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Liban - Repère

La tension Aoun-Berry : les temps forts d’un conflit remontant à plusieurs années

La réunion que le président Michel Aoun tiendra aujourd’hui au palais de Baabda avec le chef du législatif et leader du mouvement Amal, Nabih Berry, en présence du Premier ministre Saad Hariri permettra sans doute de détendre quelque peu l’atmosphère entre le Courant patriotique libre et Amal. Mais elle ne réglera pas pour autant la crise qui oppose les deux formations et qui a pris une nouvelle tournure la semaine dernière à la suite des propos peu courtois tenus par le président du CPL Gebran Bassil à l’égard de M. Berry et des réactions de partisans d’Amal qui ont bloqué des routes pendant plus de trois jours, paradant en outre, en armes, sur la place publique de Hadeth.
Si aucun règlement n’est à prévoir à court terme sur ce plan, c’est parce que la crise entre le courant aouniste et Amal est devenue endémique. Retour sur les temps forts de ce bras de fer qui dure depuis plusieurs années et dont le premier indice précurseur est la boutade lancée, lors de la période de Taëf, par M. Berry qui avait qualifié le général Aoun de Napolé-Aoun !


(Lire aussi : La réunion Aoun-Berry-Hariri : pas de retour à la troïka, mais priorité à la stabilité)


Jezzine, théâtre d’une rude bataille politique entre le CPL et Amal
Les élections législatives de 2009 à Jezzine font l’objet d’un affrontement politique violent entre Amal et le CPL. Les électeurs du caza de Jezzine vont pouvoir voter, pour la première fois depuis 1992, dans le cadre d’une circonscription électorale autonome, sans avoir à subir le poids des autres cazas du Sud, bastions forts de leurs compatriotes chiites.
En cette année 2009, le CPL est déjà lié à une alliance avec le Hezbollah, mais les pourparlers entre les chefs du 8 Mars ne parviennent pas à trouver un compromis acceptable concernant les 3 sièges de Jezzine. La proposition de Michel Aoun aux électeurs de Jezzine est alors claire : faire un choix entre M. Berry et lui.
Conséquemment, M. Berry soutient une liste formée de Samir Azar, Antoine Khoury et Camille Serhal, opposée à celle appuyée par Michel Aoun et formée de Ziad Assouad, Michel Helou et Issam Sawaya.
Ce bras de fer politique entre les deux formations cristallise au sein du 8 Mars l’équation selon laquelle « l’allié de mon allié n’est pas mon allié », ce qui se reflétera sur les rapports à venir entre Amal et le CPL.
La victoire éclatante du général Aoun a laissé un goût amer à M. Berry, pour qui les 3 sièges chrétiens constituaient depuis 1992 la chasse gardée de sa formation. Le chef d’Amal n’a jamais réellement accepté cette défaite, et compte bien prendre sa revanche lors des législatives qui auront lieu en principe cette année, puisqu’il appuie le candidat Ibrahim Azar, fils de feu Samir Azar.


(Lire aussi : Passage obligé, l'édito de Michel Touma)


La protestation des journaliers de l’EDL, nouveau front face à Bassil
Le 30 mai 2012, une crise éclate à l’EDL. Les journaliers de la compagnie appellent à la grève, réclamant, entre autres, leur inscription au cadre. Bien que l’essence de cette crise soit surtout socio-économique, la connotation politique ne peut être entièrement écartée. Une bonne partie de ces journaliers sont chiites et ont été embauchés à l’époque où Nabih Berry était l’homme fort du pays, appuyé par le régime syrien.
Au-delà de la légitimité des revendications salariales des journaliers, le CPL soupçonne Amal d’instrumentaliser la crise pour tenir en échec l’homme fort du parti aouniste, Gebran Bassil, à l’époque ministre de l’Énergie et de l’Eau. Ce dernier appellera les journaliers à « ne pas devenir les pions aux mains de responsables politiques cherchant à semer le chaos ».

L’élection de Michel Aoun à la présidence de la République
Le choc culminant de cette crise endémique a eu lieu à l’occasion de l’élection du général Michel Aoun à la présidence de la République. Pendant de longs mois, et malgré l’appui indéfectible du Hezbollah, M. Berry va constituer le point focal de l’opposition à l’accession de M. Aoun à la magistrature suprême. Les milieux politiques attribueront à l’hostilité du chef d’Amal à l’égard de cette élection les couacs qui marqueront le déroulement du vote lui-même. Lors du deuxième tour du scrutin, un bulletin supplémentaire sera déposé dans l’urne, ce qui aura pour effet d’organiser un troisième tour au cours duquel un bulletin sera déposé au nom de la chanteuse populaire libanaise Myriam Klink. De quoi discréditer quelque peu l’élection, ou tout au moins d’en atténuer l’éclat.

