La date du mercredi 16 août 2017 est à marquer d'une pierre blanche : dans la foulée de projets de lois adoptés par le Parlement figurait la loi sur la protection des animaux. Au Liban, c'est une première. En effet, la protection animale, le bien-être des animaux et les critères du traitement qui leur sont réservés– dans les pet-shops et même dans les abattoirs – n'existaient pratiquement pas dans les textes législatifs, d'où le combat effréné mené par des associations comme « Animals Lebanon ».
Sitôt cette nouvelle annoncée, les réactions traditionnelles et – très – prévisibles ne se sont pas fait attendre : cette loi était-elle une priorité ? Pourquoi défendre les animaux au lieu des êtres humains ? Protégez les femmes et les enfants au lieu de vous soucier des animaux !...
La seule pensée qui me vient à l'esprit quand j'entends de tels propos est celle-ci : croyez-vous sincèrement que les destins des animaux et des hommes sont distincts ? Pensez-vous sérieusement que nous avons le luxe d'être indifférents au sort de ces créatures avec lesquelles nous partageons la même planète, cette planète que nos activités mettent aujourd'hui en péril ? Et puis, qu'est-ce qui empêche de mener tous ces combats en parallèle, et qui décide des priorités ?
Contrairement à ce que l'on peut croire, les raisons pour lesquelles la lutte pour la protection animale va de pair avec la compassion pour les causes humanitaires sont multiples. En voici quelques-unes.
Primo, la santé du monde animal est un des grands indicateurs de la santé de la planète. Que vaudrait un monde dans lequel nous aurions poussé la majeure partie des espèces aux limites de l'extinction ? Dernièrement, la théorie selon laquelle nous serions en train de vivre la sixième extinction de masse des espèces sur terre secoue l'opinion publique et fait l'objet de multiples articles de presse. Et la panique est justifiée...
Deuxièmement, l'espèce humaine étant devenue le prédateur numéro un, bien au haut de la chaîne alimentaire, elle doit bien au reste des espèces cet effort de préservation qui, paradoxalement, est aussi bien un instinct de survie.
Ensuite, réglementer le trafic, légal et illégal, d'animaux de compagnie ou sauvages est l'un des impératifs majeurs de la sûreté alimentaire (s'il s'agit de bétail) ou de la sécurité tout court. Ainsi, l'infamie de la contrebande de faune sauvage a fait atterrir au Liban, ces dernières années, des individus d'espèces menacées et magnifiques, éloignés de leur contexte et réduits à la captivité : des lions et des tigres qui n'ont plus que la peau sur les os, des crocodiles qui finissent par s'échapper, des chimpanzés enfermés dans des cages... Il devient clair que le Liban est non seulement une destination, mais une plaque tournante pour ce trafic mondial lucratif. Laisser le chaos régner n'est en aucun cas une option.
Enfin, force est de constater que les personnes compatissantes avec la cause animale et l'environnement sont plus susceptibles d'être sensibles aux causes humanitaires : aspirer à défendre la nature, n'est-ce pas croire profondément au bien-être des humains ? Plaider la cause de la protection animale ne revient pas à oublier les populations affamées, les enfants victimes d'abus... À y regarder de plus près, la mentalité violente et cupide qui engendre tellement d'injustices et de dégâts pour tant d'humains est la même qui réduit les espèces animales à un état proche de l'extinction. Ce n'est pas plaider la cause des uns ou des autres, puisque cette cause est une, et qu'elle concerne le plus grand nombre.
Beaucoup peuvent arguer du fait qu'une loi ne changerait pas grand-chose à la réalité, puisque aucune loi n'est vraiment appliquée au Liban. Les législateurs l'ont-ils fait passer avec cette fluidité inhabituelle parce qu'ils sont, au fond, persuadés de sa trivialité ? D'ailleurs, ironie du calendrier, cette loi vient d'être adoptée, à la veille de l'ouverture de la chasse pour la première fois depuis vingt ans, une étape qui, bien que nécessaire pour la réglementation de cette activité, demeure une inconnue inquiétante pour de multiples observateurs.
Il n'en demeure pas moins que ce texte constitue désormais une arme dont étaient privés tous ceux qui dénonçaient des abus contre des animaux par le passé, dans un pays où la notion même de souffrance n'est envisageable que pour la race humaine – et encore... Au lieu de minimiser cette victoire, considérons-la comme un jalon dans la lutte pour l'obtention de tous nos droits citoyens à un environnement sain, qui ne sont pas des moindres.
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La protection des bipèdes est bien plus importante que celle des quadrupèdes au Liban. L'agression sauvage contre le journaliste Farès Gemayel à Jdaïdé perpétrée par des bipèdes sauvages de la jungle libanaise est un sujet à traiter par le Parlement au plus vite. Trop, c'est trop.
Un Libanais
11 h 54, le 22 août 2017