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Un lifting pour Marianne

De gauche ou de droite, ils étaient nombreux, les Français, à souhaiter le changement. Voilà qu'ils sont comblés, parfois même au-delà de leurs vœux. Car sans attendre le second tour du scrutin présidentiel, c'est un décor politique absolument nouveau que les électeurs, rompant avec la routine et la fidélité partisane, ont déjà réussi à planter dans l'Hexagone.


Dimanche dernier, les premières se succédaient en cascade. Laminées, éliminées de la course étaient les deux grandes formations qui, depuis plus d'un demi-siècle, occupaient en alternance le centre de la scène, un moment confisqué par le centriste Valéry Giscard d'Estaing. Pire encore, c'est gravement fragmentés qu'émergent du premier tour aussi bien Les Républicains que le Parti socialiste, même si la débandade est bien plus visible chez ce dernier.


Deuxième nouveauté, de taille : ce phénomène Macron, qui séduit tant d'électeurs mais ne laisse pas d'en intriguer d'autres. En Marche !, le mouvement qu'il a créé en se démarquant de la gauche comme de la droite ? Au pas de course, au triple galop, faudrait-il plutôt dire. Car en l'espace de deux ou trois ans seulement, cet homme de 39 ans jamais élu, à peine rodé à la fonction ministérielle, se sera forgé ce destin national que les professionnels de la politique mettent des décennies à assembler pierre par pierre. Créature du président Hollande pour d'aucuns, pur produit des banques d'affaires pour ses détracteurs, toujours est-il que le making of d'Emmanuel Macron restera dans les annales comme un fort exceptionnel cas d'étude.


Une fois n'est pas coutume, les sondages, pris en faute par Donald Trump et le Brexit, auront visé juste cette fois. Pour le duel du 3 mai, ils créditent le vainqueur de dimanche dernier de plus de 60 % des suffrages, l'intronisant président virtuel de la France : rôle que Macron endossait avant l'heure, dès lundi, en s'en allant déposer en toute solennité une gerbe de fleurs au mémorial du génocide arménien. Rien n'est dit pourtant, malgré les substantiels ralliements qu'il s'est gagnés, puisque l'union sacrée contre le Front national, désormais indélogeable acteur du deuxième tour, donne à voir de surprenants ratés.


Si en effet la règle du jeu n'est manifestement plus la même, tous les perdants ne sont pas beaux joueurs. Déjà divisée sur la désastreuse équipée d'un François Fillon handicapé par les affaires, la droite n'a pu que recommander quasiment du bout des lèvres un vote anti-FN, sans se résoudre pour autant à adouber explicitement Macron. Plus sidérante encore (et passablement puérile ?) est l'attitude de Jean-Luc Mélenchon, qui accorde à ses troupes la liberté du choix.


C'est dire que la partie n'est pas encore tout à fait gagnée et que même élu, Emmanuel Macron devra impérativement gouverner – et pour cela rassembler, fédérer – à la lumière des législatives de l'été. Car si l'ordre établi a vécu, c'est au désordre, si elle n'est pas convenablement gérée, que pourrait conduire la nouvelle donne. Une Assemblée nationale à son tour fragmentée est synonyme de majorités mouvantes, de coalitions de pure nécessité, d'aléatoire cohabitation au sein de l'exécutif.


Reste à dire que d'une large manière, la présidentielle française n'est pas l'affaire des seuls Français, ni même de la seule Europe, à preuve l'intérêt particulier qu'elle suscite auprès des puissances. Le Liban est loin d'être une de celles-ci, mais s'il est particulièrement concerné par ce scrutin, ce n'est pas seulement en raison des liens hsitoriques qui le lient à la France. Le fait est qu'eux aussi, les Libanais, ont soif de changement. Leur ni gauche ni droite, ce serait, par exemple, ni 8 ni 14 Mars, mais une commune dévotion à un paradis de petit pays saccagé par ses propres fils. Ce pourrait être aussi la fin du monopole que détiennent dynasties politico-féodales et partis en armes. Pour cela, il faudrait une loi électorale autorisant une libre expression de la volonté populaire. Pour cette même raison, ils persisteront à vous la dénier jusqu'à leur dernier souffle.


Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

De gauche ou de droite, ils étaient nombreux, les Français, à souhaiter le changement. Voilà qu'ils sont comblés, parfois même au-delà de leurs vœux. Car sans attendre le second tour du scrutin présidentiel, c'est un décor politique absolument nouveau que les électeurs, rompant avec la routine et la fidélité partisane, ont déjà réussi à planter dans l'Hexagone.
Dimanche dernier,...