L’affaire des bateaux turcs
Lors de son passage au ministère de l’Énergie et de l’Eau, Gebran Bassil avait conclu avec la compagnie turque Karadeniz Holding un accord pour faire amarrer sur les côtes libanaises deux bateaux générateurs d’électricité, afin de pouvoir pallier le manque d’énergie en produisant 205 MW d’électricité. Dès le départ, ce contrat a été sujet à de violentes objections, tant au sein du Conseil des ministres qu’au Parlement. Plus d’une force politique laissait clairement entendre que ce contrat était entaché de corruption. Le projet a quand même abouti en 2013 après de longs mois de blocage. Les bateaux-générateurs sont, depuis, amarrés devant la centrale électrique de Jiyeh, sans progrès significatifs au niveau de la situation énergétique du pays. Avec l’avènement du second gouvernement Hariri, fondé cette fois sur une alliance avec le CPL, le ministre de l’Énergie et de l’Eau, membre du parti aouniste, César Abi Khalil, présente au cabinet un mégacontrat de location de bateaux générateurs pour un montant estimé par certaines sources à 850 millions de dollars annuellement sur 5 ans. Ce projet présenté par le bais d’un appel d’offres taillé à la mesure de la compagnie Karadeniz Holding fait l’objet d’un blocage au sein du Conseil des ministres. M. Berry critique ouvertement le projet, et des députés affiliés à son bloc claironnent que pour de pareilles sommes à fonds perdus (le montant global du contrat étant estimé à près de 4 milliards de dollars), le Liban peut se doter d’usines électriques ultramodernes.

Le décret sur l’ancienneté des officiers de la promotion 94
La confrontation autour du décret sur l’ancienneté des officiers de la promotion 94 rouvre une plaie mal cicatrisée. À travers la promotion des cadets de 1994, le président Aoun entend remonter le temps pour redresser les torts politiques subis par ses partisans après son éviction du pouvoir. Le chef de l’État et le Premier ministre Hariri ont signé le décret sur l’ancienneté des officiers entrés à l’École militaire dans les années 88-90, lorsque M. Aoun était chef d’un gouvernement militaire de transition. Le mouvement Amal affirme que cette signature est anticonstitutionnelle, soulignant en outre que le décret doit aussi être soumis au contreseing du ministre des Finances chiite Ali Hassan Khalil, ce que refuse le président Aoun.


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commentaires (6)

Magnifique article qui illustre parfaitement la situation!

Myriam Jerdak

17 h 56, le 06 février 2018

Tous les commentaires

Commentaires (6)

  • Magnifique article qui illustre parfaitement la situation!

    Myriam Jerdak

    17 h 56, le 06 février 2018

  • Napolé-Aoun, Napoléon Bonaparte ou Charles de Gaulle, tout lui va. En 2005, arrivé à l'aéroport de Beyrouth, Michel Aoun avait dit : Le général de Gaulle était venu de Londres pour libérer la France, moi je viens de France pour libérer le Liban.. Je vous dispense de la suite afin de na pas aller en prison.

    Un Libanais

    14 h 37, le 06 février 2018

  • La meilleure solution serait de donner à Berry et Bassil une paire de gants de boxe et les envoyer sur un ring. Toutefois, en ce qui concerne l'affaire des bateaux turcs, qui sent la magouille à plein nez, il est difficile de donner tort à Berry.

    Yves Prevost

    14 h 06, le 06 février 2018

  • seule conclusion a garder en esprit : le Liban est encore TRES LOIN d'avoir depasse ses malheurs originels - ses peches originels je dirais. et ce ne sont pas les politques courants qui risquent pouvoir , vouloir y changer quoique ce soit. En tous cas pas avant d'avoir -chacun-reussi ou despere de reussir son propre agenda. C la ou NOTRE REVE s'arrete: a leur bonne volonte .

    Gaby SIOUFI

    11 h 47, le 06 février 2018

  • NETTOYAGE... OU PLUTOT MAINTIEN DU LINGE SALE A COUPS DE COMPROMIS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 34, le 06 février 2018

  • meme avec couac ou non .. il n'etait pas vraiment contre il avait deja accepter a contre cœur peut etre mais avait accepter

    Bery tus

    04 h 08, le 06 février 2018

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