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Culture - Exposition

Ziad Antar au cœur du monde, l’arc-en-ciel en poche

Après le palais de Tokyo, la Tate Gallery, le Museum of Art de Philadelphie et tant d'autres lieux privilégiés qui ont accueilli ses travaux, voilà que l'on retrouve Ziad Antar au BEC* pour une nouvelle aventure, « After Images ».

Photos Michel Sayegh

Ziad Antar est né en 1978 à Saïda. Après des études en ingénierie agricole à l'Université américaine de Beyrouth, il assiste plusieurs vidéastes et cinéastes, se tourne vers la photographie, suspend une caméra à son cou, tantôt aux pellicules périmées, tantôt sans lentille, et arpente le monde avec une vision nouvelle et un concept propre à lui. Il dit que la photographie n'est pas là pour montrer, mais pour proposer. Un projet qui démarre en 2011, et qui nécessitera cinq ans de travail, pour une recherche sur la désintégration de la photo.
Ziad Antar aime à s'imposer des contraintes, expérimenter des procédés, ne se plie pas à la technologie avancée d'aujourd'hui qui ne requiert pas d'apprentissage. Il s'écarte des sentiers traditionnels et propose une nouvelle interprétation photographique. Il refuse la maîtrise de la prise de vues et laisse le hasard opérer. Ce hasard qui a voulu qu'un jour il atterrisse à l'aéroport de Abha en Arabie saoudite avec un appareil photo sans lentille n'est pas sans rappeler ce roman de Georges Perec sans la lettre e. Une gageure si l'on veut raconter une histoire et transmettre un regard nouveau...

La Bible vient d'Arabie
Le vrai pays de la Bible est non pas la Palestine, mais l'Asir, en Arabie occidentale. Voici la thèse révolutionnaire et controversée de Kamal Salibi, chef du département d'histoire et d'archéologie de l'Université américaine de Beyrouth, qui s'appuie sur une analyse linguistique et affirme que la Bible hébraïque a été mal transcrite. En effet, pour Kamal Salibi, la capitale du roi Salomon se trouve près de la ville de Nimas. Dans son ouvrage intitulé Bible Came from Arabia, il tente de démontrer que l'histoire des anciens israélites n'a pas pris son départ en Palestine, mais dans la péninsule Arabique, dans la région de Asir. Et c'est sur les traces de Kamal Salibi que Ziad Antar se lance, armé d'un vieil appareil photo toujours sans lentille, celle-ci ayant était volée. Il décide quand bien même de poursuivre son aventure. Cet heureux hasard donnera naissance à une recherche aboutie.

« Va à Asir et travaille ! »
Les légendes sont le propre de toutes les religions. Selon Kamal Salibi, la plupart des légendes – de la traversée du désert à Adam et Ève, en passant par l'aventure de Noé – existent dans beaucoup de récits religieux. De celle de Gilgamesh à la mythologie chinoise, les histoires se ressemblent et ont toutes le même point d'origine. «Les peuples s'entre-tuent-ils pour une terre sainte qui, peut-être, se trouve ailleurs?», se demande l'historien. Ses recherches, basées sur une géographie de lieux contradictoire, dénoncent une absurdité et réveillent un humour particulier. «Un humour de situation qui m'a poussé à aller sur les pas de Kamal Salibi et à chercher à voir les villages cités dans son livre. Pour Salibi, la matière était sèche, il fallait lui donner une essence : « Je ne suis pas antisioniste, je ne suis pas pro-sioniste, je suis pour mon travail, alors va à Asir et travaille!» , me dira-t-il, raconte Ziad Antar.
Sa recherche ne donne ni réponses ni confirmations, elle propose une idée. Pour Jean-Luc Moulène, le professeur-mentor de Ziad Antar, la photographie contemporaine expérimentale doit soulever une question au-delà du sujet. Qu'est-ce que la photo? Comment fait-on lorsqu'on se retrouve avec une caméra sans lentille pour capturer des formes et des couleurs? Est-ce le hasard de la pellicule? François Cheval, commissaire d'expositions et directeur de musée, dira que non, que c'est simplement le fruit d'une
recherche.

Puisqu'elles sont universelles...
Après avoir effacé de la surface de la terre tous les hommes et les animaux, Dieu décide de sauver Noé. «J'ai placé mon arc dans la nue et il servira de signe d'alliance entre la terre et moi. » (Genèse 9). L'arc-en-ciel est un message de paix, et les fils de Noé, sauvés, recevront les commandements de Dieu. « Cette manifestation divine est présente à Asir», note l'artiste. Les couleurs de l'arc-en-ciel sont dans les couronnes christiques et fleuries que les hommes posent sur leurs têtes, sur les foulards des femmes, sur les murs des demeures qu'elles peignent de l'intérieur, dans les fleurs qu'elles dessinent. Mais pour Ziad Antar, qui réussit à capter, dans son objectif, ces couleurs divines, il existe d'autres teintes encore, celles que l'on ne voit pas, les infrarouges et les ultraviolets. Ces couleurs-là, au-delà de la science, balaient nos yeux et transforment notre regard par un procédé magique, celui de l'artiste.
Et pourquoi se limiter à Asir puisque ces histoires, ces légendes, sont universelles? «Alors je pars, avec l'appareil photo, partout dans le monde, et l'arc-en-ciel en poche, j'imprègne mes toiles de ses couleurs.» Appuyée par les poèmes de Yahya Amqassim, un habitant de Asir, qui chantent la genèse et les légendes de la Bible, «After Images » est, au final, une approche subjective de l'histoire du monde.

*L'exposition « After Images » de Ziad Antar se prolonge au Beirut Exibition Center (Biel), centre-ville, jusqu'au 22 mars. Son curateur est Hans Ulrich Obrist, la cocuratrice est Manal Khader. Une publication éponyme aux éditions Kaph accompagne l'événement.

 

Pour mémoire
Nan Goldin, photographe de la vie

Here and Elsewhere », un hommage à l'art arabe contemporain au New Museum de New York

Ziad Antar est né en 1978 à Saïda. Après des études en ingénierie agricole à l'Université américaine de Beyrouth, il assiste plusieurs vidéastes et cinéastes, se tourne vers la photographie, suspend une caméra à son cou, tantôt aux pellicules périmées, tantôt sans lentille, et arpente le monde avec une vision nouvelle et un concept propre à lui. Il dit que la photographie n'est...

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