Emmanuel Macron intrigue. En France comme à l'étranger, il suscite la curiosité, mais aussi l'inquiétude. Inconnu il y a encore trois ans à peine, son peu d'expérience en politique n'est, pour beaucoup, pas rassurant. D'autres, au contraire, le considèrent comme rafraîchissant, différent des camps traditionnels omniprésents dans la politique française et secoués par des crises à répétition. Considéré par certains comme charismatique et amical, celui qui pourrait devenir le plus jeune président, à 39 ans, séduit à droite comme à gauche.
Insaisissable, aux multiples facettes, le personnage est complexe et son parcours hétéroclite. Né de parents médecins, il affiche volontiers son amour de la philosophie, de la musique classique (il joue du piano au Conservatoire d'Amiens, où il est né, fait du théâtre et connaît ses classiques sur le bout des doigts ; il est d'ailleurs connu pour citer de grands auteurs à tout va). C'est au lycée La Providence (jésuite) qu'il rencontre celle qui est aujourd'hui sa femme. À l'époque, Brigitte Trogneux, issue d'une famille de chocolatiers renommés, est mariée et a trois enfants, dont l'une se trouve être dans la même classe qu'Emmanuel Macron. Professeure de français, elle anime un atelier de théâtre dont fait partie le jeune lycéen. À 17 ans, coup de tonnerre : les parents du jeune Macron l'envoient terminer sa scolarité à Paris, chez sa grand-mère, pour l'éloigner de Brigitte, de 25 ans son aînée. Il finira par faire accepter à ses parents et épouser, en 2007, celle qu'il aime depuis son adolescence.
Entre-temps, il passe par Sciences Po Paris, obtient un DEA de philosophie après lequel il se rapproche du philosophe Paul Ricœur, qu'il aide dans la rédaction d'un ouvrage. Mais ce n'est que lorsqu'il sort de l'Institut d'études politiques (IEP) de Paris et de l'École nationale d'administration (ENA) que sa carrière décolle réellement. Il choisit d'intégrer l'Inspection générale des finances, corps d'élite au sein de l'administration française. C'est à cette période qu'il rencontre ses premiers mentors, notamment Jacques Attali et, un peu plus tard, François Hollande. Il multiplie les contacts, se crée un réseau, devient banquier d'affaires chez Rothschild. Son premier succès ? Il aide Nestlé à racheter la branche nutrition du groupe américain Pfizer, un contrat juteux de plus de 9 milliards d'euros et qui lui rapporte son premier million.
(Lire aussi : Marine Le Pen, ou l'extrême droite dédiabolisée)
Spirale ascendante
À partir de là, l'ascension du jeune énarque est fulgurante. Il est nommé secrétaire général adjoint de la présidence de la République lorsque François Hollande est élu en 2012. Deux ans plus tard, celui qui est qualifié d'ovni par plus d'un média débarque à Bercy. Son poste de ministre de l'Économie fait grincer des dents : il n'a jamais fait de politique et se déclare ni de droite ni de gauche. Ces cinq dernières années, il se fait remarquer, il est l'un des ministres les plus populaires du président Hollande, malgré son éventail de réformes adopté au forceps en juillet 2015. C'est d'ailleurs en travaillant sur « sa » loi qu'il décide de créer En Marche !.
Après quelques années dans l'ombre de François Hollande, il décide de faire les choses différemment. Il cache de moins en moins ses ambitions, mais entretient le flou. Il se démarque de tous, mais ménage les uns et les autres. La création de son mouvement centriste, en avril 2016 à Amiens, est perçue comme une trahison par certains de ses proches, François Hollande en tête. À l'époque, plusieurs médias utilisent même le terme de « parricide ». En août, il démissionne de ses fonctions de ministre, mais ce n'est qu'en novembre qu'il finit par confirmer les rumeurs qui courent depuis déjà plusieurs mois, soit sa candidature à la présidentielle.
À partir de là, il multiplie les expositions médiatiques de toutes sortes, n'hésite pas à utiliser les réseaux sociaux, reçoit l'appui de plusieurs médias, y compris étrangers. Ainsi, les très british Times et The Economist font très vite leur choix, avant même le premier tour du scrutin, le 23 avril, duquel il arrive en tête, devançant la candidate du Front national, Marine Le Pen. Le soir même, il célèbre son nouveau statut de favori à la présidentielle à la Rotonde, une brasserie parisienne chic. Les réactions ne se font pas attendre. Les comparaisons avec la soirée, dix ans plus tôt, de Nicolas Sarkozy au Fouquet's fusent. Deuxième maladresse, l'ex-ministre de l'Économie semble oublier le second tour du 7 mai et prépare déjà les législatives de juin. La victoire n'est pourtant pas automatiquement acquise, ce que n'a pas manqué de relever François Hollande hier, lui apportant son soutien et appelant à la mobilisation contre l'extrême droite. Alors que Marine Le Pen est repartie dès lundi matin en campagne, faisant preuve d'une agressivité décuplée, Emmanuel Macron refuse de se laisser dicter sa conduite par les médias, tout en soulignant que rien n'est effectivement gagné d'avance. Défiant, il paraît très – trop ? – confiant dans ses capacités et son programme. Sa jeunesse, son inexpérience lui seront-elles fatales ou, au contraire, lui permettront-elles d'accéder à l'Élysée?
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08 h 29, le 26 avril 2017