Le chef de la diplomatie, Gebran Bassil, a mis en exergue jeudi le refus du bloc du Courant patriotique libre (CPL) de discuter de tout point à l'ordre du jour des séances du Conseil des ministres avant que ne soit évoquée la question des nominations militaires. M. Bassil est monté d'un cran dans le ton de la campagne menée depuis plusieurs semaines par le CPL à ce sujet, affirmant que « nous représentons la moitié du pays et plus de 70 % de la rue chrétienne. Nous ne permettrons pas que cette question soit réglée sans notre aval, qui est fondamental », a-t-il ajouté.
Pour des sources politiques bien informées, le message de Gebran Bassil est un message direct adressé au président de la Chambre, Nabih Berry, qui avait laissé entendre qu'une absence des ministres aounistes au sein du cabinet n'entamait pas le caractère consensuel de ce dernier, et qui avait plaidé fermement en faveur du maintien du gouvernement. Il s'agirait également d'un message du CPL au Hezbollah. M. Bassil souhaite en effet savoir si le parti chiite et M. Berry s'aligneront sur la position du général Aoun au cas où ce dernier déciderait de suspendre sa participation au Conseil des ministres. D'autant que, selon les informations dont disposerait le chef de la diplomatie, le chef du législatif pourrait ne pas avoir coordonné sa position avec le Hezbollah sur cette question.
Cependant, selon un ministre, le déroulement de la séance du Conseil des ministres de jeudi prouve que le Hezbollah n'est pas pour le blocage de l'action gouvernementale. Il pourrait ainsi jouer le jeu de son allié pendant une ou deux séances, mais sans aller plus loin. Et pour cause : le parti ne peut pas se permettre de perdre la couverture légale dont il dispose à l'heure où il poursuit son équipée sur le territoire syrien.
M. Bassil a d'ailleurs adressé une pointe au parti chiite dans sa déclaration, appelant l'armée à prendre en charge la situation dans le jurd de Ersal, compte tenu de « l'impact éventuel de la présence du Hezbollah dans cette région sur l'unité nationale ».
De plus, les alliés du CPL – comme ses adversaires, du reste – sont convaincus, selon une source aouniste, qu'il vaut mieux aborder la question des nominations après l'élection d'un nouveau président de la République, ce dernier étant le responsable des forces armées et du Conseil supérieur de la défense. C'est donc à lui que devrait revenir, ultimement, la nomination du nouveau commandant en chef de la troupe. De plus, le mandat du général Jean Kahwagi n'échoit qu'en septembre. Il reste donc suffisamment de temps pour procéder à cette nomination.
Cependant, ce qui suscite la curiosité de certains milieux politiques, c'est la poursuite de l'offensive du CPL au lendemain de la rencontre historique entre Michel Aoun et Samir Geagea à Rabieh et de l'annonce de la déclaration d'intentions entre les deux parties. Ne serait-il pas plus opportun pour le général Aoun de coordonner – ne serait-ce qu'un tantinet – ses positions avec ses nouveaux amis, comme il l'a fait pour la question de la législation de nécessité ? C'est en tout cas ce que se demandent certaines sources du 14 Mars, qui craignent que le CPL ne tente d'exploiter l'accord conclu avec les Forces libanaises (FL) pour acculer le parti de Samir Geagea à suivre ses positions sans concertations préalables et sans accorder une importance quelconque à la déclaration d'intentions, puisque les aounistes représentent, selon M. Bassil, « 70 % de la rue chrétienne ». En d'autres termes, dans la perspective du chef de la diplomatie, c'est Rabieh qui décide et les autres doivent s'empresser de lui emboîter le pas.
(Lire aussi : Aoun-Geagea : une réconciliation, beaucoup d'inquiétudes... et un « coup de maître » ?)
Cependant, des sources FL ne partagent pas ces hantises. Le dialogue avec le CPL en est encore à ses débuts et il n'a pas été testé. Les différends ne sont pas occultés dans les relations et il n'y a pas de non-dits puisque chacun sait où l'autre se positionne sur les divers dossiers, en attendant de déboucher sur des positions communes au fil des discussions.
Il reste que la gêne vis-à-vis des positions aounistes subsiste, notamment en ce qui concerne le blocage de l'action du cabinet. Il est donc question de revoir, selon des sources ministérielles, les accords conclus sur le mécanisme gouvernemental à l'ombre du vide présidentiel, afin que l'exécutif ne puisse pas être paralysé par une personne, une partie, un bloc ou un dossier. Nul n'est plus important que son pays, comme l'a dit Nabih Berry, reprenant à son compte le leitmotiv de Rafic Hariri. Les contacts que pourrait mener le Premier ministre Tammam Salam avec les différents pôles politiques déboucheraient ainsi sur la tenue des séances du Conseil des ministres avec ceux parmi les ministres qui le veulent bien, de sorte que le torpillage et le vide institutionnel soient impossibles, d'autant que le cabinet est chargé d'expédier les affaires courantes. M. Salam devrait s'en expliquer longuement dans les jours à venir.
Ces sources FL soulignent que leur dialogue avec le CPL ne restera pas cantonné aux dossiers chrétiens strico sensu. L'objectif n'est pas de discuter des quotas de participation au sein de l'État, mais de la vision de l'État, afin d'élaborer un projet politique commun à l'échelle nationale et de briser la bipolarité actuelle. Il serait aussitôt possible, ajoutent ces sources, de s'entendre sur un projet libanais assurant la neutralité du pays du Cèdre, loin des axes régionaux, en renouant avec la formule de 1943 qui veut que « le Liban soit avec les Arabes s'ils sont d'accord et dans une position de neutralité s'ils ne le sont pas ». Un processus de sanctuarisation, donc, loin des tensions régionales actuelles, qui puisse rendre sa place à la Constitution, redynamiser les institutions, et renforcer l'État indépendant et souverain.
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On ne fait pas de politique avec un bon Coeur .Merci chers politiciens de plonger le pays dans le vide .
17 h 45, le 06 juin 2015