Sur la plage de Ramlet el-Baïda, il y a du sable à perte de vue, une mer en apparence complice, des familles entières, des douches, des balançoires et des buvettes.
Sur la plage de Ramlet el-Baïda, il y a aussi des tuyaux d'égoût et un complexe hôtelier qui a enfreint allègrement la loi.
Et sur la plage de Ramlet el-Baïda, il y a Iffat Edriss. Gardienne des lieux et activiste, elle ne ménage pas ses efforts pour garder à cette étendue publique un peu de dignité.
Le littoral et les fonds marins, cette infatigable combattante en a fait son cheval de bataille. C'est en 1997 que les deux ONG dont elle s'occupe, Operation Big Blue et Cedars for Care, sont instituées avec un but commun, faire bouger les choses et aider l'humain et la nature. À cette époque, tout est à reconstruire au Liban et l'espoir de changer les mentalités est encore très présent. La pollution avait détruit la faune et la flore marines et les plages étaient totalement abandonnées aux déchets de toutes sortes. Avec l'aide de nombreux volontaires, Iffat Edriss et ses équipes retroussent leurs manches et s'attellent à nettoyer les écuries d'Augias.
Ramasser les détritus au sol comme dans la mer, protéger les tortues marines, réhabiliter les plages publiques, rassembler des données, contacter les ONG de la région, alerter les hautes instances, le combat est dur, long, fastidieux. Les autorités coopèrent ou bloquent, les lois suivent ou s'opposent. Mais rien ne décourage Iffat Edriss. Rien ne l'arrête surtout. Et vingt ans après les premiers pas, le bilan est plus que positif. Les opérations de nettoyage des plages sont devenues un rendez-vous annuel durant la deuxième semaine de mai ; les tortues Caouanne, les phoques moines et les dauphins sont de plus en plus nombreux dans notre mer et la seule plage publique de Beyrouth étend, sur plus de 1,8 km, du sable propre et débarrassé de tous les microplastiques qui sont recyclés, mélangés avec du béton pour en faire des emblèmes en forme de tortues.
Et même si les défis qui restent sont de taille, l'enthousiasme de Iffat Edriss a permis de créer un écosystème qui survit malgré tout. Et on a parfois du mal à croire que les tortues continuent à venir pondre chaque année à Ramlet el-Baïda, qu'une infirmerie a été créée pour les soigner et qu'une nouvelle phoque baptisée Sophie vient d'être localisée dans une des grottes de Raouché. Enceinte, elle est sous la protection des pêcheurs qui tiennent à s'assurer qu'elle a de quoi se nourrir et nourrir sa prochaine petite famille. L'espoir est donc là et même si la population qui fréquente cette plage a nettement augmenté du fait des réfugiés, même si le travail de nettoyage devient de plus en plus difficile, des emplois continuent d'être créés et les recherches vont bon train pour faire de cet espace public une biosphère inédite qui le protégera des vues douteuses de certains promoteurs. Et au-delà de Ramlet el-Baïda, ce sont plus de seize plages publiques qui sont dans le viseur de Operation Big Blue qui travaille avec acharnement à les nettoyer et rendre au peuple ce qui appartient au peuple.
*Positive Lebanon est un concept basé sur les initiatives concrètes de la société civile libanaise. Ces initiatives qui font que le pays tient encore debout. Mais derrière chaque initiative se tient une Libanaise ou un Libanais courageux, innovant, optimiste et plein d'amour pour son pays. (voir ici)
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