À la veille de la deuxième salve de sanctions contre l’Iran – qui pourraient atteindre par ricochet des personnes affiliées au Hezbollah (indépendamment des sanctions Hifpa 2) –, le Liban paraît pris entre deux feux. L’hostilité avérée de l’actuelle administration américaine contre l’Iran serait telle que Washington pourrait renoncer, dans la foulée de son combat contre le Hezbollah, à certaines de ses vieilles priorités, comme la stabilité du Liban. Un exemple révélateur serait le fait que Washington contemple la possibilité, non plus seulement de réduire son aide à l’armée libanaise, mais de l’interrompre, « au vu de la ligne de plus en plus ténue entre l’armée et le Hezbollah », révèle la chercheuse Hanine Ghaddar, basée à Washington, au Washington Institute for Near East Policy.
En contrepartie, l’isolement de l’Iran est par définition ce qui devrait conduire Téhéran à faire un usage inédit de son arrière-base libanaise, d’autant plus que le Hezbollah vient d’y marquer sa première victoire démocratique, amplifiée par l’absence d’un contrepoids saoudien.
Si le parti chiite a fait renaître, alors que tout semblait fin prêt pour le nouveau cabinet, le nœud dit sunnite en exigeant la nomination d’un ministre sunnite opposé au Premier ministre désigné Saad Hariri, c’est en partie pour consolider cette victoire. Pourquoi en effet s’arrêter à mi-chemin alors qu’il a réussi à obtenir tour à tour (en se couvrant derrière le chef de l’État, Michel Aoun) que le chef du Parti socialiste progressiste Walid Joumblatt tolère la nomination d’un ministre druze qui soit à mi-chemin entre lui et le président de la République, et que les Forces libanaises se résignent à une quote-part nettement moindre que celle souhaitée par elles ? S’il est possible d’amener Saad Hariri à faire une concession similaire en faveur des acolytes sunnites de Téhéran et de Damas, pourquoi pas ? indiquent des observateurs qui s’entendent à dire que la méthode du parti chiite est de pousser l’autre à toujours plus de concession tant que son attitude s’y prête.
Que le Hezbollah réclame en outre la nomination d’un ministre sunnite qui lui est acquis sur la quote-part du chef de l’État plutôt qu’un ministre sunnite simplement indépendant serait aussi un moyen pour lui de priver le chef de l’État d’un tiers de blocage.
Ces considérations relatives aux quotes-parts restent toutefois mineures pour le Hezbollah. Preuve en est, de sources concordantes, le nom d’un sunnite relativement centriste, proche de l’ancien Premier ministre Nagib Mikati, pourrait faire l’objet d’un consensus éventuel entre Saad Hariri, Michel Aoun et le Hezbollah.
(Lire aussi : Gouvernement : le nœud persiste, les députés sunnites du 8 Mars insistent toujours pour un portefeuille)
L’essentiel pour le parti chiite derrière l’obstacle sunnite est le blocage qui en résulte et les bénéfices qu’il voudrait – et pourrait fort bien – en tirer : faire en sorte que le cabinet soit non seulement sous son emprise, mais soit reconnu comme tel par les puissances occidentales, de sorte à engager tout le pays avec le Hezbollah face aux sanctions américaines. Un scénario économique catastrophe, mais non moins possible, est retenu par certains experts sur un isolement du Liban sur le marché financier, le réduisant à ne traiter qu’avec l’Iran.
Quel que soit le degré avec lequel se manifestera la mainmise iranienne sur le cabinet, celle-ci ne fait plus de doute aux yeux de Washington, pour qui l’absence d’un cabinet serait à la limite plus profitable pour le Liban que sa naissance, précise Hanine Ghaddar, qui juge inutile que Téhéran bloque le cabinet avec l’idée d’adresser quelque message à l’administration Trump.
Du reste, l’alliance entre Michel Aoun et le Hezbollah ne fait pas de doute aux yeux de ceux qui s’opposent au parti chiite, aussi bien au Liban qu’à Washington. Il est vrai que des partisans du Courant patriotique libre se sont constitués en lobby à Washington pour défendre l’autonomie du chef de l’État par rapport au Hezbollah : une approche peu convaincante, qui aurait pour finalité de sauver la face au leader chrétien au cas où le Liban en venait à payer le prix lourd de sa résignation à l’emprise de facto du parti chiite.
Il reste à savoir quel positionnement choisira le Premier ministre désigné Saad Hariri : jeter l’éponge ou adhérer à l’équation du Hezbollah (intégrer le cabinet en vertu d’un « contrat tripartite » renouvelé entre lui, le Hezbollah et Michel Aoun, au profit du deuxième, dont l’un des rouages serait l’élaboration d’une nouvelle stratégie de défense garante des armes du Hezbollah, selon un observateur indépendant). Rien ne permet d’affirmer laquelle de l’une ou de l’autre option Emmanuel Macron suggérera à Saad Hariri lors d’une rencontre entre eux centrée sur le déblocage du processus de formation du gouvernement, qui aurait lieu incessamment à Paris.
Lire aussi
Le Hezbollah souhaite arracher le tiers de blocage des mains du CPL
Formation du gouvernement libanais : l’art de gagner du temps avant la tempête
commentaires (12)
Aujourd'hui un camion sur un bateau qui venait de l'Iran avait 250 kg. d'héroïne , il a été arrete au port de Gêne . Voilà où l'Iran prend son argent . Merci
Eleni Caridopoulou
17 h 28, le 08 novembre 2018