La communauté internationale s'est engagée vendredi à mobiliser 11 milliards de dollars en prêts et dons en faveur du Liban, lors de la Conférence économique pour le développement par les réformes et avec les entreprises (CEDRE) à Paris, afin de moderniser l'économie du pays et renforcer sa stabilité, menacée par les crises régionales.
Ces annonces sont destinées à financer des projets d'investissements sur les cinq prochaines années. Le plan d'investissements bâti par les autorités libanaises vise à moderniser les infrastructures du pays, qui connaît d'importants retards de développement, à commencer par l'alimentation en eau, la production d'électricité et le traitement des déchets.
Selon l'ambassadeur de France au Liban, Bruno Foucher, les 11 milliards de dollars promis sont constitués de prêts à hauteur de 10,2 milliards, et de 860 millions de dons.
(Repère : Conférence CEDRE : les prêts et les dons obtenus par le Liban)
"Le Liban, un exemple pour la région"
"Cette journée de travail a été fructueuse (...) Au total, la conférence a permis de mobiliser un peu plus de 11 milliards (de dollars) d'engagements", a annoncé le président français Emmanuel Macron en clôture de la conférence. "À l'heure où le Levant traverse un des moments les plus tragiques de son histoire, il est plus capital que jamais de préserver un Liban pacifique, ouvert et harmonieux", a affirmé le chef d’Etat lors de son discours faisant l’éloge du modèle pluraliste du Liban. "Le Liban est un exemple pour la région, a ajouté M. Macron. Si nous décidons d’importer au Liban tous les conflits du Moyen-Orient, alors nous aurons ajouté du malheur au malheur."
Le chef de l’Etat français a également tenu à rappeler l'engagement du gouvernement libanais en faveur de réformes en vue de redresser l'économie du pays. "Grâce à cette mobilisation, la situation est aujourd’hui plus favorable car vous avez décidé collectivement de vous engager et le Liban s’est engagé à des réformes", a-t-il ajouté, rappelant que des législatives sont prévues dans un mois, les premières depuis neuf ans.
"Il convient de poursuivre ces réformes après les législatives et la formation du nouveau gouvernement, a-t-il poursuivi. C’est ce qui permettra de multiplier les investissements dans la durée et le retour à une économie normale". "Nous serons à vos côtés dans ce travail, a encore promis M. Macron. Mais il implique beaucoup de courage et de détermination de la part du gouvernement libanais."
Le président français a également salué l'effort du Liban et de la communauté internationale face à la crise syrienne. "Il relève de la responsabilité de tous les acteurs internationaux d'aider le Liban à faire face aux défis face à la crise des réfugiés." "Nous sommes collectivement derrière le Liban compte tenu de tous les défis du moment dans la région, a conclu le président français. C'est ce qui explique cette mobilisation internationale inédite (...) afin de préserver ce trésor que représente le Liban dans la région et pour que ce modèle en inspire d'autres."
(Lire aussi : Tout ce qu’il faut savoir sur CEDRE)
Les engagements internationaux
Au total, 37 Etats et 14 organisations internationales et régionales (FMI, Banque mondiale, UE..) étaient réunis pour cette conférence. Parmi les plus gros donateurs figurent la Banque mondiale, qui s'est engagée sur quatre milliards de dollars de prêts au cours des cinq prochaines années, et l'Arabie saoudite, qui a renouvelé une ligne de crédit d'un milliard de dollars, signe de son engagement au côté du Liban malgré ses inquiétudes récurrentes sur l'influence croissante de l'Iran dans ce pays. "Il s'agit du renouvellement d'une ligne de crédit qui était là dans le passé mais n'avait pas été utilisée", a déclaré Nadim Mounla, conseiller de Saad Hariri.
L'annonce saoudienne pourrait signaler une amélioration des relations entre le Liban et le royaume. Une crise avait éclaté en novembre 2017 avec la démission surprise de Saad Hariri depuis Riyad. Ce dernier avait posé comme condition la distanciation du Liban afin de revenir sur sa démission. Depuis, il s'est à nouveau rendu à Riyad début mars et avait annoncé que le royaume participerait aux conférences de soutien au Liban de Paris et de Rome.
