présents. Cela c'est aussi le cas pour l'Arménie, pendant les conquêtes romains de l'Arménie et de la Syrie, par Néron, à la construction de "Neropolis" en Arménie, la diplomatie "romaine" (occidentale) se méfiait de la position des Arméniens qu'on jugait trôp proches des Perses "iraniens" ... 2000 ans après, et avec un context tout à fait différent bien sûr, ca reste un équilibre difficile, la géographie du Liban et de l'Arménie au carrefour des civilations fait qu'on peut s'attendre à un certain influence iranienne, de la même façon qu'il y a une influence européenne, en vue de la proximité de l'Iran ... et de l'Europe.

    Stes David

    10 h 22, le 04 novembre 2018

  • vali fakih et HN ont amplement eu le temps d'apprendre 2 tactiques essentielles a tout besoin / strategie de domination : 1- diviser pour regner d'autant plus facile a pratiquer vu 2-la mentalite miserable des politiques libanais , pt't aussi de leurs ouailles d'apres les experiences passees a voir les assad de syrie la pratiquer avec succès.

    Gaby SIOUFI

    08 h 54, le 04 novembre 2018

  • Mais c’est évident que le Liban est pris dans une spirale infernale depuis la mainmise militaire du Hezbollah sur la décision nationale et le problème devenu pire après son alliance avec le CPL qui lui a donné une légitimité politique, le lançant dans le camp irano-syrien et se mettant à dos le monde Sunnite et Occidental... Donc, conclusion évidente de votre article: catastrophe militaire et économique garantie si rien ne change. Il y’a une grosse différence entre être réaliste et défaitiste!

    Saliba Nouhad

    02 h 50, le 04 novembre 2018

  • On peut dire que grace à vos prédictions de Cassandr(a) on est au TOP. Allez je vous laisse le plaisir de deviner ce que signfie cet acronyme. Loool

    Tina Chamoun

    13 h 45, le 03 novembre 2018

  • Comme je n'avais aucun espoir d'être publié et que je me suis trompé , veuillez ajouter à mon intervention : "Le Liban est habité par des libanais qui prennent leur destin en main , aucune puissance iranienne , ni française ni américaine ni française n'occupe le " terrain" QUE NON PLUS AUCUNE PUISSANCE israelienne ne l'occupe en ce moment parce que justement les résistants LIBANAIS LEUR ONT botté le cul en 2000 et 2006 . Merci .

    FRIK-A-FRAK

    13 h 21, le 03 novembre 2018

  • Je le déclare ouvertement , de quoi aurai je peur d'exprimer mon opinion , je suis pour la résistance et ses exigences , un président fort , un PM fort et un parlement puissant , tout ça derrière une résistance forte et détachée des liens du passé qui nous infantilisaient devant l'occident prédateur , avide et cupide . Mme Noujeim , vous posez la mauvaise question , forcément le corps du texte sera biaisé et entrainera les réactions dans le sens que vous souhaitez le voir s'enfoncer . On a l'impression que des pasdarans iraniens occupent le pays et que les jeunes libanais , oui , chiites , morts pour sauver le Liban d'une occupation des plus barbares durant 20 ans ne sont que des étrangers occupants notre territoire . Tout ce qui est sous-entendu est faux ! Le Liban est habité par des libanais qui prennent leur destin en main , aucune puissance iranienne , ni française ni américaine ni française n'occupe le " terrain" . ET QUE LE PLUS DETERMINE , LE PLUS COURAGEUX ET SURTOUT LE PLUS INTELLIGENT DES LIBANAIS NOUS GUIDE . C'EST LE SENS MEME DE LA DEMOCRATIE PROFESSEE PAR L'OCCIDENT ET A LA QUELLE VOUS ADHEREZ , VOUS MEME , PERSONNELLEMENT . CET ARTICLE M'A FAIT PLEURER , JE NE DIRAI PAS DE QUOI .

    FRIK-A-FRAK

    12 h 51, le 03 novembre 2018

  • Loup loup y es-tu? Hahahahaha

    Tina Chamoun

    11 h 12, le 03 novembre 2018

  • Dur de l'admettre mais la conflagration est au tournant ...

    Remy Martin

    09 h 57, le 03 novembre 2018

  • VOILA OU LE CPL QUI A SERVI ET QUI SERT ENCORE DE PARAVENT A LA MILICE IRANIENNE EN A MENE LE PAYS. AU BORD DE LA CATASTROPHE. UN FAUX PAS ENCORE ET CA Y EST. CE SERA LA CATASTROPHE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 26, le 03 novembre 2018

  • PAS LA PEINE DE POSER LA QUESTION ! On a la réponse

    yves kerlidou

    08 h 42, le 03 novembre 2018

  • Analyse extrêmement pertinente de la tactique du Hezbollah et de ce qui en découle pour le Liban. Quant au choix de Hariri: "jeter l’éponge ou adhérer à l’équation du Hezbollah (...) dont l’un des rouages serait l’élaboration d’une nouvelle stratégie de défense garante des armes du Hezbollah". Nul doute que le premier ministre choisira la seconde proposition. D'ailleurs s'il démissionnait, son successeur ferait certainement pire. La seule chance de sauver le pays serait un sursaut de patriotisme général qui ferait refuser cette équation, mais peut-on vraiment en rêver?

    Yves Prevost

    06 h 50, le 03 novembre 2018

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