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Moyen Orient et Monde - Éclairage

De la banalisation du FN dans le paysage politique français

Plusieurs facteurs ont contribué à la dédiabolisation du parti d'extrême droite.

Photo d’archives de Marine Le Pen, lors d’un discours à Paris, le 1er mai 2012. Kenzo Tribouillard/AFP

21 avril 2002. Marine Le Pen exulte, elle vient d'apprendre la qualification de son père Jean-Marie Le Pen pour le second tour de l'élection présidentielle française, avec près de 17 % des voix. « C'est la naissance de quelque chose », prédit-elle. À l'époque, c'est un séisme, un choc ressenti dans toute la France. Après une mobilisation massive, le candidat du Front national finit par perdre face à Jacques Chirac, qui obtient plus de 82 % des suffrages.

23 avril 2017. Quinze ans plus tard, celle qui est aujourd'hui la présidente du FN est, elle aussi, qualifiée pour le second tour de la présidentielle. « Nous pouvons gagner, et je vais même vous dire mieux, nous allons gagner », a-t-elle asséné hier. Mais le séisme n'en est pas un, ou, en tout cas, n'est pas celui que l'on pense. La surprise n'est pas le fait que Marine Le Pen, à la tête du FN, ait engrangé 21,30 % des voix. Cette fois-ci, les deux partis qui ont dominé la Ve République, les socialistes et la droite, sont tous deux éliminés du scrutin, et les deux candidats qui doivent se faire face n'appartiennent aucunement à ces deux camps.

Car le Front national n'est plus un parti tabou. Plusieurs éléments ont contribué à son ascension dans le paysage politique français, et sa percée dans la présidentielle était attendue. Certains observateurs se sont même étonnés qu'il ne soit pas en tête des scores. C'est dire l'ancrage du parti d'extrême droite sur l'échiquier politique français, qui n'est pas loin de devenir un parti comme les autres, ou presque.

Une crise économique mondiale dont les effets se font encore ressentir, celle de la zone euro, une mondialisation qualifiée de « malheureuse » par Thomas Guénolé, politologue et chercheur à Sciences-Po (Paris), des vagues d'immigration extraeuropéennes, le danger de l'autre... Autant de facteurs qui entrent en jeu lorsqu'il s'agit d'expliquer la montée en puissance d'un parti qui cherche pourtant à se « dédiaboliser », selon ses propres termes, depuis plusieurs années déjà. L'Union européenne est plus faible que jamais, le Brexit est en cours, Donald Trump est aujourd'hui président des États-Unis, les mouvements anti-immigration et la xénophobie connaissent une forte expansion un peu partout, facilitée par des attentats en série, perpétrés sur le sol européen par des Européens.

 

(Lire aussi : Le plus dur reste à faire, l'édito d'Emilie SUEUR)

 

Stratégie de normalisation
La stratégie de normalisation du parti prend de la vitesse lorsque Marine Le Pen prend la tête du parti en 2011. Il s'agit de rendre le discours FN acceptable, sinon respectable, moins ringard, moins antisémite. La tactique finit par payer, et le FN devient omniprésent dans le débat public. « L'effort consiste à utiliser une figure de style, qui est la périphrase », explique Thomas Guénolé à L'Orient-Le Jour. « Il ne faut pas dire "j'ai un problème avec les Arabes", mais "l'islam n'est pas compatible avec la République", "Il faut défendre la laïcité", "Je veux défendre les racines chrétiennes de la France", etc. », énumère le politologue, qui parle de « novlangue lepéniste » pour désigner le simple fait d'être contre les immigrés de toute génération.

Aujourd'hui, la réaction à la poussée du FN est bien plus molle qu'en 2002. Entre-temps, le parti a fait son retour à l'Assemblée générale, après quelque trente ans d'absence, a fait son entrée au Sénat, et a cumulé les succès aux élections municipales et européennes de 2014.

Le parti d'extrême droite s'inscrit dans le débat public, y devient omniprésent. Sa présence sur les plateaux de télévision, les entretiens donnés par ses membres aux journalistes de tous bords, le fait que des éditorialistes développent des thèses d'extrême droite contribuent à la banalisation du FN et de sa présence, estime M. Guénolé, qui donne l'exemple de l'hebdomadaire Valeurs actuelles. « On ne peut plus les ignorer. Mais ne plus ignorer est une chose, leur servir la soupe en est une autre », remarque le politologue.

 

(Lire aussi : Le duel Le Pen-Macron oppose deux visions de l’économie aux antipodes)

 

Une forte mobilisation générale contre les succès électoraux du FN n'est plus possible dans ce contexte. Et cette banalisation, au lieu de rendre le discours du FN moins marquant, lui confère, au contraire, une légitimation inespérée.

