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La mer qu’il voit danser


Mais oui, ouvrez-leur la frontière maritime ! Que ces déplacés, réfugiés, candidats à l’incruste ou à l’immigration remboursent notre hospitalité forcée en faisant chanter l’Union européenne. Au lieu du petit milliard proposé par Bruxelles pour contenir le flux migratoire vers l’Europe, qu’ils en rapportent vingt à trente fois plus. La menace est rentable.

Qu’ils partent, de nuit, sur de frêles esquifs, avec femmes et enfants. Qu’on leur mette sur le dos ces gilets orange qui ne sauvent de rien, suaires contemporains qui n’en finissent pas de flotter sur le bleu de la mer – on a la sépulture qu’on peut. Qu’on leur donne, à raison de 5 000 $ par tête, cagnotte de tout ce qu’ils ont pu vendre, emprunter, mendier ou pire, quelques biscuits et bouteilles d’eau pour la traversée. Cela devrait suffire pour les 24 à 48h de navigation sur des eaux noires et sous les radars, jusqu’à la Libye qui, comme chacun sait, est déjà Lampedusa. À moins que, bien avant d’arriver jusque-là, les garde-côtes de la marine libanaise les refoulent en bousculant les embarcations mangées de rouille dans lesquelles ils se serrent, rusant avec la peur terrible qui leur tord les boyaux, rusant avec le froid nocturne et l’assaut des embruns, sourds au claquement de leurs propres dents, aux pleurs des enfants, au lugubre murmure des prières, couvert par la houle et le vent. Pleins d’espoir. Pleins de désespoir. Combien de naufrages ainsi provoqués par une vedette militaire qui arraisonne de trop près, soulève une vague scélérate ou éperonne une coque déjà pourrie ?

Ce que propose, entre les lignes, le chef du Parti de Dieu, c’est précisément d’annuler cette étape : La marine libanaise ne fait rien, et « on » engrange 20 milliards en retour. Ce qu’il ne dit pas, c’est que d’autres marines sont aux aguets, dans la foultitude de frontières qui quadrillent notre mer. Il occulte de même le fait que les passagers des bateaux de contrebande mal fichus, mal équipés, non signalés, arrivent rarement à destination. « Le corps se perd dans l’eau, le nom dans la mémoire », mais de tels corps, de tels noms, qui se soucie ? Sûrement pas la milice pro-iranienne pour laquelle ne comptent que l’argent et les armes. La mort n’est rien, tant que survit et persiste le règne. Chaque être humain qui représente un obstacle ou une opportunité est destiné, bon gré mal gré, au sacrifice. Bien courte est, dans le dogme de ces religieux, la vue de ceux qui accordent quelque valeur à la durée d’une vie terrestre.

Dans ce Moyen-Orient brûlé par l’extrémisme, il faut toujours garder en tête que, face aux projets eschatologiques, les populations ne sont, comme on dit chez nous, que caca de poisson. De ceux qui suivent les radicaux ou qui les rejettent, aucun n’a plus d’avenir que l’autre. Tous sont les boucliers humains, les victimes économiques, culturelles, politiques de ces partis inspirés et de leurs armées informelles. Au prétexte de débarrasser la population de Gaza du joug israélien, le Hamas l’expose à un massacre en règle. Pour prouver sa solidarité, le Hezbollah n’en fait pas moins avec la population du Liban-Sud. Le gouvernement israélien ne vaut pas mieux que les « terroristes » qu’il prétend combattre. Nul besoin de décrire, pour preuve, la cruauté gratuite et ricaneuse de ses armées. Mais on sait qu’à un moment ou un autre de cette guerre qui ne verra pas d’autre fin que celle de la population de Gaza, la désertification du sud libanais et la banqueroute morale d’Israël, chaque partie criera victoire pour le seul mérite de s’être maintenue en tant qu’entité criminelle.

Pour revenir au moutonnement des vagues, oui, qu’on leur facilite le départ à ces désespérés fabriqués par les tyrannies. Qu’ils aillent crever, s’il leur plaît, sur d’autres rivages, tant que la peur qu’ils causent à l’Europe peut rapporter du bon argent. Mais qu’est ce qui peut pousser un homme de foi à traiter ainsi les enfants du bon Dieu ? Une marchandise, un tas de viande ? Cette dérive en dit long sur ses priorités et ses valeurs. Le combat pour la civilisation s’annonce féroce.

