MBS, lors de sa rencontre il y a quelques jours avec le secrétaire d'État américain, Mike Pompeo. AFP/Saudi Royal Palace/Bandar al-Jaloud
L’affaire Khashoggi tombe très mal, car l’été qui vient de s’écouler est loin d’avoir été un long fleuve tranquille pour le clan des al-Saoud. En mai dernier, la famille déplorait le premier comportement erratique du prince hériter Mohammad ben Salmane (MBS) : les arrestations d’activistes connus pour avoir réclamé le droit pour les femmes de prendre le volant. La jeunesse saoudienne, qui avait dans un premier temps perçu le prince héritier comme l’un des siens, est médusée. Ensuite, et une fois l’euphorie du 24 juin (le jour où les femmes ont commencé à conduire) retombée, la nervosité de MBS n’a fait qu’aller crescendo. Au point d’en arriver à gifler, au cours d’une réunion, l’un de ses proches collaborateurs et de se faire conseiller par l’un de ses cousins d’aller se « reposer quelque temps » sur son yacht amarré à Charma, à l’extrême nord-ouest de l’Arabie, à quelques encablures de Charm el-Cheikh.
Conséquence de cette crise, du moins sur le plan médiatique : aucune photo du prince héritier n’a été publiée dans les journaux durant le mois d’août, sauf lors des traditionnelles célébrations de l’Adha. On y voit MBS assis à côté du roi Salmane, sans plus. Les Conseils des ministres qui ont suivi ont été présidés par le roi Salmane, et le silence dans les médias de MBS s’est fait de plus en plus marquant. Autre élément important : la « réapparition » en septembre dernier à Djeddah de la mère de MBS, Fahda ben Sultan, qu’il avait mise en résidence surveillée à Riyad depuis son accession au pouvoir en 2015. Cette dernière ne partageait pas en effet l’enthousiasme du roi Salmane quant à la nomination de MBS au poste de prince héritier. En septembre dernier, Fahda a donc été revue sur son yacht privé, où elle a donné une grande fête en compagnie d’une cinquantaine de ses proches, selon une source non autorisée proche du palais royal. Une réapparition qui, pour les observateurs, est bel et bien un signe que le vent a commencé à tourner, bien avant le scandale de l’affaire Khashoggi.
(Lire aussi : Comment l’affaire Khashoggi menace l’accession au trône de MBS)
Une affaire qui contraste particulièrement avec le tapage médiatique qui a accompagné, depuis 2015, la fulgurante ascension au pouvoir de MBS, qui a œuvré sans relâche afin de tenter de gommer le côté obscur de son royaume : 2018 comptait, jusqu’en mai seulement, 48 exécutions capitales par décapitation ou lapidation selon Death Penalty Worldwide. Le fougueux prince héritier était obsédé par sa volonté de braquer les projecteurs sur les ambitions et les ressources d’un pays « désormais guidé par un leader jeune et prometteur ». Toutefois, l’une des rares entités à ne pas avoir mordu à l’hameçon est, sans surprise, Amnesty International. En réponse à l’agressive campagne saoudienne de « relooking », l’ONG avait répondu par un poster reprenant une photo d’exécution publique par décapitation avec la mention : « Lorsque c’est comme cela que votre pays rend justice, vous allez avoir besoin de bien plus qu’une très bonne agence de communication. »
Un slogan d’autant plus d’actualité aujourd’hui, alors que l’horreur de la violence quotidienne qui sous-tend l’exercice du pouvoir par le jeune prince a été exposée au grand jour, au vu et au su de l’ensemble de la communauté internationale. Et, surtout, du clan al-Saoud lui-même, obligé de trouver au plus vite un scénario de sortie de crise (lire par ailleurs).
Lire aussi
Affaire Khashoggi : la Turquie profiterait-elle du scandale ?
Affaire Khashoggi : une nomination du frère cadet de MBS, possible scénario de sortie de crise ?
Alibi de dépannage, l'éditorial de Issa GORAIEB
Affaire Khashoggi : l'Iran observe en silence
Asiem el-Difraoui : Des princes saoudiens comme Mohammad ben Nayef ne sont pas très contents...
Les Occidentaux prudents sur l'affaire Khashoggi pour ménager Riyad
commentaires (9)
IL NE FAUT PAS OUBLIER LES MILLIERS DE TETES COUPEES EN UN RIEN DE TEMPS ET DEPUIS AVEC L,AVENEMENT DE KHOMEINI EN IRAN... LES DEUX FACES DE LA MEME MONNAIE !
LA LIBRE EXPRESSION. VERITES ! EQUITE !
14 h 18, le 19 octobre 2018