Brusquement, on se croirait revenu à la période d’avant l’élection présidentielle, et ce qu’on a appelé « le compromis présidentiel ». Les vieux démons sont revenus sur le devant de la scène dans une belle simultanéité, comme s’il s’agissait d’une symphonie bien orchestrée aux rythmes déjà connus des Libanais.
Il y a eu ainsi les informations sur la publication dans le courant du mois de septembre de l’accusation officielle dans l’affaire de l’assassinat du Premier ministre Rafic Hariri, en attendant le verdict du TSL qui pourrait prendre plusieurs mois à partir de 2019. Il y a eu ensuite le retour à l’avant de la scène des conflits stratégiques dans une reconstitution soudaine de la division politique entre les camps du 14 et du 8 Mars, au sujet notamment des relations avec la Syrie. Dans ce même contexte, le courant du Futur et son chef le Premier ministre désigné ont sciemment choisi de publier un communiqué pour marquer le souvenir des attentats contre les mosquées al-Taqwa et al-Salam à Tripoli le 23 août 2013, qui auraient été organisés sur des injonctions du régime syrien, par un parti alaouite implanté à Baal Mohsen (Tripoli).
C’est aussi dans ce même contexte tendu que les services de sécurité ont annoncé avoir arrêté un Libanais enrôlé sous la bannière de Daech, qui planifiait des attaques contre des barrages de l’armée et contre des églises, selon les informations qui ont filtré de l’enquête préliminaire. Dans les détails, le terroriste arrêté aurait reconnu être en contact avec un dénommé Abou Hicham, responsable de Daech, installé en Syrie qui lui donnait les instructions. Le terroriste ferait partie d’une cellule dont les membres ont déjà été arrêtés, mais les services de sécurité ont attendu l’arrestation du dernier membre pour divulguer l’information à la presse. Cette information arrive à point nommé pour rappeler aux Libanais que la menace terroriste est toujours présente, même s’ils l’avaient plus ou moins oubliée dans l’agitation électorale qui a été suivie de polémiques politiques. Dans le même sillage, l’armée libanaise multiplie depuis quelque temps les patrouilles à la frontière libano-syrienne pour tenter d’empêcher le passage des clandestins de Syrie vers le Liban, ceux-ci pouvant justement appartenir à des groupes armés.
Mis bout à bout, tous ces éléments ramènent le Liban des années en arrière, à la période de la vacance présidentielle et même avant. Comme s’il s’agissait de montrer que les effets du « compromis présidentiel » – qui avait abouti à l’élection de Michel Aoun à la présidence et à la désignation de Saad Hariri pour former le gouvernement, relançant ainsi les institutions de l’État et instaurant une stabilité politique – se sont dissipés et que le Liban se retrouve de nouveau à la case départ, comme après l’assassinat de Rafic Hariri et la grande division qui avait déchiré le pays pendant des années.
Soudain, la fragile entente des deux dernières années s’est lézardée. Les parties politiques étalent désormais leurs conflits sur la plupart des sujets importants. La formation du gouvernement, bien entendu, mais aussi le retour des déplacés syriens, les relations avec la Syrie, le contentieux saoudo-iranien, le conflit yéménite, etc.
Est-ce à dire que le Liban est au bord d’une nouvelle crise politique qui pourrait même se transformer en tourmente ? Des sources sécuritaires bien informées se veulent rassurantes, tout en précisant que la menace terroriste n’a jamais été totalement éliminée. Le risque existe donc, mais les services de sécurité font leur travail avec vigilance et coordonnent entre eux pour parvenir à démanteler les réseaux éventuels et les cellules dormantes. Selon ces mêmes sources, la situation politique constitue certainement un facteur important pour la stabilité. Plus les divisions et les tensions sont importantes, et plus les fauteurs de troubles ont la latitude d’agir. Mais cela ne signifie pas que le Liban est au bord d’une nouvelle vague de violences ou d’attentats. Pour l’instant, la situation n’est pas à comparer avec celle qui a prévalu dans le passé. Selon les sources précitées, la soudaine renaissance du clivage politique est artificielle et vise essentiellement à occuper la scène politique et médiatique pendant cette période critique avant la formation du gouvernement et dans l’attente des développements en Syrie.
En effet, la crise interne libanaise coïncide avec un durcissement de ton américano-franco-anglo-saoudien à l’égard de la Syrie, où le régime s’apprête à lancer sa dernière grande bataille dans le nord du pays. Elle coïncide aussi avec les menaces directes américaines contre l’Iran. Mais au Liban, si les différentes parties suivent de près ce qui se passe dans la région, elles n’en sont pas moins attachées à la stabilité, alors que l’armée et les forces de sécurité ne sont plus dans la même situation qu’avant l’élection présidentielle de 2016. Elles ont un mandat ferme pour agir et veiller à la sécurité et à la stabilité du pays. Tout comme il n’y a pas de décision internationale qui favorise une déstabilisation du Liban. S’il est donc vrai que le Liban subit le contrecoup de la montée des tensions dans la région, laquelle semble se diriger vers une nouvelle épreuve de force, cela ne signifie pas qu’il y aura un retour en arrière...
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commentaires (6)
L'acharnement de la Syrie et de l'Iran pour engloutir le Liban, pourquoi ? La France, puissance mandataire sur le Levant depuis 1920 avait offert, pour des raisons stratégiques, le Sandjak d'Alexandrette à la Turquie. Une spoliation que la Syrie n'a jamais acceptée. Ce territoire est considéré comme "L'Alsace-Lorraine" par les Syriens. Même Gabriel Puaux, haut-commissaire n'avait pas été consulté Iskandarun a une superficie de 5.570 km2 soit 53% de la surface du Liban, avec une façade de 150 km sur la Méditerranée. J'invite la Syrie et l'Iran à oeuvrer pour récupérer cette terre syrienne et de ficher la paix à notre très chère Patrie bien-aimée., le Liban éternel.
Un Libanais
16 h 09, le 28 août 2018