Mais oui, ouvrez-leur la frontière maritime ! Que ces déplacés, réfugiés, candidats à l’incruste ou à l’immigration remboursent notre hospitalité forcée en faisant chanter l’Union européenne. Au lieu du petit milliard proposé par Bruxelles pour contenir le flux migratoire vers l’Europe, qu’ils en rapportent vingt à trente fois plus. La menace est rentable.Qu’ils partent,...
commentaires (10)

Bel édito qui m'a ramené 40 ans en arrière. Nous étions réfugiés dans notre propre pays. Nous avions dansé sur les mêmes vagues de notre mer. Qui écrira un jour notre histoire ?

IRANI Joseph

08 h 49, le 17 mai 2024

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Commentaires (10)

  • Bel édito qui m'a ramené 40 ans en arrière. Nous étions réfugiés dans notre propre pays. Nous avions dansé sur les mêmes vagues de notre mer. Qui écrira un jour notre histoire ?

    IRANI Joseph

    08 h 49, le 17 mai 2024

  • Parfait ! : ""Mais on sait … cette guerre qui ne verra pas d’autre fin que celle de la population de Gaza, la désertification du sud libanais et la banqueroute morale d’Israël…"" Le comble du cynisme, est le soutien à la carte à un des protagonistes. Il est l’objet de tellement de critiques sur son action intérieure, mais dès qu’il s’agit de reprise de la guerre, il reprend de regain de popularité chez quelques irréductibles, et dans des pays loin de l’épicentre du conflit. Il faut sortir de telles ambiguïtés et à ses dépens, car Il sera plus fort lors d’un repli stratégique à l’intérieur...

    NABIL

    13 h 46, le 16 mai 2024

  • L’ultime menace, si pas de solution (combien de solutions) à la problématique des réfugiés, c’est le retour de la spirale de violence meurtrière, en d’autres termes le retour de la guerre. Jamais le Liban ne trouvera tout seul une solution aux vagues successives de réfugiés. Tous est sujet de critiques. Mettre les réfugiés dans des camps (et le Liban en a une mauvaise expérience historique) est tout aussi critiquable que les laisser couler dans le tissu social. Les laisser partir de gré ou de force ! Sans tenir compte d’aucun danger comme s’il n’y a pas de défis à surmonter.

    NABIL

    13 h 11, le 16 mai 2024

  • For Nassrallah and Iran people are dispensable they serve only as cannon fodder.

    EL KHALIL ABDALLAH

    12 h 47, le 16 mai 2024

  • Le Liban est au comble de la malchance. Le Liban, et c’est bien connu n’a pas de bons voisins. Même la mer qui nous sépare du reste du monde est meurtrière. Des pirates, ces passeurs des temps modernes dans des bateaux de fortune, sans aucune conscience du danger, veulent également tirer profit. La honte c’est promettre à nos réfugiés un retour imminent (ils peuvent retourner puisque leur guerre est finie), comme si les choses étaient si simples. Tirer profit des otages pris lors d’une odieuse razzia pour d’éventuelles négociations. Ce mépris des humains, ce négoce apparemment est juteux…

    NABIL

    12 h 44, le 16 mai 2024

  • C’est une nouvelle forme de traite d’êtres humains. C’est un crime commis à l’encontre des gens comme vous et moi pour en tirer profit que de pousser des réfugiés, immigrés, demandeurs d’asile, déplacés et j’en passe de définitions, vers d’autres destinations, sous d’autres cieux. On est en présence de maîtres chanteurs, pratiquant le chantage comme un sport. Chantage : C’est simple, si vous ne nous payez pas on ouvre le robinet des flux migratoires… Elle a réussi au sultan turc qui semble par cette tactique faire des émules. Ces déracinés sont de la responsabilité de qui ? Qu'on me le dise !

    NABIL

    12 h 13, le 16 mai 2024

  • Merci pour ce billet tres puissant, tres cynique et malheureusement très juste Tout cela est desesperant … et feroce!

    Madi- Skaff josyan

    12 h 06, le 16 mai 2024

  • Pourquoi ils veulent aller en Europe et les pays arabes ont les mains croisées,voilà la honte

    Eleni Caridopoulou

    11 h 22, le 16 mai 2024

  • Occident, la meilleure façon de combattre l’émigration reste d’aider les gens à améliorer les conditions de vie dans leur pays…

    Gros Gnon

    09 h 07, le 16 mai 2024

  • Mais il ne faut pas quand même oublier que ces réfugiés nous occuperont un jour eux-même et seront censés gouverner notre Liban avec les applaudissements des soi-disant démocraties occidentales . proposez nous donc une meilleure solution que celle du Sayyed si vous persistez á tout critiquer qui viendrait de lui !

    Chucri Abboud

    01 h 32, le 16 mai 2024

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