La Banque européenne pour la reconstruction et le développement a pour sa part annoncé un prêt de 1,1 milliard d'euros sur six ans. La France avait annoncé dès l'ouverture de la conférence l'octroi de 400 millions d'euros de prêts concessionnels et de 150 millions d'euros de dons.
L'Union européenne a de son côté annoncé 150 millions d'euros de dons pour subventionner les prêts accordés par les institutions financières européennes. La ministre du Commerce néerlandaise, Sigrid Kaag, a annoncé jusqu’à 300 millions d’euros de contributions en faveur du développement du Liban, sous réserve de réformes et proposé que les Pays-Bas accueillent en 2019 une réunion de suivi multilatérale de CEDRE . Les Etats-Unis se sont, eux, engagés à faire un don de 115 millions de dollars et la Turquie à donner 200 millions USD.
L'octroi de ces fonds destinés à financer les infrastructures sera cependant assorti d'un strict mécanisme de suivi et conditionné à des réformes structurelles.
Hariri annonce des réformes
"C'est un processus qui commence pour moderniser notre économie, réhabiliter nos infrastructures et libérer le potentiel du secteur privé pour qu'il mène à une croissance durable et à la création d'emplois pour les Libanais", a réagi le Premier ministre libanais, Saad Hariri, à la fin de la conférence.
En échange de l'aide internationale, M. Hariri - accompagné de cinq ministres représentant l'ensemble du spectre politique libanais - s'est engagé à mener des réformes structurelles, à "lutter contre la corruption", à moderniser le fonctionnement des marchés publics et à favoriser une meilleure "gouvernance fiscale". "La relance du Liban doit démarrer. Les mesures prises par le gouvernement ces derniers mois sont nécessaires mais pas suffisantes. Le défi aujourd'hui est d'inverser la tendance en termes de croissance, de pauvreté et de chômage", a-t-il dit.
M. Hariri a estimé qu'à la différence des conférences qui l'ont précédée, CEDRE se concentre sur des projets d'investissements viables. Il a également indiqué que certains prêts qui ont déjà été accordés au Parlement (les années précédentes, ndlr) n'ont pas encore adoptés par l'Assemblée. "Nous allons réunir le Parlement afin que toute cette stratégie soit ratifiée", a dit le Premier ministre. Il a en outre réaffirmé que le Liban a besoin de stabilité économique et a appelé la communauté internationale à "assumer ses responsabilités envers le Liban et la région". "La seule façon de nous aider à relever les défis est d'augmenter la croissance et nous devons investir pour créer des emplois parce que nous avons environ 70% de chômage", a-t-il déclaré.
Il a conclu que CEDRE "ne s’achève pas aujourd’hui", remerciant la communauté internationale d’avoir "investi pour la stabilité du Liban". Après la conférence le Premier ministre a appelé le président libanais Michel Aoun et le président du Parlement Nabih Berry, se félicitant de la réussite de CEDRE.
"Votre présence ici témoigne de votre attachement à la stabilité du Liban, avait déclaré le Premier ministre plus tôt dans la journée dans son discours d'ouverture. Nous sommes un petit pays et nous faisons face à des défis énormes, politiques, économiques et sécuritaires". "Ces défis sont accentués par la guerre syrienne et la crise des déplacés syriens au Liban. Durant les années précédant la crise syrienne, notre économie connaissait une croissance annuelle de 8% en moyenne. Avec la guerre en Syrie et l'arrivée massive des déplacés syriens au Liban cette croissance s'est effondrée à une moyenne annuelle d'à peine 1 %. Selon la Banque mondiale, la perte en PIB subie par le Liban du fait de la crise syrienne était de 18 milliards de dollars jusqu’en 2015", a encore dit le Premier ministre.
"La pauvreté et le chômage ont augmenté de manière claire et l'exportation libanaise a diminué. L'écart de la demande et l'offre en infrastructures s'est amplifié avec la présence réfugiés. Alors les infrastructures publiques existantes se sont détériorées, a-t-il ajouté. Les Libanais ont décidé de faire face à ces difficultés. Nous avons formé un gouvernement d'entente nationale avec pour objectif de regagner la confiance des citoyens, du secteur privé et de la communauté internationale".
