Maintenant que le cabinet Hariri a vu le jour, les regards sont braqués sur les négociations politiques en vue d'élaborer une nouvelle loi électorale, en dépit des divergences affichées par les diverses formations politiques à ce sujet.
Interrogées par L'Orient-Le Jour, des sources politiques bien informées ont fait état de « constantes » qui seront respectées lors des débats autour de la législation électorale tant attendue. Selon les sources précitées, la première constante est celle du refus unanime de la tenue des législatives conformément à la loi de 1960 (actuellement en vigueur). La deuxième stipule qu'aucune formation politique n'est contre la proportionnelle.
Dans les mêmes milieux, on fait également savoir que le débat porte actuellement sur un éventuel recours à une formule électorale en deux temps aux niveaux du caza et du mohafazat. Selon les mêmes sources, cela pourrait contribuer à rectifier la représentation parlementaire.
Parallèlement à ce tableau, le chef du Parti socialiste progressiste, le député Walid Joumblatt, est monté au créneau lundi dernier pour dénoncer l'adoption d'une loi électorale axée sur la proportionnelle. « Une telle formule pourrait bien torpiller la représentativité des partis politiques au sein du Parlement », a-t-il averti sur son compte Twitter.
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Le député joumblattiste Antoine Saad a même été jusqu'à affirmer que sa formation « n'acceptera pas une législation électorale qui pourrait éliminer certaines formations politiques ». À l'agence al-Markaziya, M. Saad a déclaré que « le PSP ne peut approuver une loi taillée à la mesure de l'axe de la "moumanaa'' et du camp du 8 Mars ». « La proportionnelle ne pourrait être appliquée dans un pays marqué par le confessionnalisme, à l'ombre d'armes illégales », a-t-il noté avant d'inviter à « une entente autour de la proposition de loi mixte » (mêlant majoritaire et proportionnelle) présentée conjointement par le PSP, le courant du Futur et les Forces libanaises (FL).
Dans ce contexte, Wi'am Wahhab, chef du parti Tawhid, a répondu aux propos de Walid Joumblatt (soutenu par le conseil de la communauté druze). M. Wahhab a publié un communiqué dans lequel il s'est dit « étonné » des propos de certaines parties concernant la proportionnelle. « Le PSP est-il "plus druze'' que le reste des protagonistes ? »
s'est interrogé le chef du parti Tawhid avant d'ajouter : « Nous nous opposerons aux tentatives d'éliminer toutes les factions de la scène druze. »
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« Une grande opportunité »
Ce paysage complexe, marqué d'appréhensions communautaires et de comptes politiques interdruzes, fait dire à certains que la nouvelle législation électorale ne pourra pas voir le jour avant les législatives prévues en 2017. Or, il est intéressant de constater que l'écrasante majorité des formations politiques ne perçoit pas les choses sous cet angle. Bien au contraire, les protagonistes semblent optimistes quant à la possibilité de voter une nouvelle loi électorale tant attendue.
Joint par L'OLJ, Ibrahim Kanaan, député aouniste du Metn, a estimé que « l'optimisme quant au vote de cette législation n'a pas diminué. Bien au contraire, ce dont témoigne actuellement la scène politique est une preuve du sérieux qu'affichent les partis politiques quant à ce dossier épineux ».
Concernant les tweets de Walid Joumblatt, M. Kanaan a estimé qu'« il est normal de voir les protagonistes hausser la barre de leurs conditions en période de négociations politiques qui devraient se solder par un compromis à même de satisfaire tout le monde ».
Commentant la thèse selon laquelle le Courant patriotique libre plaide pour la proportionnelle alors que la loi de 1960 pourrait préserver les bénéfices électoraux générés par l'accord de Meerab qui lie le courant aouniste aux FL, Ibrahim Kanaan a noté que sa formation ne perçoit pas les choses sous cet angle. « Il est impossible de construire sur des alliances mouvantes », a-t-il dit, estimant que « le pays est aujourd'hui devant une grande opportunité qui pourrait aboutir à une nouvelle législation électorale ». Selon Ibrahim Kanaan, des contacts seront prochainement entrepris entre les divers protagonistes pour atteindre cet objectif.
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Prélude...
Les FL semblent partager le même optimisme. À L'OLJ, Antoine Zahra, député FL du Batroun, a souligné que « les récents propos du président de la Chambre Nabih Berry dans le cadre desquels il affirme "comprendre les appréhensions de certains" sont une preuve qu'il abandonnera la proportionnelle intégrale (qu'il soutient avec le Hezbollah et le CPL) au profit d'une autre proposition ». Le député du Batroun a toutefois estimé qu'« entre la proportionnelle intégrale – que refusent le courant du Futur et Walid Joumblatt – et la loi de 1960, la proposition de loi mixte reste la meilleure ».
Si M. Zahra croit à une « chance de voter une nouvelle législation électorale », il ne semble pas écarter l'éventualité de ne pas adopter une loi électorale « si le Hezbollah insiste sur la proportionnelle intégrale et refuse de discuter d'autres propositions ».
De source au sein de la formation de Samir Geagea, on apprend que « le parti entend mener une grande bataille pour voter une loi électorale ». Dans les mêmes milieux, on est soucieux de souligner que « Walid Joumblatt a le droit de s'opposer à la proportionnelle, dans la mesure où cela exprime les appréhensions des druzes ». « Cela nous permet de dire qu'il faut passer par la loi mixte avant d'adopter la proportionnelle intégrale qui devrait améliorer la représentativité parlementaire », ajoutent les proches de M. Geagea avant de poursuivre : « Il nous importe de voter une loi "produite au Liban'' et qui soit à même de satisfaire toutes les composantes du paysage politique libanais, parce que nous voulons rectifier la représentativité et éliminer les monopoles communautaires de certains partis. »
Tout comme les FL, le courant du Futur est en faveur d'une loi mixte qui serait le prélude de la proportionnelle intégrale. La formation de Saad Hariri estime en effet que cette dernière ne pourrait s'appliquer alors qu'une partie détient des armes.
Contacté par L'OLJ, Ammar Houri, député de Beyrouth, a estimé que « si les intentions sont bonnes, la loi électorale pourra voir le jour prochainement ». « Il appartient à la Chambre de voter cette législation qui devrait être appliquée par le nouveau cabinet », a-t-il noté avant de faire valoir qu'« un nombre non négligeable de députés (45) soutiennent la proposition mixte, ce qui signifie qu'elle devrait être étudiée sérieusement ». « Nous nous opposons catégoriquement à la proportionnelle intégrale tant que le Hezbollah détient encore ses armes illégales », a encore dit Ammar Houri.
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