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Liban - Pause verte

Rendons à la forêt ce qui est à la forêt...

« Les forêts précèdent les peuples, les déserts les suivent. »
François René de Chateaubriand

Cela fait bien trop longtemps que les forêts au Liban sont posées en victimes, dans les médias comme dans les esprits. Comment ne le seraient-elles pas alors que l'abattage massif d'arbres et les incendies volontaires sont devenus depuis si longtemps d'une effrayante banalité, au détriment des lois, profitant de l'impunité assurée tantôt en raison du manque de ressources officielles pour tout surveiller, tantôt à cause de certaines complicités ?
Ce sacrifice constant du milieu forestier en faveur de l'urbanisation galopante ou de la fabrication de charbon – pour ne citer que ces deux exemples – fait écho à une idée absurde ancrée dans les mentalités, selon laquelle la forêt n'appartient à personne, qu'elle est ouverte à tous et que sa surexploitation, voire sa disparition, se justifie tant qu'elle ouvre la voie à des activités jugées plus lucratives pour les hommes. Est-ce la seule logique qui vaille ? Rien n'est moins sûr.
Un exemple puisé dans l'actualité récente permet de tout remettre en question. Récemment, les fléaux qui frappent un des arbres chers au public, le pin, se sont multipliés. Deux insectes dont la présence est constatée nouvellement (depuis deux ou trois ans) dans les pinèdes donnent lieu à des diagnostics plutôt inquiétants : l'un d'entre eux sévit dans certains bois comme ceux de Jezzine et vident les cônes de pins de leur substance, et l'autre, comme au Bois des pins, provoque purement et simplement le dessèchement de l'arbre quand celui-ci est vulnérable et attaqué par un nombre trop important de nuisibles (voir L'OLJ du 18 mars et du 1er mai pour plus de détails). Tant et si bien que des traitements agressifs et ciblés en pleine forêt sont désormais indispensables.
Or dans ce flot de mauvaises nouvelles, les paroles prononcées par Habib Farès, président du conseil municipal de Bkassine (caza de Jezzine), à L'OLJ éclairent la question des forêts d'un nouveau jour – ou plutôt ravivent une idée ancienne oubliée : « Le bois (pinède de Bkassine) nous rapportait annuellement autour de 400 à 500 millions de livres libanaises de pignons (...). Cette année, la récolte n'a pas dépassé les 60 millions. » Ce constat met en exergue, par ricochet, que la forêt est bel et bien un milieu à valeur économique comme écologique. Fallait-il un désastre pour s'en souvenir ? Le même Habib Farès cite le cas d'un jeune homme qui, privé de sa récolte de pignons, cherche désespérément un emploi en ville. La forêt, c'est aussi un rempart contre l'exode rural.
Si l'on ajoute à cela les bénéfices des arbres qui ne sont plus à démontrer, en matière de lutte contre la pollution et préservation de la santé publique, peut-on continuer à justifier la destruction systématique de ce milieu au nom de l'économie ? La facture croissante de santé ne compte-t-elle donc pas ? La dégradation environnementale ne ruine pas seulement notre santé, ne nous prive pas seulement d'espaces publics de grand air dont nous avons besoin, ne détruit pas seulement une biodiversité irrécupérable... Elle coûte également de l'argent et elle nous dépouille de ressources économiques durables et renouvelables.
La triste vérité, c'est que nous vivons dans un monde où nous détruisons nos ressources naturelles au nom d'une hypothétique qualité de vie, alors que nous n'avons jamais pris autant de médicaments ni n'avons été tant confrontés aux maladies. La vérité, c'est que nous aplatissons nos montagnes par les carrières pour remblayer notre littoral et que nous nous retrouverons bientôt sans l'une ni l'autre. La vérité, c'est qu'en laissant mourir nos forêts, nous perdons une partie de notre âme.
Il est temps de clamer haut et fort que le milieu forestier est une nécessité économique et écologique, et sa protection une urgence. Ses bénéfices multiples sont de notre droit à tous, alors que sa destruction ne profite généralement qu'à une poignée de tricheurs. Rendons à la forêt ce qui est à la forêt...

« Les forêts précèdent les peuples, les déserts les suivent. »François René de Chateaubriand
Cela fait bien trop longtemps que les forêts au Liban sont posées en victimes, dans les médias comme dans les esprits. Comment ne le seraient-elles pas alors que l'abattage massif d'arbres et les incendies volontaires sont devenus depuis si longtemps d'une effrayante banalité, au détriment...

commentaires (2)

Sur la façade maritime nord-ouest de Sarba (Kesrouan), existait une importante pinède appelée jadis "Snoubar el-Tehtani" et une autre sur la frontière-sud beaucoup plus petite appelée "Snoubar el-Fouqani". Cette dernière a complètement disparue sous le béton. "Snoubar el-Tehtani" appelé aussi "Snoubar el-Kaslik" était aussi dense que les pinèdes de Jezzine. Il n'en reste que quelques rares spécimens entre les villas, les routes et les détritus pour rappeler aux Libanais qu'auparavant il y avait là une importante pinède de pins parasols. Qui s'est occupé de ces deux pinèdes du littoral ? Personne.

Un Libanais

19 h 17, le 12 mai 2017

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Commentaires (2)

  • Sur la façade maritime nord-ouest de Sarba (Kesrouan), existait une importante pinède appelée jadis "Snoubar el-Tehtani" et une autre sur la frontière-sud beaucoup plus petite appelée "Snoubar el-Fouqani". Cette dernière a complètement disparue sous le béton. "Snoubar el-Tehtani" appelé aussi "Snoubar el-Kaslik" était aussi dense que les pinèdes de Jezzine. Il n'en reste que quelques rares spécimens entre les villas, les routes et les détritus pour rappeler aux Libanais qu'auparavant il y avait là une importante pinède de pins parasols. Qui s'est occupé de ces deux pinèdes du littoral ? Personne.

    Un Libanais

    19 h 17, le 12 mai 2017

  • Il manque certainement au Liban un plan de gestion des forêts. Cependant il existe tout de même des lois, mais qui songe à les respecter? Et à les faire respecter?

    Yves Prevost

    07 h 35, le 12 mai 2017

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