Toutefois, dire que le succès de Marine Le Pen lors de ce premier tour est entier reste inexact. Bien qu'historique, son score est moins élevé que prévu. La crédibilité de la candidate du FN n'est pas intacte, sa campagne n'a pas été à la hauteur, selon plusieurs observateurs. Hier encore, Jean-Marie Le Pen a affirmé à Europe 1 qu'il aurait souhaité « une campagne plus dynamique, plus agressive et moins convenue, plus française ». Mais même si elle perd au second tour face au centriste Emmanuel Macron, ses succès futurs pourraient dépendre de ses résultats aux élections européennes de 2019 et lui ouvrir de manière définitive la voie de l'Élysée en 2022, observent déjà certains commentateurs. D'ici là, la menace FN reste, plus solide que jamais.

 

 

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21 avril 2002. Marine Le Pen exulte, elle vient d'apprendre la qualification de son père Jean-Marie Le Pen pour le second tour de l'élection présidentielle française, avec près de 17 % des voix. « C'est la naissance de quelque chose », prédit-elle. À l'époque, c'est un séisme, un choc ressenti dans toute la France. Après une mobilisation massive, le candidat du Front national finit...

commentaires (5)

Les français qui souffrent , dans les campagnes et dans secteurs industriels, de la mondialisation ( et européanisation même ) a laquelle ils n'ont pas su ( pas pu, ) résister...sont des adeptes du FN , non pas par idéologie ou même politique...ne font plus trop attention à la dangereusite des thèses FNAC Pratiquement "abandonnés à eux mêmes par des gouvernements élitistes", ils sont prêts à aller dans quelconque direction ou ils voient "une faible lumière" Alors il n'est pas insensé de craindre "une revanche des laisses pou compte" revanche déjà proposée par Mélanchon ( qui n'ayant pas de base électorale à échoue dans le soulèvement des petites gens) Il pourrait y avoir une surprise!

Chammas frederico

14 h 16, le 25 avril 2017

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Commentaires (5)

  • Les français qui souffrent , dans les campagnes et dans secteurs industriels, de la mondialisation ( et européanisation même ) a laquelle ils n'ont pas su ( pas pu, ) résister...sont des adeptes du FN , non pas par idéologie ou même politique...ne font plus trop attention à la dangereusite des thèses FNAC Pratiquement "abandonnés à eux mêmes par des gouvernements élitistes", ils sont prêts à aller dans quelconque direction ou ils voient "une faible lumière" Alors il n'est pas insensé de craindre "une revanche des laisses pou compte" revanche déjà proposée par Mélanchon ( qui n'ayant pas de base électorale à échoue dans le soulèvement des petites gens) Il pourrait y avoir une surprise!

    Chammas frederico

    14 h 16, le 25 avril 2017

  • Marine ne peut pas être plus une menace que la menace qu'on a sous les yeux en ce moment et depuis 40 ans . Arrêtons de diaboliser un peu ! Comme si la situation actuelle était tellement reluisante qu'il ne fallait surtout rien n'y toucher . Le pauvre Fillion se fait assassiner , et Marine se fera écarter parce que ces 2 candidats ne veulent le bien que de la France et des français vrais, c'est terrible ça quand même . Qu'on ne vienne pas nous dire qu'on ne comprend rien à la France , quand soi même on est pas tout à fait libanais et qu'on ne se prive pas de commenter la politique libanaise , non , mais enfin !!!!

    FRIK-A-FRAK

    11 h 51, le 25 avril 2017

  • C'est toujours avec beaucoup d'ironie et parfois avec de la colère que j'écoute les Libanais commenter les élections Françaises, et je me dit que sans doute c'est parce que au Liban c'est vrai que les élections c'est pas top. Aucun programme juste des hommes ou plus tôt des "idoles" basé sur le confessionnalisme ou sur le clan.Mais je préférerai qu'ils s'occupent un peu plus de leur pays vu que en général il ne connaissent pas la France et que le contexte est complètement différent.

    yves kerlidou

    10 h 32, le 25 avril 2017

  • Il serait temps ,que Marine Le Pen prouve à la face de l'Europe ,( comme avec le Brexit le Royaume Uni), que la démocratie n'est pas le monopole ,ni la propriété de ceux qui l'instrumentalise pour accéder puis conserver le pouvoir...! d'autant que la France a besoin d'un vrai tripartisme et non , comme depuis 40 ans d'un couple d'échangistes ...!

    M.V.

    09 h 08, le 25 avril 2017

  • Pourquoi parler du FN en tant que "menace"? C'est la diabolisation dont est encore victime le parti nationaliste qui est un scandale. Nous allons voir au second tour une union contre nature de la gauche et de la droite pour lui faire barrage. Si - par impossible, heureusement - un candidat communiste avait été qualifié pour le second tour, nous n'aurions certainement pas eu la même réaction. Or nous avons vu le communisme à l'oeuvre, tandis que le FN n'a exercé de pouvoir que dans quelques communes et circonscriptions dont les administrés ne se plaignent pas.Marine seule incarne un véritable changement, contrairement à Macron dont le mandat ne sera que la continuation de celui de Hollande.Pourquoi donc ne pas l'essayer?

    Yves Prevost

    06 h 56, le 25 avril 2017

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