La Turquie met sur pied des plans pour porter secours aux civils qui pourraient affluer à sa frontière dans le nord de la Syrie pour fuir son offensive en cours dans l'enclave kurde d'Afrine.
L'armée turque a lancé le 20 janvier une offensive contre la milice kurde des Unités de protection du peuple (YPG), à Afrine, dans le nord-ouest de la Syrie, assurant prendre les précautions nécessaires pour éviter les pertes civiles.
Mais les organisations humanitaires turques sondent le terrain pour installer des camps de déplacés près des villes syriennes d'Aazaz et Idleb, afin d'y accueillir des civils fuyant les zones de combat. "Nous sommes prêts à fournir des abris pour jusqu'à 50.000 civils à la fois à Aazaz et à Idleb", affirme à l'AFP Kerem Kinik, dirigeant du Croissant rouge turc.
La ville d'Aazaz a été reprise au groupe Etat islamique (EI) par l'armée turque et des supplétifs rebelles syriens lors de l'opération Bouclier de l'Euphrate menée par la Turquie entre août 2016 et mars 2017. Et Idleb est l'une des zones de désescalade établies par un accord conclu entre la Turquie, soutien de l'opposition et la Russie et l'Iran, soutiens du régime de Damas.
La Turquie accueille sur son sol plus de trois millions de réfugiés ayant fui le conflit qui fait rage depuis près de 7 ans en Syrie, mais elle s'efforce désormais de diriger les déplacés vers des camps du côté syrien de la frontière.
Le chef de l'Agence turque de gestion des situations d'urgence (Afad), Mehmet Güllüoglu, explique que la Turquie se prépare au "scénario du pire". "Il est difficile de prédire précisément combien de civils viendront parce qu'il y a une opération en cours", a-t-il déclaré, s'exprimant au poste frontalier d'Öncüpinar, près d'Aazaz, où son organisation a effectué la semaine dernière des travaux de terrain pour des camps potentiels.
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"Aucune voie de sortie"
Une campagne militaire soutenue fait craindre une "tragédie humanitaire" pour les civils vivant dans la région d'Afrine, qui a subi au cours de la semaine passée de lourds bombardements. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), 67 civils ont été tués par les bombardements turcs, ce que dément fermement Ankara. Environ 5.000 des 324.000 personnes vivant à Afrine ont déjà été déplacées par l'offensive, selon l'ONU.
L'ONU a ainsi averti la semaine dernière que les combats ainsi qu'une décision des autorités kurdes de fermer les points de passage entre Afrine et les zones tenues par le régime syrien dans la province d'Alep limitaient la liberté de mouvement des civils. "Il n'y a aucune voie de sortie d'Afrine pour le moment", ajoute M. Kinik, expliquant que le Croissant rouge turc s'efforçait d'apporter de l'aide humanitaire.
L'opération turque a contraint à l'arrêt de la livraison d'aide humanitaire de l'ONU à la Syrie, explique à l'AFP une responsable de l'ONU, qui assure que ces livraisons reprendront "dès que la situation sécuritaire le permettra". L'essentiel de l'aide destinée à Idleb passe en effet par les postes-frontières turcs.
Au moment où la Turquie se prépare à un afflux potentiel de déplacés, les analystes estiment que tant que les combats continuent, les civils préféreront fuir ailleurs pour se mettre en sécurité. "Je pense que ce sont surtout les parties non-Kurdes de la population qui vont fuir", explique à l'AFP Heiko Wimmen, directeur de projets pour l'Irak, la Syrie et le Liban à l'International Crisis Group. Pour le chercheur, de nombreux Kurdes ne se sentiraient pas en sécurité dans des zones contrôlées par la Turquie et ses alliés. "Ils ne croiront pas que la Turquie fera une différence entre les YPG et la population locale", craint-il.
Les YPG sont étroitement liées au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), un groupe classé "terroriste" par Ankara et ses alliés occidentaux qui mène une sanglante guérilla sur le sol turc depuis 1984. Mais cette milice est une alliée cruciale des Etats-Unis dont elle est un efficace fer de lance de la lutte contre les jihadistes du groupe Etat islamique en Syrie.
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