Le ministre de l'Environnement, Tarek el-Khatib, a porté plainte, en sa qualité de ministre, contre l'entrepreneur du projet « Eden Bay Resort » sur la plage de Ramlet el-Baïda à Beyrouth, Mohammad Wissam Achour, et contre son entreprise Achour Development, a révélé récemment l'association écologique Nahnoo. Cette plainte a été déposée le 2 mars dernier, même si elle n'est dévoilée qu'aujourd'hui.
Le motif de cette plainte est le lancement de la construction du projet en septembre 2016 sur base d'une étude d'impact environnemental datant de décembre 2013, sachant que le délai d'expiration de ce genre d'études est de deux ans au maximum selon le décret 8633 qui les régit. Qui plus est, le projet initial qui a fait l'objet de la première étude de 2013 est très différent du projet qui a finalement obtenu un permis de construire en septembre 2016 et qui a été modifié entre-temps, rappelle le communiqué de Nahnoo. L'association dit avoir mis en avant cette double irrégularité dans une lettre adressée au ministère de l'Environnement en janvier.
Contacté par L'Orient-Le Jour, M. Khatib confirme que cette plainte a effectivement été déposée auprès de l'avocat général spécialisé en affaires d'environnement de Beyrouth, le juge Kamal Aboujaoudé, en raison du fait que l'étude d'impact environnemental est inadaptée. « Pour être précis, l'entrepreneur avait présenté une étude en 2013, lorsque son projet était bien plus développé, dit-il. Aujourd'hui, le projet qu'il exécute est bien moins élaboré (NDLR : un bâtiment au lieu de plusieurs, selon le texte de la plainte), et il n'a pas présenté une nouvelle étude. »
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Tout en se félicitant de cette mesure, Mohammad Ayoub, président de Nahnoo, pense qu'elle reste incomplète. « Le ministre a la prérogative de demander l'arrêt immédiat des travaux tant que l'étude d'impact environnemental n'a pas été présentée, dit-il à L'OLJ. Nous espérons que le ministre entreprendra cette démarche, d'autant plus que la construction n'est pas terminée. Pourquoi a-t-il opté pour la route la plus longue en s'adressant d'abord à la justice ? » Interrogé sur ce point, M. Khatib indique « avoir demandé l'arrêt des travaux », mais « n'être pas une autorité exécutive pour les exiger ». « L'affaire est aux mains de la justice, dit-il. Le permis de construire est actuellement en vigueur, ne l'oublions pas. »
D'autres ne sont pas de cet avis. Selon le militant Raja Noujaim, qui suit de près cette affaire, « le ministre, quand il constate une telle irrégularité, a non seulement l'autorité mais l'obligation d'aviser l'entrepreneur, par l'intermédiaire du mohafez, de la nécessité d'entreprendre une étude d'impact environnemental, exigeant par là même un arrêt des travaux conformément à la loi 444 et au décret 8633 ». Et d'ajouter : « Ce n'est que dans le cas où ses directives ne sont pas respectées qu'il doit se tourner vers la justice, et non seulement devant l'avocat général chargé de l'environnement. De plus, pourquoi avoir mis en cause l'entrepreneur et pas le propriétaire du terrain, puisqu'il s'agit d'une étude à accomplir concernant le projet ? »
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De lourdes peines selon la loi
À noter que dans le texte de la plainte, il est précisé que selon la loi, l'exécution d'un projet, sans étude d'impact environnemental ou avec une étude qui ne correspond pas au projet, est passible d'une peine d'emprisonnement allant d'un mois à un an, avec une amende de 15 à 200 millions de livres libanaises. Il est précisé également que le ministère a envoyé une équipe de supervision sur le terrain, laquelle a constaté les changements par rapport au projet initial, ainsi que « la présence d'un égout à ciel ouvert, venant du projet et se déversant dans la mer », ce qui représente « une agression contre l'environnement marin ».
Il s'agit là d'un énième rebondissement dans l'affaire de Ramlet el-Baïda et du très controversé projet Eden Bay Resort, dont le bâtiment de plusieurs étages est désormais visible à même la plage, à l'extrême sud de celle-ci. Le début de la construction avait soulevé un tollé au sein de la société civile dès septembre dernier : l'association Green Line, en collaboration avec l'Agenda légal, avait présenté un recours auprès du Conseil d'État contre le projet pour impact sur l'environnement et empiètements sur le domaine public. Le Conseil d'État n'a pas encore rendu son jugement, mais il a à deux reprises demandé l'arrêt des travaux, avant de se raviser et de les laisser se poursuivre.
Un comité pour l'examen de la question
Par ailleurs, il faut signaler qu'à la demande du président de la République Michel Aoun, un comité pour l'examen de l'affaire du projet de Ramlet el-Baïda a été créé. Il est formé du ministre de l'Environnement Tarek el-Khatib et du ministre d'État contre la corruption, Nicolas Tuéni, ainsi que du président de l'ordre des ingénieurs Jad Tabet. Contacté par L'OLJ, M. Tuéni a précisé « attendre un rapport de M. Tabet sur le sujet ». Il indique également la présence d'un groupe de personnes lésées par le projet (construit sur la façade maritime, rappelons-le), avec à leur tête l'ancien ministre Adnane Kassar. Ce groupe, précise M. Tuéni, a présenté un recours auprès du juge des référés pour demander à son tour l'arrêt des travaux.
Interrogé sur ce sujet, M. Khatib souligne simplement qu'il « coordonne avec M. Tuéni sur plusieurs sujets, dont celui-là, pour s'assurer qu'il n'y a de corruption à aucun niveau ».
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DES PLAGES... DES RIVAGES... DU LITTORAL AUX CRETES DES COTEAUX ET DES MONTAGNES LE LIBAN EST VOLE ET VIOLE PAR DE VRAIS VOLEURS ET VIOLEURS SANS CONSCIENCE... VOILA DU VRAI VOL QUI DEVRAIT RENDRE COMPTE ET DU VRAI VIOL QUI DEVRAIT ETRE PUNI...
LA LIBRE EXPRESSION
12 h 31, le 09 mai 2017