Rechercher
Rechercher

Liban - Législatives 2018 - Portrait

Ihab Hamadé, un poète à la conquête d’un siège parlementaire

Poète, avec cinq recueils publiés à son actif, professeur de littérature à l’Université libanaise et critique, le Dr Ihab Hamadé, candidat dans la circonscription de Baalbeck-Hermel (Békaa III), ne ressemble pas à l’image que l’on se fait habituellement d’un cadre du Hezbollah. La voix douce et les yeux rêveurs, il aime les mots, les savoure et les choisit soigneusement. Il parle ainsi de son engagement en faveur de la résistance comme s’il s’agissait d’une évidence aussi claire que l’air que l’on respire ou que l’eau qu’on boit.

Dans son bureau électoral installé au cœur de la banlieue sud, il prépare, planifie, discute et... reçoit peu de journalistes. Non pas qu’il n’aime pas les médias, mais tout simplement parce qu’il préfère mener une campagne électorale de proximité avec les habitants de sa région, Baalbeck-Hermel.

Son histoire personnelle se confond avec celle du Hezbollah dont il est pratiquement devenu membre à l’âge de 9 ans, lorsqu’il a intégré les scouts du Mehdi, la structure pour les enfants relevant du parti chiite. Il se souvient d’ailleurs que, vers les années 1985-1986, il avait participé aux formations religieuses données par Hassan Nasrallah dans le jurd du Hermel. À 16 ans, il est devenu proche de Abbas Moussaoui, le secrétaire général du Hezbollah assassiné en 1991 par les Israéliens. Avec simplicité, Ihab Hamadé confie : « J’ai ouvert les yeux sur le Hezbollah et j’ai passé ma vie dans son orbite. » N’a-t-il pas eu parfois envie de voir autre chose ? « Non, dit-il, car nous sommes porteurs de valeurs et d’un projet dont je suis totalement convaincu. Même s’il faut en payer le prix. » Comme ne pas pouvoir se rendre dans certains pays ?


(Lire aussi : Georges Okaïs, au secours du système judiciaire libanais)


« Oui, c’est vrai, mais notre rapport avec la vie est centré autour de Dieu, nous considérons que le passage sur terre n’est qu’une étape et que la particularité de la vie est qu’elle finit avec la mort. Cela ne nous empêche pas de vivre pleinement, mais l’image de l’autre vie qui nous attend est toujours présente dans notre inconscient », note-t-il. Sa devise se résume à une phrase célèbre de l’imam Ali ibn Abi Taleb, qui veut dire à peu près ceci : il faut vivre sa vie comme si l’on est éternel et agir pour sa mort comme si elle devait avoir lieu demain. Ihab Hamadé insiste sur le fait que le Hezbollah ne se résume pas aux armes de la résistance. C’est, à ses yeux, une profession de foi et un mode de vie. « Nous aimons la vie, la beauté sous toutes ses formes, l’art, mais notre image est déformée pour des raisons politiques. Nous souffrons aussi d’un certain amalgame avec Daech et les autres organisations terroristes, mais nous sommes aux antipodes de cet islam-là. Le nôtre est basé sur l’ouverture, l’acceptation de l’autre et le pardon », ajoute-t-il.

Au bout de 30 ans d’action au sein du Hezbollah, où il occupe les fonctions de responsable du caza du Hermel et de membre du commandement du parti dans la région de la Békaa, il a été choisi pour être un des candidats aux élections pour la circonscription de Baalbeck-Hermel. Pourquoi ce choix ? Ihab Hamadé estime que c’est sans doute parce qu’il a travaillé sur le terrain, auprès des habitants, en période de guerre comme en période de paix, et qu’il connaît bien leurs problèmes et leurs revendications. En même temps, il appartient à une grande famille de la région, son père étant l’oncle de Majed Hamadé, le fils de Sabri Hamadé (ancien président de la Chambre et grande figure du Liban). Il est, de plus, proche des jeunes, ce qui est un atout supplémentaire. Selon lui, le fait qu’il ait été choisi comme candidat montre que le Hezbollah souhaite s’impliquer davantage dans l’action parlementaire, sous le thème de la lutte contre la corruption. « Chez les autres, dit-il, c’est peut-être un slogan électoral. Mais, chez nous, c’est une mission religieuse. À nos yeux, l’imam Hussein était le premier à appeler à la lutte contre la corruption. »


(Lire aussi : Salah Haraké : l’indépendance, à tout prix...)


