Il y a cinq ans, le 21 août 2013 plus précisément, le régime Assad se livrait à une effroyable attaque à l’arme chimique contre la population de la Ghouta orientale, à la périphérie de Damas, faisant plus de 1 400 tués, dont de nombreux enfants. Soucieux de ne pas compromettre ses négociations avec les mollahs de Téhéran en vue d’aboutir à son accord sur le nucléaire iranien, l’ex-président américain Barak Obama s’était alors contenté de punir… l’arme et de ne pas importuner le responsable de cette attaque. Fort de l’impunité que lui garantissait ainsi visiblement le chef de la Maison-Blanche de l’époque, Bachar el-Assad ne s’est évidemment pas empêché de récidiver plus tard en ayant recours à nouveau plus d’une fois à l’arme chimique.
Le sinistre registre du régime syrien en termes de barbarie de toutes sortes, en termes de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité est funestement très riche. Il s’accompagne parallèlement d’un nettoyage communautaire et de déplacements de population, parmi les plus graves depuis la Seconde Guerre mondiale, dans le but d’imposer un changement radical dans la géographie démographique de la Syrie. Le président Assad déclarait récemment que « nous avons perdu la crème de notre jeunesse ainsi que notre infrastructure, mais nous avons gagné une société plus saine et plus homogène ». Des propos dans le plus pur style nazi…
Quant aux Libanais, toutes tendances et communautés confondues – sans compter les Palestiniens – ils ont pâti pendant plusieurs décennies des pratiques meurtrières de ce régime. Ils ne peuvent oublier aussi facilement Kamal Joumblatt, Bachir Gemayel, le mufti Hassan Khaled, Riad Taha, Salim Laouzi, Rafic Hariri, tous les martyrs du 14 Mars, la guerre des cent jours contre Achrafieh en 1978, le bombardement de Zahlé en 1981, ou aussi (d’aucuns ont tendance à l’occulter) la sanglante attaque du 24 février 1987 contre la caserne Fathallah de Basta tenue par le Hezbollah, où une trentaine de miliciens du parti chiite avaient été massacrés par les forces syriennes… La liste détaillée sur ce plan serait trop longue…
Estimer, comme l’a fait un ministre proche de Baabda, que les événements de ces sept dernières années en Syrie relèvent désormais du passé et qu’il faut maintenant accepter de traiter avec la réalité actuelle – sans aucune autre forme de procès (c’est le cas de le dire) – est tout simplement amoral. Face à ce lourd contentieux, un esprit normalement constitué ne peut prôner une « normalisation » avec un tel régime, car ce ne serait rien d’autre qu’une insulte à la mémoire des centaines de milliers de civils tués et des milliers de détenus morts sous la torture dans les geôles syriennes, dans le sillage des 82 000 disparitions évoquées par Amnesty International.
Certains pourraient facilement rétorquer que politique et morale ne font pas bon ménage. Sans doute. Mais si l’on admet l’impunité dans les cas de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité et de déplacements forcés de population, cela signifie que l’on s’engage résolument dans la loi de la jungle généralisée à l’échelle mondiale et que l’on jette aux oubliettes toute la littérature (occidentale) sur les droits humains et le respect de l’individu.
Si l’on désire se placer sur le seul terrain de la cynique realpolitik, force est alors d’admettre que l’option d’une « normalisation » avec le régime Assad constitue rien moins qu’une cascade de bombes à retardement qui ne tarderont pas à exploser à intervalles diversifiés à la figure des Libanais. Se croyant victorieux, et largement confortés dans leur impunité, les tyrans de Damas ne manqueront pas de s’adonner à leur stratégie favorite de déstabilisation tous azimuts, eux qui sont passés maîtres dans l’art de jouer sur le facteur temps et de manipuler à satiété toutes sortes de groupuscules extrémistes ou même jihadistes pour semer ici et là la terreur.
C’est à l’ombre d’un tel contexte que la scène libanaise est depuis plusieurs semaines le théâtre d’une double manœuvre savamment orchestrée, qui vise d’une part à banaliser les attaques politico-médiatiques répétées contre l’Arabie saoudite et les pays du Golfe, et d’autre part à imposer comme fait accompli une normalisation avec le régime syrien. Cela reviendrait à substituer la politique de neutralité régionale par l’arrimage pur et simple du Liban à l’axe irano-assadiste, faisant fi ainsi de la sensibilité d’une large majorité des Libanais. Une telle remise en cause de la politique dite de « distanciation » représenterait incontestablement, à brève échéance, une résurgence de la politique baassiste de déstabilisation chronique et de discorde interne au pays du Cèdre.
L’alternative aujourd’hui est simple : l’instauration et le bétonnage d’une paix civile en déconnectant le Liban des conflits régionaux ou au contraire l’ancrage au tandem déstabilisateur Téhéran-Damas. Dans ce dernier cas de figure, la voie est toute tracée : entraîner les Libanais dans des situations guerrières à répétition, sans perspectives notables et sans horizon aucun.
commentaires (5)
le pb avec l'occident c'est qu'il ne voit pas plus loin que le bout de leur nez … pensent aux elections qui sont a tres court terme ne savent pas qu'en changeant les dirigeants crapuleux ou boucher comme assad cela leur sera bcp plus utile qu'en le laissant au pouvoir
Bery tus
00 h 10, le 29 août 2018