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Liban - Analyse

Ralliement sunnite autour de Hariri : une portée stratégique ou communautaire ?

Salah Salam.

Le journaliste Salah Salam, rédacteur en chef du quotidien libanais al-Liwa’ et candidat malheureux aux dernières législatives dans la circonscription de Beyrouth II, a annoncé hier le retrait du recours en invalidation du scrutin qu’il avait présenté devant le Conseil constitutionnel. Ses colistiers ont en revanche choisi de maintenir leur recours. La démarche de M. Salam est donc individuelle et se veut un acte de solidarité avec le Premier ministre désigné Saad Hariri, contre lequel il s’était pourtant porté candidat, présidant la seule liste complète des huit listes de l’opposition à Beyrouth II. Issu de la mouvance souverainiste, la candidature de M. Salam visait à contester la politique de compromis privilégiée par Saad Hariri au prix des principes stratégiques. Une contestation que la base populaire du courant du Futur n’a pas manqué d’ailleurs d’exprimer dans les urnes dans l’ensemble du pays.

Mais le retrait du recours en invalidation de Salah Salam prouve que cette contestation est en train de se dissiper, ne serait-ce que partiellement, au niveau de la communauté sunnite. Il y a deux raisons à cela.


(Pour mémoire : Recours contre les résultats des législatives : le Conseil constitutionnel dément les rumeurs)


D’abord, une raison d’ordre politique. Les sunnites partisans du courant du Futur sont toujours loyaux à la date fatidique du 14 février 2005 qui a donné le coup d’envoi à l’intifada de l’Indépendance. Leur fidélité à l’ancien Premier ministre Rafic Hariri se confond avec leur engagement en faveur des principes pour lesquels il a été assassiné : l’indépendance du Liban dont l’accomplissement exige une action transcommunautaire. Et c’est à cet idéal que la base populaire sunnite reste attachée, selon des observations de terrain. Mais c’est aussi cet idéal qui devient source de frustration pour les sunnites diabolisés par les tenants de l’alliance des minorités aussi bien en Syrie où ils se font massacrer, qu’au Liban où leur leader a pourtant poussé à l’extrême sa propension au compromis.

L’autre raison de la solidarité sunnite recouvrée avec ce dernier est d’ordre communautaire et son expression inédite depuis 2005. La formation du cabinet a commencé à se compliquer lorsque Saad Hariri a décidé de prendre un temps de répit avant de décider s’il doit ou non franchir l’ultime étape du compromis présidentiel, c’est-à-dire adhérer entièrement, irrévocablement à l’axe irano-syrien, en se pliant à ses conditions, entre autres la normalisation de ses rapports avec le régime syrien. Parmi les pressions exercées sur lui par cet axe, les velléités déclarées de Michel Aoun de revoir la répartition des prérogatives entre la présidence de la République maronite et la présidence du Conseil sunnite telle qu’instaurée par Taëf après la guerre civile. Pour les sunnites, l’heure n’est donc plus à la critique de la personne du Premier ministre, mais à la solidarité avec l’institution qu’il représente.

Il n’est pas sûr toutefois lequel des deux motifs, politique ou communautaire, prime chez les sunnites majoritairement issus de la mouvance souverainiste qui ont décidé de se solidariser avec Saad Hariri : est-ce pour le soutenir face à l’axe irano-syrien ou pour défendre la communauté face à la surenchère chrétienne aouniste ?

Le motif mis en avant par Salah Salam hier devant le siège du Conseil constitutionnel se rapproche du second cas de figure. Sa décision de retirer son recours en invalidation (dont il a notifié les juges) répond aux « développements politiques survenus récemment et les campagnes visant la présidence du Conseil et les compétences du Premier ministre désigné », a-t-il expliqué. Cette décision serait un moyen de « défendre Taëf et le document d’entente nationale (…) par souci de préserver la paix civile et la formule libanaise de toute secousse », a ajouté M. Salam. Et de préciser enfin que sa démarche reflète « la réaction très négative de la rue beyrouthine et de la rue sunnite en général » face aux développements post-législatives visant la présidence du Conseil.


(Pour mémoire : Rifi tire à boulets rouges sur le pouvoir qu’il accuse de « tricherie »)


À L’Orient-Le Jour, M. Salam explique que son choix de se porter candidat aux législatives et son choix actuel de se solidariser avec Saad Hariri (avec lequel il dit n’avoir plus de contact) accompagnent « l’évolution de la rue sunnite qui a changé d’attitude depuis la fin des législatives ». C’est par fidélité à cette rue que ce proche de l’Arabie dit avoir agi avant tout.

