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Liban - Pause verte

La politique de l’autruche dans la tragédie des carrières sauvages

L'urgence des problèmes écologiques est-elle mesurable à l'écho qu'ils reçoivent dans les médias et dans les déclarations politiques ? En l'absence de stratégie consistante et pertinente appliquée dans la continuité par les autorités concernées, la porte est laissée grande ouverte aux réclamations des uns et des autres, aux déclarations tonitruantes, aux jeux d'influence. En cela, le baromètre dépend de la voix qui porte, bien plus que de la justesse de la cause...

La semaine dernière a été marquée par la résurgence, dans les médias, du dossier des carrières sauvages et illégales, fonctionnant sans permis ou sans permis adapté, enfreignant par là toutes les règles de l'exploitation de ce genre de site, qu'elles soient relatives à la protection environnementale ou aux formalités administratives (comme le paiement des taxes, par exemple, d'où une perte sèche pour l'État).

Ce dossier, qui a toujours constitué une tragédie à la mesure des plaies ouvertes dans nos montagnes, avait quelque peu été occulté ces deux dernières années par des scandales à rebondissements, tels que le problème des déchets par exemple. Mais les carrières sauvages sévissent toujours, et c'est un tweet du leader druze Walid Joumblatt qui a réveillé mardi le monstre en dénonçant l'anarchie des carrières dans la région de Kfarmatta (Aley). Une intervention décisive puisque le ministre de l'Intérieur Nouhad Machnouk a effectivement ordonné leur fermeture le lendemain, comme s'il avait ignoré leur présence précédemment (Joumblatt évoque sa « complicité » dans son tweet).

Un autre tweet, publié mercredi par le secrétaire général du 14 Mars Farès Souhaid, donne une dimension supplémentaire à l'affaire : « Il semble que c'est la politique des deux poids, deux mesures qui règne. Pourquoi l'Intérieur a-t-il fermé les carrières de Kfarmatta et garde-t-il celles de Bolhos, ou d'autres, ouvertes ? Soit organisez tout le secteur, soit fermez toutes les carrières. »

Ce tweet met le doigt sur la véritable plaie : les carrières sauvages font le même mal partout où elles sont exploitées, mais le fléau réside dans l'anarchie et dans la non-application des lois. Quand les responsables ne répondent qu'aux coups de colère de leaders politiques, ne sont-ils pas en train de justifier la faiblesse de leur autorité centrale par leur tendance à ne céder qu'aux voix influentes ? Et si on pousse cette logique jusqu'au bout, doit-on craindre que même Kfarmatta, qui bénéficie aujourd'hui de la fermeté saisonnière du ministère de l'Intérieur, n'est pas à l'abri d'un regain d'activité dans ses carrières une fois l'affaire oubliée, sachant que les autres régions se font massacrer en silence ?

Les catastrophes écologiques qui se perpétuent depuis des décennies, dont les carrières illégales et anarchiques ne sont pas des moindres, sont le fruit d'un même manque, celui de stratégies fondées sur des bases scientifiques pour la protection de l'environnement et de lois appliquées dans l'objectif du bien public. Au lieu de cela, le terrain est ouvert à l'exploitation politique, avec des figures publiques qui tantôt dénoncent et tantôt interviennent en faveur d'abus, selon les intérêts du moment.

La douteuse politique de l'autruche que pratiquent les responsables dans le cas des carrières illégales cache mal le scandale de l'exploitation de ressources à outrance, sans comptes à rendre. Pour briser le cercle vicieux durablement, on ne peut se suffire de dénoncer les abus au cas par cas, mais s'attaquer au cœur du problème, c'est-à-dire l'application d'un plan directeur des carrières digne de ce nom par un gouvernement qui retrouverait, pour la circonstance, son rôle d'arbitre à la main de fer. Il est permis de rêver...

 

 

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commentaires (2)

Le problème, au Liban n'est pas dans les lois, même si elles sont susceptibles d'amélioration, mais dans le fait que personne ne songe à les faire appliquer. Dans tous les pays du monde, un adage a cours selon lequel le criminel ne doit pas pouvoir profiter de son crime - sauf au Liban! Un promoteur qui construit un immeuble de 5 étages là où seuls 3 sont autorisés devra (peut-être) payer une amende, mais les deux étages supplémentaires demeureront et lui rapporteront bien plus que l'éventuelle amende. Dans la Qadicha, chaque année, des tronçons de routes sont tracés et la route existante élargie. La DGA fait stopper les travaux, mais ni les vandales ne sont poursuivis, ni le terrain remis en l'état. Ainsi, l'année suivante, le saccage pourra reprendre jusqu'à un nouveau "Stop"! Et ainsi de suite. Quel avenir pour un pays où le viol de la loi est récompensé?

Yves Prevost

07 h 33, le 21 avril 2017

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Commentaires (2)

  • Le problème, au Liban n'est pas dans les lois, même si elles sont susceptibles d'amélioration, mais dans le fait que personne ne songe à les faire appliquer. Dans tous les pays du monde, un adage a cours selon lequel le criminel ne doit pas pouvoir profiter de son crime - sauf au Liban! Un promoteur qui construit un immeuble de 5 étages là où seuls 3 sont autorisés devra (peut-être) payer une amende, mais les deux étages supplémentaires demeureront et lui rapporteront bien plus que l'éventuelle amende. Dans la Qadicha, chaque année, des tronçons de routes sont tracés et la route existante élargie. La DGA fait stopper les travaux, mais ni les vandales ne sont poursuivis, ni le terrain remis en l'état. Ainsi, l'année suivante, le saccage pourra reprendre jusqu'à un nouveau "Stop"! Et ainsi de suite. Quel avenir pour un pays où le viol de la loi est récompensé?

    Yves Prevost

    07 h 33, le 21 avril 2017

  • LES PUITS AU FRIC... OU DU PARTAGE ET DU 3ABI IL JAYBE !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    07 h 17, le 21 avril 2017

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