Le Premier ministre libanais a en outre affirmé que "les efforts entrepris pour restaurer la stabilité du pays et maintenir la sécurité" ont été "renforcés par l'engagement de toutes les composantes politique à respecter le principe de distanciation".
(Lire aussi : Réformes : La balle est dans le camp libanais)
"Le Liban n'est pas une île"
Dans son discours d'ouverture de la conférence, le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a pour sa part indiqué que "dans les relations internationales il n’y a pas d’amitié, il n’y a que des preuves d’amitié". "C’est pourquoi, nous nous sommes collectivement mobilisés en soutien du Liban et de ses institutions dans des domaines clés : la sécurité, l’humanitaire et l’économie", a-t-il ajouté.
"Dans un Moyen-Orient secoué par les crises et meurtri par les guerres civiles, le Liban reste un modèle de pluralisme, de tolérance et d’ouverture dont nous avons besoin. Mais le Liban n’est pas une île ; il subit de plein fouet les effets des tensions régionales et d’abord de la crise syrienne. Il combat le terrorisme à ses frontières et en son sein. Avec plus d’un million de réfugiés, il a pris plus que sa part du fardeau de l’exil syrien" a affirmé M. Le Drian saluant "l'exceptionnelle générosité dont font preuve les Libanais".
"Dans la tourmente, les Libanais ont su agir au cours des derniers mois dans un remarquable esprit de responsabilité. L’élection de Michel Aoun à la présidence de la République, après deux ans de vacance au palais de Baabda, puis la formation d’un gouvernement d’union nationale, et enfin l’adoption d’une nouvelle loi électorale, ont marqué autant d’étapes vers la stabilité", a affirmé le ministre français. "Cet hiver, après une phase d’incertitude, le gouvernement a su se retrouver sur une plateforme politique unitaire et réformatrice et réaffirmer le principe de dissociation des crises régionales. Dans un mois, jour pour jour, les Libanais éliront un nouveau Parlement, pour la première fois depuis de nombreuses années. Le retour au fonctionnement normal des institutions sera alors complet. C’est un alignement d’étoiles dont il faut profiter", a encore dit le chef de la diplomatie française.
Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, dans son discours d'ouverture. AFP / Eric FEFERBERG
Une stratégie "plus juste et plus efficace"
Le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire, a lui aussi prononcé un discours dans l’après-midi. "Le soutien au Liban ne doit pas être uniquement politique ou moral mais doit aussi être économique, a-t-il affirmé. Avec cette conférence, la stratégie est plus juste et plus efficace. Contrairement aux anciennes stratégies qui reposaient sur des dons, cette stratégie repose sur des investissements et des réformes". Selon M. Le Maire, les investissements dans les infrastructures vont permettre le développement de l'industrie et donc permettre la création d’emplois directs.
"Le statu quo n’est jamais la solution, a-t-il affirmé. C’est pourquoi, les réformes structurelles vont attirer plus d’investisseurs". Selon le ministre français, "le vote du budget et du code de l'eau sont des signes très concrets du sérieux du gouvernement à mettre en œuvre les réformes". Après avoir rappelé la contribution de la France, il a dit espérer que " tous les partenaires du Liban prendront leurs responsabilités”. Il a également souligné que "le mécanisme de suivi est un gage de suivi et de sérieux et aussi une incitation pour les investisseurs".
La conférence CEDRE intervient deux mois après une première réunion qui s'est tenue à Rome le 15 février et à trois semaines d'une troisième qui sera consacrée à la question de l'accueil des réfugiés syriens le 25 avril à Bruxelles.
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Si notre pays en est arrivé à devoir mendier, peu importe chez qui et où, c'est parce que tous nos responsables politiques de tous bords, absolument tous...!...ont volé l'Etat depuis des décennies de façon ouverte ou détournée. Pas un parmi eux n'est meilleur que les autres, malgré certaines déclarations pour se blanchir, surtout en cette période pré-électorale. La preuve: nous sommes un Etat en faillite, avec 70% de chômage ! Irène Saïd
11 h 42, le 07 avril 2018