Alors que l'Euro de football est lancé en France, entaché par des affrontements violents entre hooligans notamment à Marseille, les Français sont appelés à défiler mardi à Paris pour protester contre une réforme de la loi du travail lancée par le gouvernement socialiste qui a plongé, depuis mars, le pays dans un tourbillon de grèves et manifestations émaillées de violences.
Les syndicats, CGT en tête, espèrent mobiliser plusieurs centaines de milliers de personnes pour marquer leur opposition à une réforme du code du travail. Le pouvoir veut voir dans cette neuvième journée d'action un baroud d'honneur d'un mouvement social inédit sous la gauche depuis 1981.
Alors que les forces de l'ordre sont sous pression pour l'Euro de football et qu'elles restent sous la menace d'attaques jihadistes comme l'illustre l'assassinat brutal lundi par un homme se revendiquant de l'organisation Etat islamique d'un policier et de sa compagne dans la région parisienne, des violences sont craintes à l'occasion de la manifestation dans la capitale française.
Au même titre que les Français, les Libanais installés dans l'Hexagone sont pris dans la spirale de cette crise inédite dans le pays. Quatre d'entre eux racontent à L'Orient-Le Jour à quoi ressemble aujourd'hui leur vie en France.
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Le spectre terroriste
Une semaine avant l'Euro, le président français François Hollande affirmait que la menace d'un attentat durant l'événement était bien réelle. Et jeudi dernier le secrétaire d'Etat aux Sports, Thierry Braillard, en rajoutait une couche en déclarant que les matchs diffusés en terrasse seraient interdits pour raison de sécurité. Emilie*, une Libanaise de 26 ans installée à Paris depuis plusieurs années qui travaille dans le secteur de la finance affirme que dans ce conteste, elle va y « réfléchir à deux fois avant d'aller voir un match dans les bars ».
Un sentiment d'insécurité partagé par Emmanuel Ramia. Originaire de Jounieh et arrivé en France il y a huit ans, ce jeune ingénieur de 26 ans prend le métro tous les jours pour se rendre à La Défense, un des plus grands quartiers d'affaires parisiens. « La France est dans le viseur de Daech (acronyme arabe de l'Etat islamique). Avec les transports en commun et les rassemblements sur des places publiques, les Français sont une cible facile pour les terroristes » estime-t-il, non sans inquiétude.
Iyad Ghanem, entrepreneur et conseiller en management dans le secteur énergétique, relativise, lui, la situation. A 45 ans, ce Libanais a vécu tous les épisodes de la guerre au Liban. « Se dire qu'on peut mourir demain, c'est quelque chose qui a marqué ma génération. Cela nous amène à ne pas nous intéresser à la politique parce qu'on se dit que ça ne changera pas notre vie, mais cela nous aide aussi à comprendre qu'on ne doit pas s'arrêter de vivre, car oui on peut mourir demain ».
(Voir aussi : "Le gouvernement te pisse dessus" et autres : les messages des protestataires en France (en images))
Une République sociale défaillante
Aux craintes des attentats terroristes vient s'ajouter la crise sociale. La loi sur la réforme du travail, portée par la ministre du Travail Myriam el-Khomri, reste en travers de la gorge de nombre de Français, provoquant des grèves et des manifestations sans cesse reconduites. Le texte avait été adopté en mai dernier à l'Assemblée nationale après le recours par le gouvernement présidé par Manuel Valls à l'article 49-3 qui permet au gouvernement de faire adopter un texte sans vote ni débat à l'Assemblée.
Aux yeux des Libanais interrogés, plus ou moins impactés par les grèves, il est nécessaire que le marché du travail évolue. Hadi Dahrouge, chef de projet dans une agence de communication, âgé de 28 ans, est opposé au texte mais il reste favorable à un système plus flexible. « En Allemagne, c'est facile d'être viré, mais aussi d'être embauché », indique-t-il à titre de comparaison.
Emmanuel Ramia affirme, lui, préférer « lire de bons romans, plutôt qu'un pavé juridique barbant comme sait en produire la France ». La loi, estime-t-il toutefois, va « à rebours de l'histoire du travail en France », mais « la crise économique que traverse le pays appelle peut être de telles réformes».
Iyad Ghanem, pour sa part, trouve l'attitude de la CGT, le premier syndicat français qui mène la contestation, irresponsable. « C'est bien qu'il y ait des manifestations mais bloquer les raffineries alors que des gens doivent prendre la voiture pour travailler et faire une grève à Air France pendant l'Euro va impacter les sociétés qui attendaient cette bouffée d'air » s'indigne-t-il.
Pour Emmanuel, « la grève est un bon moyen de pression » mais « il faut savoir lâcher prise à un moment, surtout quand la majorité de la population n'est pas sur la même ligne ».
Emilie et Hadi comprennent le soulèvement. Ce dernier retrouve même la figure de Charbel Nahas, ancien ministre libanais du Travail, en la personne de Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT. « Philippe Martinez me fait penser à Charbel Nahas. Il représente vraiment des gens qui souffrent. Les syndicalistes en France c'est une grande tradition et il [Philippe Martinez] se sent un peu garant de tous ces acquis sociaux. II ne va pas céder facilement ».
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Comme le 14 mars 2005...
Pour Hadi, le gouvernement de Manuel Valls n'a de socialiste que le nom. « Ce n'est pas un travail de gauche», lance-t-il. Emmanuel le qualifie, quant à lui, d'autoritaire. « Avec le 49.3 on a l'impression que le gouvernement, qui rend l'âme, décide de faire passer une loi coûte que coûte, avec ou sans l'aval des citoyens », dénonce-t-il avant d'ajouter : « un gouvernement populaire n'aurait jamais fait appel au 49.3 ».
L'impopularité de François Hollande et de son gouvernement ne date pas d'hier et la gauche se divise un peu plus à chaque nouvelle loi. Pour Emilie, « les conséquences sont dramatiques ». « Après les cinq ans de Nicolas Sarkozy, on a eu un rejet de la droite et maintenant avec Hollande on a un rejet de la gauche et tout ça favorise la montée de l'extrême droite », déplore-t-elle.
Face à cette crise politique, des mouvements comme Nuit Debout, basés sur la participation citoyenne, émergent dans les villes partout en France. Iyad Ghanem regarde d'un bon œil cette mobilisation de la jeunesse, mais reste dubitatif quant à l'issue de ce type d'alternative politique.
Emilie a, de son côté, déjà participé à une des Assemblées générales de Nuit Debout, qui se tiennent sur la Place de la République à Paris. Elle voit dans ce mouvement une manière pacifique de contester le gouvernement. « Je suis passée Place de la République pour participer partiellement à Nuit Debout, raconte-t-elle. Je me suis sentie à nouveau au Liban où je criais, en ce 14 mars 2005, 'liberté, souveraineté, indépendance' ».
*L'interviewée n'a pas souhaité donner son nom de famille.
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Et en plus du mauvais temps qu'il fait en ce mois de juin .... On paye toujours le prix de son incurie , incompétence cafouillage et ignorance due à un alignement aveugle aux causes injustes , hollandouille . Marine Le Pen viendra nettoyer tout ça. ....
16 h 00, le 14 juin 2016