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À La Une - Ukraine

L'accord de Minsk 2 décrypté

Anne de Tinguy, spécialiste de la Russie et de l'Ukraine, analyse pour L'Orient-Le Jour l'accord entre les rebelles prorusses et les émissaires de Kiev.

Le président ukrainien Petro Porochenko serrant la main de son homologue russe Vladimir Poutine, en présence du président biélorusse Alexandre Loukachenko (g.), du président français François Hollande et de la chancelière allemande Angela Merkel le 12 février 2015. AFP PHOTO / BELTA / ANDREY STASEVICH

Les violences ne connaissaient pas de répit dans l'est séparatiste prorusse de l'Ukraine vendredi, avec au moins quinze militaires et civils tués dans les dernières 24 heures, ce qui alimente la méfiance des Occidentaux envers les nouveaux accords de paix signés la veille à Minsk.
La trêve est certes censée entrer en vigueur à partir de dimanche minuit, mais le texte, dit Minsk 2, arraché au terme de seize heures de négociations entre les dirigeants russe, ukrainien, français et allemand, a fait naître "une lueur d'espoir" pour l'arrêt des violences qui ont atteint des niveaux critiques ces dernières semaines, portant le bilan des morts à près de 5 500 en 10 mois. Angela Merkel et François Hollande, qui ont participé au sommet de Minsk, ont dès jeudi laissé entendre qu'il y aurait des difficultés dans la mise en oeuvre de Minsk 2 et ont mis en garde la Russie en menaçant de lui imposer de nouvelles sanctions si la trêve échoue.

 

 

Décryptage

Anne de Tinguy, professeure des universités en histoire contemporaine à l'INALCO (Institut national des langues et civilisations orientales) et à Sciences Po, spécialiste de la Russie et de l'Ukraine, décrypte pour L'Orient-Le Jour l'accord dit Minsk 2.


Q-En septembre dernier, un "protocole" de cessez-le-feu avait déjà été signé à Minsk, qui n'avait pas été appliqué. En quoi Minsk 2 pourrait être respecté et apporter une solution au conflit ?
R-"Cet accord n'est pas vraiment une copie de l'accord signé en septembre. Il y a une grande différence parce que l'accord signé jeudi a été rédigé et conclu avec le soutien de la France et de l'Allemagne, ce qui est très important. De plus la Russie, l'Ukraine, la France et l'Allemagne s'engagent à s'impliquer dans sa mise en œuvre.
Cependant, beaucoup d'inconnues demeurent, notamment sur les questions du contrôle des frontières et des réformes constitutionnelles qui octroieraient un statut spécial aux régions de l'est de l'Ukraine. Enfin, la résolution du problème de la présence de forces étrangères dans l'est de l'Ukraine demeure très floue. Le retrait de ces forces doit se faire sous la supervision de l'OSCE. Mais comment pourra-t-il se faire ? L'OSCE est déjà présente à deux points de passage sur la frontière mais il y a huit points de passage et 400 km de frontière, ses moyens sont donc trop faibles".

 

Q-Comment expliquez-vous le décalage, après la signature de l'accord, entre les réactions des Occidentaux et celles de la Russie et des séparatistes prorusses ?
R-"Cet accord reste très flou. Il n'y pas de cessez-le-feu immédiat alors que des gens meurent tous les jours. Pour les séparatistes pro-russes c'est un point positif, ils sont en meilleure position sur le terrain donc repousser le cessez le feu va dans leur sens. Et tant que Vladimir Poutine continue à nier son implication militaire et humaine dans le Donbass, alors que celle-ci est avérée, on ne pourra mettre fin au conflit.
François Hollande et Angela Merkel sont restés dans la retenue après la signature de l'accord. Ils souhaitaient un règlement global du conflit alors que l'accord n'en garantit aucun. Les deux dirigeants espèrent simplement avoir enclenché un processus de paix dans le cadre duquel ils arriveront à peser sur la Russie. François Hollande a parlé d'un +accord fragile+ et le mettre en œuvre va sûrement demander beaucoup d'efforts. La Russie est la clé pour mettre fin aux combats, de très nombreux experts s'accordent pour dire que sans le soutien de la Russie, le mouvement séparatiste s'effondrerait."

 

Q-Comment analysez-vous le fait qu'au moment même de la signature des accords, des chars russes franchissaient la frontière ukrainienne ?
R-"Cela prouve l'ambigüité et l'ambivalence de la stratégie de Vladimir Poutine. Il veut apparaître comme un médiateur alors qu'il arme les séparatistes et que de nombreux Russes, probablement plusieurs milliers, combattent. C'est ce qu'on appelle un double-jeu. Poutine a élaboré une mise-en scène et sa position semble ferme pour le moment."

