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Liban - Déchets

Avec la perspective de la fermeture de Costa Brava, plus de questions que de réponses

La commission ministérielle en charge du dossier a été réactivée, et même élargie. Mais les intentions du gouvernement restent floues.

Des camions acheminant des ordures empaquetées vers la décharge de Costa Brava, située à proximité de l’Aéroport international de Beyrouth. Photo ANI

Depuis que le juge des référés de Baabda, Hassan Hamdane, a prononcé mardi son verdict en faveur de la fermeture de la décharge de Costa Brava dans un délai de quatre mois, en raison des risques sanitaires, environnementaux et sécuritaires (sur le trafic aérien), le pouvoir semble plongé dans l'incertitude : même en cas de recours contre la décision du juge, il est en effet plus urgent que jamais d'avoir une vision claire de l'alternative, si l'on veut éviter une répétition du sort réservé à la population de Beyrouth et du Mont-Liban après la fermeture de la décharge de Naamé en juillet 2015.

Or étant donné le temps qu'avait nécessité l'élaboration du plan échafaudé par l'ancien ministre Akram Chehayeb, aujourd'hui sous le feu des critiques, rien ne pousse à l'optimisme. Ce plan avait été adopté en mars 2016 en pleine crise des ordures dans les rues, après plusieurs mois d'échecs successifs. Il repose sur la création de deux décharges (à Costa Brava et Bourj Hammoud) devant desservir Beyrouth et le Mont-Liban, ce qui signifie qu'avec la fermeture de l'une d'entre elles, c'est une bonne moitié de la solution qui se trouve neutralisée. Sachant que la seconde décharge, celle de Bourj Hammoud, fait elle aussi l'objet d'une plainte en justice par les mêmes avocats de la société civile qui ont obtenu le jugement pour la fermeture de Costa Brava.

Le sujet des déchets ménagers a naturellement été abordé mercredi en Conseil des ministres. À l'issue de la réunion, le ministre de l'Information Melhem Riachi a précisé que la commission ministérielle ad hoc devra se réunir « pour introduire quelques amendements » au plan initial du gouvernement Salam (voir L'OLJ du 2 février). « Nous ne permettrons pas que le Liban soit de nouveau noyé sous les ordures », a-t-il ajouté, sans plus de précisions.

Le ministre d'État Michel Pharaon confirme à L'Orient-Le Jour que le sujet des déchets a bien été soulevé en Conseil des ministres par plusieurs membres du cabinet, et que le ministre de l'Environnement Tarek el-Khatib a assuré que son ministère travaillait à l'élaboration d'un nouveau plan de gestion des déchets. Au final, les ministres ont obtenu que soit réactivée la commission en charge du dossier des déchets ménagers, qui a même été élargie, selon M. Pharaon qui en fait partie. Celui-ci a souligné que les membres de cette commission ont exprimé leur volonté que soit élaborée une vision d'avenir permettant d'éviter de nouvelles crises des déchets, quelle que soit l'issue d'un quelconque recours présenté en justice contre la décision du juge Hamdane.

 

(Lire aussi : Sukleen répond à S. Gemayel : « La compagnie a toujours été sous la supervision de l’État »)

 

 

Un plan en préparation?
Pour l'instant, aucune réunion de cette commission n'a encore été fixée par le Premier ministre Saad Hariri. Celui-ci serait-il désireux d'accorder un délai au ministre de l'Environnement qui a affirmé, en Conseil des ministres, préparer un plan (il l'avait d'ailleurs déclaré à L'OLJ dans l'édition du mercredi 1er février, sans dévoiler de détails) ? Selon les observateurs, le ministre de l'Environnement – que L'Orient-Le Jour a tenté, en vain, de contacter – souhaite clairement reprendre la main, après que le dossier des déchets a été confié, dans le cabinet précédent, au ministre de l'Agriculture Akram Chehayeb, au détriment du ministre de l'Environnement de l'époque, Mohammad Machnouk.

Le président de la République Michel Aoun avait lui aussi annoncé dernièrement un nouveau plan de gestion des déchets « qui couvrirait tout le territoire ». S'agit-il du même plan que celui du ministère de l'Environnement, sachant que M. Khatib fait partie du bloc du président au sein du cabinet ? Si, comme le veut la rumeur, ce plan ne repose pas sur la construction d'incinérateurs (ceux-ci sont au cœur de la décision gouvernementale pour un plan à long terme, prise en 2010 et reconfirmée par le cabinet Salam), quelle vision prévaudra alors dans les semaines à venir ?

Toujours est-il que le plan Chehayeb de l'ancien gouvernement sera sérieusement malmené en cas de fermeture de l'une des deux décharges qu'il avait prévues. Selon une source bien informée, les quatre mois sont une bien courte période pour relancer tout le processus administratif et pratique de création d'une décharge, si tant est qu'un site pourra être désigné assez rapidement afin que le travail soit lancé. Or le choix des sites avait été l'obstacle principal rencontré par la commission Chehayeb dans sa recherche d'un plan de sortie de crise, en 2015-2016.

Par ailleurs, la loi permet à l'entrepreneur en charge de l'actuel site d'exiger des indemnisations pour le manque à gagner, selon cette même source. Et ce malgré les nombreux points d'interrogation qui continuent d'entourer l'appel d'offres pour Costa Brava, remporté deux fois par le même entrepreneur qui a baissé ses prix de près de 12 millions de dollars en quelques mois...

Un constat se dégage de tout ce qui précède : le Liban n'est pas sorti de la crise des déchets qui le secoue depuis près de deux ans. Entre un (mauvais) énième plan d'urgence (celui de la commission Chehayeb) et la nécessité de ne pas interrompre le service de collecte et de traitement des déchets, qu'est-ce qui pourrait encore nous sauver – à temps – du cauchemar des ordures accumulées dans les rues ?

 

 

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