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Société - Témoignages

« Ils veulent nous expulser tous, avec ou sans papiers » : au Liban, des Syriens s'inquiètent

Réagissant aux récentes mesures de la Sûreté générale, le président du Centre libanais des droits humains dénonce « une surenchère extrémiste très dangereuse ».

« Ils veulent nous expulser tous, avec ou sans papiers » : au Liban, des Syriens s'inquiètent

Des camions transportant des bagages de réfugiés syriens retournant en Syrie, le 5 novembre 2022. Photo fournie par notre correspondante dans la Békaa Sarah Abdallah

« Je ne suis pas clandestin », ne cesse de répéter Amir* au bout du fil, comme pour se convaincre que tout ira bien. Mais ce ressortissant syrien qui travaille au Liban depuis près de 20 ans et qui a un permis de séjour craint d’être « expulsé » du pays.

Mercredi, la Sûreté générale a annoncé une série de mesures restrictives dans le but de « contenir et réglementer le dossier des Syriens présents au Liban ». Parmi elles, le durcissement des conditions de l’obtention ou du renouvellement des permis de séjour. La SG a ainsi indiqué qu’elle ne fournirait plus de titres de séjour sur présentation d’un contrat de location ou d’un garant, et a annoncé « un changement des conditions de renouvellement des titres de séjour par le biais d’une garantie financière ». Cette annonce intervient alors que les migrants et réfugiés syriens font face à la résurgence d’une campagne politique et d’une grogne populaire appelant à leur départ – malgré les réserves des ONG et organisations internationales –, à laquelle se sont greffés de multiples actes de violence à leur encontre depuis le meurtre, début avril, de Pascal Sleiman, un responsable des Forces libanaises à Jbeil, pour lequel des suspects syriens ont été arrêtés.

Des actes de violence qui ont forcé Amir, concierge dans un bâtiment de Beyrouth, à se séparer de sa femme et de son fils en bas âge par crainte qu’ils ne se fassent « agresser dans la rue ». « Ils sont maintenant en Syrie », dit ce père de famille qui ne peut rentrer dans son pays car « recherché » par le régime du président Bachar el-Assad.

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Depuis l’annonce de mercredi, la situation d’Amir, qui a un garant dit « personnel », risque de se compliquer. « Maintenant, ça ne fonctionne plus », affirme une source au sein de la Sûreté générale sous couvert d’anonymat. « Avant, il était possible d’obtenir un permis de séjour si le ressortissant syrien avait un justificatif de domicile ou un garant personnel. Les deux modalités ont été annulées. Tout Syrien qui a obtenu son permis de séjour selon ces modalités et qui sort du territoire libanais perd ce titre de séjour lors de son départ à la frontière libanaise et ne peut plus y revenir. Dorénavant, pour pouvoir obtenir ou renouveler leur permis de séjour, les Syriens doivent avoir un permis de travail du ministère du Travail ou être propriétaires d’un logement. « Seules ces deux conditions peuvent désormais justifier l’obtention d’un titre de séjour », explique la source sécuritaire. Elle n’était pas en mesure de nous communiquer le nombre de Syriens concernés par ces changements.

Expulsion
« Je suis concierge, je ne peux avoir recours qu’à un garant personnel », déplore Amir qui a toujours « renouvelé (ses) papiers en temps et en heure ». Quand il a entamé il y a trois mois la procédure qui lui coûte 13 millions de livres libanaises (environ 145$ au taux du marché actuellement) alors que son salaire mensuel est de 150 dollars, il s’attendait à obtenir son nouveau titre de séjour « comme toujours deux semaines plus tard ». Mais pour l’instant, toujours rien. « Je ne suis pas le seul dans cette situation. J’ai peur qu’on m’expulse du Liban », dit-il. Et de déplorer : « Ils veulent tous nous expulser, avec ou sans papiers. Ils mettent tout le monde dans le même sac. »

Malek*, 21 ans, est « sous le choc ». Le jeune homme, dont le séjour au Liban remonte à avant le début de la guerre en Syrie en 2011, pensait pouvoir renouveler son permis de séjour, mais il n’en est plus si sûr. « Je suis perdu, je ne comprends rien… » dit-il. Depuis 2018, il ne parvenait pas à effectuer cette démarche, faute de « garant ». Cette année, avec l’ONG pour laquelle il travaille, il pensait enfin avoir résolu l’affaire. « Je ne sais pas si je remplis toujours les conditions. Je crois que le garant a pris peur, il m’a appelé et m’a dit qu’on devait parler ce soir de ces nouvelles règles… » s’inquiète-t-il.

« Surenchère »
Pour certains Syriens qui ne bénéficient toutefois pas d’un permis de travail, il n’y aurait malgré ces mesures rien à craindre. C’est le cas d’Ahmad* qui travaille dans la Békaa et qui s’est rendu à la Sûreté générale le jour même de l’annonce des nouvelles mesures pour renouveler ses papiers. « Ils ne m’ont rien demandé d’autre. Je ne pense pas qu’ils vont refuser ma demande », dit celui qui travaille au Liban depuis 22 ans.

Du côté des associations, on estime que les nouvelles mesures restrictives n’augurent rien de bon. « Nous faisons face à une surenchère extrémiste très dangereuse. Mais de toute façon, l’État libanais n’a pas les moyens d’appliquer ces nouvelles lois », estime Wadih el-Asmar, président du Centre libanais des droits humains. « Les Syriens qui vont perdre leur titre de séjour ne vont pas quitter le pays. Ils resteront ici de manière illégale. Ils vont accepter du travail beaucoup plus précaire, moins bien payé », prévient-il. Selon lui, l’État libanais est en train de « tout mélanger alors qu’il devrait réguler la présence des Syriens au Liban ». « Ils poussent davantage de Syriens dans l’illégalité. Ces mesures affectent des personnes qui vont se retrouver d’autant plus dans des situations de détresse et d’exploitation. »


*Les prénoms ont été modifiés pour préserver la sécurité des personnes interrogées.

« Je ne suis pas clandestin », ne cesse de répéter Amir* au bout du fil, comme pour se convaincre que tout ira bien. Mais ce ressortissant syrien qui travaille au Liban depuis près de 20 ans et qui a un permis de séjour craint d’être « expulsé » du pays. Mercredi, la Sûreté générale a annoncé une série de mesures restrictives dans le but de « contenir et réglementer le dossier...
commentaires (5)

Dehors

Pierre Hadad

16 h 26, le 10 mai 2024

Tous les commentaires

Commentaires (5)

  • Dehors

    Pierre Hadad

    16 h 26, le 10 mai 2024

  • Il est temps de les taxer sur les aides qu’ils reçoivent. Faites le calcul!!

    Wow

    15 h 37, le 10 mai 2024

  • Il était temps

    MOBIUS

    12 h 09, le 10 mai 2024

  • Ils n’ont qu’à rentrer chez eux eux, dans leur pays, la Syrie qu’ils chérissent tant!

    Lecteur excédé par la censure

    08 h 28, le 10 mai 2024

  • Oui et on en. est fiers!

    Robert Moumdjian

    00 h 28, le 10 mai 2024

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