Fronde sociale en France : après l'essence, l'électricité ?

La France a commencé à puiser dans ses réserves pétrolières face au blocage de raffineries affectées par la fronde sociale contre la réforme du droit du travail, qui pourrait peser sur la production d'électricité lors d'une nouvelle journée d'action jeudi.

Confronté au risque d'une paralysie à l'approche de l'Euro-2016 de football, qui va drainer vers le pays des dizaines de milliers de personnes, l'exécutif socialiste ne fléchit pas.
"La CGT ne fait pas la loi dans le pays", a martelé mercredi le Premier ministre Manuel Valls, à l'adresse du syndicat contestataire qui a durci le conflit depuis quelques jours. Il a répété qu'il n'y aurait pas de "retrait" de la loi Travail.
Le président François Hollande a assuré que "tout sera mis en oeuvre pour assurer l'approvisionnement" en carburants, alors que les grèves et blocages font craindre un ralentissement de l'activité, au moment où le pays entrevoit une embellie économique.

Le gouvernement a confirmé avoir utilisé trois jours de stocks stratégiques de produits pétroliers sur 115 disponibles. Selon des estimations concordantes, environ un tiers des près de 12.000 stations-service du pays sont en rupture totale ou partielle et les files d'attente s'étendent dans le pays.
Dans le nord-ouest, un réapprovisionnement en cours va toutefois permettre de lever un rationnement instauré depuis vendredi dans 19 départements.
Cinq des huit raffineries du pays étaient au ralenti ou à l'arrêt mercredi soir. Les forces de l'ordre ont levé 11 blocages de dépôts pétrolier.

Les organisations patronales ont appelé l'Etat à "garantir l'intérêt général, la liberté de travailler et de circuler". "Si nous ne roulons pas... la France s'arrêtera", a averti la fédération des transporteurs routiers.
"Ca devient dur de circuler, de trouver du carburant", s'inquiète François Gelin, patron d'une entreprise de plomberie à Ivry, près de Paris.

(Lire aussi : Le robinet des carburants, nouvelle arme de la fronde sociale en France)

Climat inquiétant
"J'ai connu mai 68 et je peux vous dire que ce n'était pas marrant les pénuries (...) Le climat actuel m'inquiète, ça ne va pas du tout", témoigne Viviane, une retraitée de 66 ans, dans une station de l'Allier (centre).

"Tant que le gouvernement refuse de discuter, il y a des risques que la mobilisation s'amplifie", a averti le numéro un de la CGT, Philippe Martinez.
Jean-Claude Mailly, son homologue de Force ouvrière (FO), l'autre grande formation opposée à la loi Travail, a aussi assuré "ne pas être dans l'esprit d'arrêter" la contestation. A l'opposé, le syndicat CFDT, favorable à la réforme, a estimé qu'y renoncer serait "inacceptable".

La journée d'actions et manifestations de jeudi, la huitième depuis début mars, s'annonce cruciale avec la possibilité de voir le conflit affecter la production d'électricité. La CGT a appelé à la grève dans les 19 centrales nucléaires de France.

Sur les rails, le trafic était aussi perturbé mercredi mais la grève était moins suivie que la semaine dernière.
Le secteur des transports est névralgique à trois semaines de l'ouverture de l'Euro-2016 le 10 juin. D'autres grèves y sont déjà programmées, dont une illimitée à partir du 2 juin en région parisienne.
Une neuvième journée nationale d'action est également prévue le 14 juin.

Engagée dans une stratégie "jusqu'au-boutiste", la CGT "joue gros", estiment experts et éditorialistes. "Dans un contexte très tendu, le pourrissement d'un mouvement social peut déboucher sur les pires violences", estimait mercredi le quotidien Sud-Ouest.

Les opposants à la loi Travail ont multiplié depuis mars les manifestations, émaillées de violences. Après un essoufflement en avril, la mobilisation a repris de la vigueur la semaine dernière avec 130.000 à 400.000 personnes dans les rues.
Le texte, que le gouvernement a fait passer en force au Parlement faute de majorité, ambitionne de déverrouiller le marché du travail, alors que le taux de chômage français avoisine 10%. Mais ses détracteurs l'accusent de renforcer la précarité des salariés.
L'exécutif a reçu un rare rayon de soleil mercredi avec l'annonce d'une baisse du nombre de chômeurs en avril pour le deuxième mois de suite.