Aujourd’hui, selon lui, le Hezbollah compte donc se concentrer sur ce dossier, quels que soient les défis que cela implique. « Le sayyed, dit-il, l’a promis et il tient ses promesses ! » Même si cela peut entraîner des conflits ouverts avec les alliés ? « Nous connaissons les risques et nous comptons relever le défi. Mais il est évident que nous ne remplaçons pas l’État, ni le pouvoir judiciaire. Nous nous contenterons de dévoiler et de bloquer certains projets, s’il le faut. Savez-vous par exemple que la location de bâtiments officiels coûte chaque année au Trésor dix millions de dollars ? Nous pensons qu’avec ces sommes nous pourrions construire des bâtiments. De même, savez-vous que le Liban a les crédits avec les taux d’intérêt les plus élevés (autour de 7 %) ? Mais, pour pouvoir agir, il faut avoir un poids au Parlement. C’est ce que nous essayons de faire avec nos alliés, en plus de notre bloc parlementaire. » Considère-t-il le CPL parmi les alliés ? « Oui, bien sûr. Au début de la campagne électorale, il a été convenu que le Hezbollah et le CPL donneraient la priorité chacun à ses intérêts. La campagne a été parfois au-delà de ce que nous attendions, et cela pourrait laisser quelques traces, mais ne remet aucunement en question notre alliance stratégique », répond-il.

Pourquoi les gens vont-ils voter pour la liste du Hezbollah alors que les députés en place depuis 2009 n’ont rien fait pour la région ? « C’est faux. Nous avons obtenu en 9 ans un milliard de dollars en projets pour Baalbeck-Hermel, et, avec cette somme, nous avons fait des merveilles. Nous avons même publié un livret détaillant nos réalisations. Mais les besoins sont énormes. Il faut surtout une politique en faveur de l’agriculture, qui est sciemment oubliée depuis des années. Le budget de ce ministère est l’un des plus bas dans le monde ! », dit-il.

Estime-t-il que le général Jamil Sayyed est un plus ou un handicap dans la liste Amal-Hezbollah ? « C’est un homme d’honneur, courageux. Il est indépendant, mais il est un plus sur notre liste », martèle-t-il. Le Hezbollah compte-t-il lui donner des voix préférentielles ? « Le commandement n’a pas encore décidé du partage des voix préférentielles, mais sachez que c’est nous qui choisissons qui faire passer ou non, parce que nous avons un surplus de voix. Nous pensons qu’un siège ira à l’autre liste, mais c’est nous qui choisirons lequel... » conclut-il.



Lire aussi

Tony Frangié : Attendez de me voir à l’œuvre avant de juger

Ihab Hamadé, un poète à la conquête d’un siège parlementaire

Rania Bassil, cardio-pédiatre, veut faire de la santé publique une priorité

Lina Moukheiber, sur les pas du « Vieux Lion de la Montagne »

Ragy el-Saad : Si les choses suivent leur cours actuel, nous allons tout perdre

Patricia J. Élias : « L’avenir brillant du Liban, c’est la femme »

Pour Jean Talouzian, « la politique n’est pas affaire de prestige, mais de travail »

Siham Antoun, de l’activisme social et syndical à la politique

Chawki Daccache, la « cause » d’abord...

Joseph Ishac, « député » virtuel depuis neuf ans

Poète, avec cinq recueils publiés à son actif, professeur de littérature à l’Université libanaise et critique, le Dr Ihab Hamadé, candidat dans la circonscription de Baalbeck-Hermel (Békaa III), ne ressemble pas à l’image que l’on se fait habituellement d’un cadre du Hezbollah. La voix douce et les yeux rêveurs, il aime les mots, les savoure et les choisit soigneusement. Il...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut