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Liban - Loi électorale

Les citoyens condamnés à choisir entre pire et moins pire ?

Sleiman propose une loi électorale médiane qui élirait un Parlement pour deux années seulement.

Le sentiment général des Libanais aujourd'hui est que dans l'interminable processus d'élaboration d'une loi électorale nouvelle – que les politiques s'évertuent à présenter comme étant moderne et équitable –, il y a une grande part d'opportunisme politique. En pratique, les citoyens attendent que l'une de ces trois possibilités soit finalement entérinée : préserver les choses en l'état et organiser des législatives selon la loi en vigueur qui date de 1960 et qui consacre le système majoritaire ; changer de système électoral en adoptant le scrutin proportionnel ; ou bien changer de système électoral en adoptant un scrutin dit mixte, qui emprunte en pratique à la fois des éléments du scrutin majoritaire et du scrutin proportionnel. Aucune de ces options ne semble aujourd'hui faire l'unanimité auprès des différentes composantes politiques, alors que toutes – sauf le chef du Rassemblement démocratique, le député Walid Joumblatt – s'accordent à dire qu'ils sont absolument contre la loi de 1960 actuellement en vigueur.

Hier, l'ancien président de la République Michel Sleiman est monté au créneau. Dans un entretien téléphonique accordé à L'Orient-Le Jour, le chef du bureau de presse de M. Sleiman, Béchara Khairallah, a déclaré que M. Sleiman faisait actuellement du lobbying auprès des principales forces politiques pour qu'elles acceptent une solution dite « du dernier quart d'heure ». À savoir : appliquer la loi en vigueur ou une loi faisant l'unanimité fondée sur le système majoritaire et d'application simple, pour une seule fois seulement et dont émanerait un Parlement au mandat écourté de deux ans, le temps d'élaborer une loi électorale en bonne et due forme.

 

(Lire aussi : Machnouk devant les ambassadeurs de l'UE : Il n'y a d'autre choix que la tenue du scrutin)

 

 

Selon M. Khairallah, les arguments avancés par le chef du Rassemblement pour la République Michel Sleiman sont les suivants : la loi dite mixte qui est actuellement en discussion viole le principe d'égalité des citoyens consacré par la Constitution, puisque certains électeurs voteront selon le système majoritaire alors que d'autres verront leur bulletin régi par le système proportionnel. Ensuite, partant du principe que la naissance de la loi en question sera inévitablement et avant tout le fruit d'un consensus politique, cette loi aussi anticonstitutionnelle qu'elle soit ne se verra pas soumise au contrôle du Conseil constitutionnel. Car la possibilité de saisine de cet organe de contrôle est uniquement octroyée, selon l'article 19 de la Constitution, au président de la République, au président de la Chambre, au Premier ministre ou à 10 députés. Or ces responsables qui sont aujourd'hui directement impliqués dans l'élaboration de la loi n'iront certainement pas la contester devant le Conseil constitutionnel. Fort de cet argumentaire, le conseiller de l'ancien président de la République affirme aussi que « le vide ne peut être une option, puisqu'il existe une loi en vigueur. Mais cette loi n'est pas acceptable non plus ». « De plus, une violation de la Constitution ne peut être tolérée, tout comme une prorogation du mandat des parlementaires », ajoute-t-il.

 

(Lire aussi : Hamadé : « Une loi hybride ne passera pas »)

 

Choisir entre pire et moins pire
L'ancien député et juriste Salah Honein est d'accord sur le point qui concerne la loi électorale de 1960. « Fouad Chéhab l'a élaborée et il a lui-même reconnu qu'il s'agissait d'une loi mauvaise et archaïque. Il l'a faite lui-même et n'en a pas voulu », note-t-il. Toutefois, il ne rejoint pas l'argumentation du Rassemblement pour la République quant au fond de la proposition de loi. « Il ne s'agit pas de remplacer de mauvaises propositions, par d'autres bien pire. Élire un Parlement pour deux années seulement reviendrait à le vider de sa substance, de ses prérogatives constitutionnelles. Pour moi, c'est une proposition fausse, qui ne devrait pas être faite. Pourquoi deux ans ? Pourquoi créer encore une fois un monstre juridique pour une seule fois et à titre exceptionnel ? Les Libanais sont las de ces formules. Tout se passe comme si on leur demandait constamment de choisir entre le pire et le moins pire », s'est insurgé hier M. Honein au cours d'un entretien téléphonique accordé à L'Orient- Le Jour. Et de poursuivre : « De plus, il est impensable de croire qu'une fois hors du pouvoir, un homme politique bénéficie d'une plus grande marge de manœuvre qu'à l'intérieur de la sphère étatique, plus encore lorsqu'il a été chef de l'État. »

 

(Lire aussi : Aoun : Sortir du confessionnalisme, mais sans surenchère)

 

La part d'inconnue
Toute loi électorale, aussi soigneusement élaborée qu'elle soit par les politiques, porte en elle une part d'inconnue et une philosophie bien définie. La loi de 1960, fondée sur le scrutin majoritaire plurinominal à un tour, a été testée sur le terrain et pour les différentes factions politiques concernées, elle les rassure car justement elle ne véhicule en elle aucune surprise électorale. Elle rassure donc toutes les parties en présence, d'où une impression partagée par MM. Khairallah et Honein que « dans le fond, tout le monde veut de cette loi, mais plus personne n'ose l'affirmer publiquement ». Et M. Honein de nuancer ses propos : « Tout le monde sauf Walid Joumblatt qui, depuis le départ, a clairement déclaré qu'il y était favorable. » Il ajoute qu'il existe de toute évidence « une relation organique entre la classe politique et la loi de 1960, une relation si profonde qu'eux-mêmes n'arrivent plus à en sortir ».

Quant à la loi mixte actuellement débattue, sa philosophie est quelque part « plus positive », affirme Salah Honein, « car elle a été appliquée après la réunification de l'Allemagne et a permis de faire une place à l'opinion électorale de l'ex-Allemagne de l'Est, peu rompu à l'exercice de la démocratie représentative. Mais son résultat dépend du découpage électoral et celui-ci ne doit pas être sélectif ». « La loi est faite pour les gens, non pour servir les intérêts des hommes et partis », rappelle-t-il dans ce contexte. Enfin, la loi qui consacre la formule proportionnelle semble être la meilleure, car elle est la plus cohérente. « Mais même celle-ci leur fait peur, car elle porte en elle 5 % d'imprévu à l'échelle nationale. Même cette petite brèche les effraie, car ils se disent qu'elle peut s'agrandir avec le temps. »

 

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commentaires (8)

Je trouve étonnant que M. Salah Honein soit aussi souvent sollicité par l'OLJ pour donner son avis sur les projets de lois électorales. Peut-on être juge et partie? Pour mémoire, il a été député mais n'a pas été réélu pour un second mandat. Pas d'autres constitutionnalistes à l'horizon ?

Marionet

23 h 11, le 09 février 2017

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Commentaires (8)

  • Je trouve étonnant que M. Salah Honein soit aussi souvent sollicité par l'OLJ pour donner son avis sur les projets de lois électorales. Peut-on être juge et partie? Pour mémoire, il a été député mais n'a pas été réélu pour un second mandat. Pas d'autres constitutionnalistes à l'horizon ?

    Marionet

    23 h 11, le 09 février 2017

  • "...La loi est faite pour les gens, et non pour servir les intérêts des hommes (politiques) et partis..." Faut leur marteler cela jour et nuit...à nos IRRESPONSABLES-INCAPABLES ET CORROMPUS ! Qui sont en train de détruire à petit feu leur patrie et une partie du peuple avec, à cause de leur incroyable égoïsme ! Irène Saïd

    Irene Said

    14 h 43, le 09 février 2017

  • Le pire est de savoir quel est le moins pire ...:-)

    M.V.

    13 h 32, le 09 février 2017

  • QUAND QUELQU'UN CROYAIT NAIVEMENT PAR IGNORANCE QUE LA FRANCE VA ARMER LA TROUPE, PEUT- ON L'ÉCOUTER ET LE PRENDRE AU SÉRIEUX AVEC SES IDÉES POUR FORMER UNE LOI ????

    Gebran Eid

    11 h 07, le 09 février 2017

  • Alignez les moi tous contre un mur, je m'occuperais de la gachette

    George Khoury

    10 h 06, le 09 février 2017

  • On aura toujours des groupes lésés quelque soit le choix final. L'important est que ceux qui le seront un peu plus ou un peu moins l'acceptent pour faire un peu avancer les choses.

    FRIK-A-FRAK

    09 h 26, le 09 février 2017

  • CHOISIR ENTRE CHARYBDE ET SCYLLA... EH NON ! QUAND LA LOI FERZLIOTE DITE ORTHODOXE GARANTIT LA BONNE ET JUSTE REPRESENTATION DE TOUTES LES COMMUNAUTES, RASSEMBLE LE PAYS ET RESPECTE TAEF... CONFESSIONNALISME = LOI ORTHODOXE... LAICITE = LOI PROPORTIONNELLE... SI SIMPLE QUE CA ! LE PREMIER CHOIX EXISTE... LE SECOND, QUI DEMANDE AVANT D,ETABLIR LA LAICITE, N,EXISTE PAS POUR LE PRESENT...

    LA LIBRE EXPRESSION SE DECONNECTE

    08 h 51, le 09 février 2017

  • “Si tous ceux qui croient avoir raison n'avaient pas tort, la vérité ne serait pas loin.” de Pierre Dac Extrait de L'Os à moelle

    FAKHOURI

    08 h 44, le 09 février 2017

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