« Je reproche à Michel Aoun de n’avoir rien fait pour démontrer à la rue sunnite la justesse du compromis présidentiel », affirme Salah Salam, en précisant toutefois que ce compromis tient toujours et que sa démarche n’est pas dirigée contre le mandat. Sa solidarité avec Saad Hariri s’expliquerait par « la nécessité de retourner vers le cadre commun (de Taëf) consenti par les différentes composantes libanaises ».

C’est plus l’hostilité du camp irano-syrien à l’égard de Saad Hariri que l’attitude de Saad Hariri lui-même (encore indécis sur son positionnement stratégique) qui justifie son regain de popularité. Le glissement du politique vers le communautaire est donc saillant.

D’autres sunnites de Beyrouth, sans retirer leurs critiques virulentes à l’égard des choix politiques de Saad Hariri, jugent bon toutefois de le soutenir face au chef de l’État. « Se taire serait accepter qu’un nouveau 7 Mai se produise », confirme l’un d’eux à L’Orient-Le Jour, en précisant que cette solidarité est le seul moyen de riposter au discours ultra-communautaire du camp aouniste qui se fait la caisse de résonance de l’axe irano-syrien.

N’est-ce pas faire le jeu du Hezbollah qui profiterait de nouveaux clivages intercommunautaires ? « Jamais les sunnites ne se laisseront entraîner dans un tel conflit », précise M. Salam.

Son colistier, l’ancien ministre Ibrahim Chamseddine, garde le cap sur le recours en invalidation du scrutin et dénonce indirectement « la confédération des communautés » qu’est devenu le Liban. « Nous soutenons bien sûr la sauvegarde des prérogatives constitutionnelles du Premier ministre, mais cela ne signifie pas de renoncer à nos droits de citoyens de saisir le Conseil constitutionnel pour l’illégalité du scrutin », affirme-t-il à L’OLJ. Fidèle à la rhétorique de son père, l’imam Mohammad Mahdi Chamseddine, ce chiite indépendant précise que « le parti n’est pas une communauté, et une communauté ne se résume pas à un parti, ou un chef ». « Tout comme je lutte contre cette association au sein de ma communauté, je tiens à le faire pour toutes les autres », conclut-il, en préconisant « une unification des Libanais plutôt que de Libanais ».




Pour mémoire

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Le journaliste Salah Salam, rédacteur en chef du quotidien libanais al-Liwa’ et candidat malheureux aux dernières législatives dans la circonscription de Beyrouth II, a annoncé hier le retrait du recours en invalidation du scrutin qu’il avait présenté devant le Conseil constitutionnel. Ses colistiers ont en revanche choisi de maintenir leur recours. La démarche de M. Salam est donc...

commentaires (6)

Era ora, c qu'on dit en Italien , que les sunnites s'unissent contre l'axe Syro - Iranien et la destruction du Liban

Eleni Caridopoulou

18 h 43, le 28 août 2018

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Commentaires (6)

  • Era ora, c qu'on dit en Italien , que les sunnites s'unissent contre l'axe Syro - Iranien et la destruction du Liban

    Eleni Caridopoulou

    18 h 43, le 28 août 2018

  • Salah Slam dénonce le discours ultra-communautaire du camp aouniste qui se fait la caisse de résonance de l'axa irano-syrien. Ibrahim Chamseddine, fils de l'imam Mohammed Mahdi Chamseddine : Le Liban est devenu une confédération des communautés. Il préconise une unification DES Libanais plutôt que DE Libanais. La noblesse dans la politique se manifeste dans ces deux déclarations.

    Un Libanais

    12 h 19, le 28 août 2018

  • Stratégique ou communautaire ? Pourquoi pas les deux à la fois ? C'est le résultat qui compte. L'intérêt du Liban est-il pris en compte ? Tout le reste est dérisoire!

    Sarkis Serge Tateossian

    12 h 13, le 28 août 2018

  • C'était de la liste "Beyrouth la patrie" https://www.lorientlejour.com/elections/district/2/beyrouth-2

    Stes David

    10 h 30, le 28 août 2018

  • ne voila t il pas qu'une preuve- encore une - de l'insanite de cette " MITHAKIA " chantee & louee par GB ? a t on idee qu'apres ttes les miseres vecues par les libanais, on se retrouve a parler ainsi, a parler outrageusement des droits des communautes ? au lieu de parler des droits des Libanais tt court ? LE + IGNOBLE DANS CELA VOUS VOULEZ LE CONNAITRE : C TTE LA CRASSE POLITQUE, TTES RELIGIONS/CONFESSIONS/ETHNIES/RACES/PARTIS POLITIQUES CONFONDUS ONT ADOPTE CETTE NOUVELLE IDEOLOGIE.

    Gaby SIOUFI

    09 h 52, le 28 août 2018

  • STRATEGIQUE OU COMMUNAUTAIRE LE RALLIEMENT SUNNITE AUTOUR DE HARIRI COMPENSE ET RAJUSTE LA BALANCE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 19, le 28 août 2018

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