 

(Lire aussi : A chacun sa Guerre froide face au conflit en Ukraine)

 

Les principaux points de l'accord de paix de Minsk 2

Voici les principaux points de l'accord entre les rebelles prorusses et les émissaires de Kiev, signé à Minsk. Ce document en 13 points reprend en grande partie ceux du "protocole" de cessez-le-feu signé le 5 septembre à Minsk, et développé par un mémorandum le 19 septembre, mais qui n'avaient pas abouti à une paix durable. Le nouveau texte élargit cependant la zone tampon, d'où les armes lourdes doivent être retirées, et insiste sur un contrôle de la frontière par les forces de Kiev et sur une révision de la Constitution ukrainienne.

 

- Cessez-le-feu - Les parties au conflit s'engagent à un cessez-le-feu bilatéral à partir du 15 février à minuit heure de Kiev (samedi 22H GMT) dans les régions de Donetsk et de Lougansk.
Les accords de septembre prévoyaient également un cessez-le-feu, mais ils n'ont pas été respectés très longtemps. Un nouveau cessez-le-feu, instauré le 9 décembre, est resté lettre morte.

- Retrait des armes - Le document prévoit le retrait de "toutes les armes lourdes par les deux parties" afin d'établir une zone tampon d'une profondeur de 50 kilomètres à 140 kilomètres en fonction du type d'armes lourdes. Les précédents accords prévoyaient une zone de 30 kilomètres de largeur.
Pour mettre en place cette zone élargie, le document exige que l'armée ukrainienne retire ses pièces d'artillerie par rapport à la ligne de front actuelle, située plus à l'ouest par rapport à celle de septembre étant donné que les rebelles ont gagné du terrain depuis.
De leur côté, les rebelles doivent se retirer par rapport à la ligne de front de l'époque, celle de septembre.
Les territoires nouvellement conquis sont ainsi de facto intégrés à la zone tampon élargie.
Le retrait des armes lourdes doit débuter au maximum deux jours après l'entrée en vigueur du cessez-le-feu et s'achever au bout de 14 jours.
Le texte prévoit également "le retrait de tous les groupes armés étrangers, des équipements militaires et des mercenaires du territoire ukrainien, sous l'observation de l'OSCE" (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe).

- Libération des "otages" - La libération de "tous les prisonniers et des otages" retenus depuis le début du conflit en avril est prévue par le document.
Cette condition avait déjà été posée dans les précédents accords mais n'avait été qu'en partie remplie. Le dernier échange massif de centaines de prisonniers a eu lieu fin décembre.


- Dialogue politique - Comme les précédents accords, le nouveau document prévoit de promouvoir un dialogue pour l'organisation d'élections locales conformément à la législation ukrainienne et pour définir le futur statut des régions de Donetsk et de Lougansk.
Une amnistie doit également être décrétée pour les combattants impliqués dans le conflit.
Kiev avait déjà voté en septembre une loi sur le "statut spécial" des territoires aux mains des rebelles qui leur donnait davantage d'autonomie, garantissait le libre usage du russe et fixait au 7 décembre l'organisation d'élections locales.
Une autre loi prévoyait l'amnistie d'une partie des combattants séparatistes.
Les rebelles ont cependant rejeté cette offre et ont organisé le 2 novembre leurs propres élections présidentielle et législatives, condamnées par Kiev et les Occidentaux.
L'Ukraine a fini par annoncer l'annulation des deux lois et a coupé à la mi-novembre le financement budgétaire des territoires sous le contrôle des séparatistes. Les insurgés dénoncent dès lors un "blocus économique" imposé par Kiev.

- Levée du blocus économique - Le document précise que "des modalités" en vue de renouer les liens économiques et sociaux, dont le paiement des retraites, entre les zones contrôlées par les forces ukrainiennes et celles rebelles, doivent être définies.
L'Ukraine doit rétablir le fonctionnement de son système bancaire dans les régions en conflit.

- Contrôle de la frontière - Le contrôle de la frontière doit entièrement incomber aux forces de Kiev dans "toute la zone de conflit", après l'organisation d'élections locales.

- Nouvelle Constitution - Le texte prévoit la mise en place d'une nouvelle Constitution ukrainienne d'ici à fin 2015, prévoyant une "décentralisation" des régions de Donetsk et de Lougansk, en accord avec les représentants de ces zones.


Pour mémoire
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Les États-Unis, la Russie et la Chine... « forces du bien » en Asie ?

 

'Avec les compliments de Poutine ! Qui d'autre aurait pu faire ça ?"

 

Les violences ne connaissaient pas de répit dans l'est séparatiste prorusse de l'Ukraine vendredi, avec au moins quinze militaires et civils tués dans les dernières 24 heures, ce qui alimente la méfiance des Occidentaux envers les nouveaux accords de paix signés la veille à Minsk.La trêve est certes censée entrer en vigueur à partir de dimanche minuit, mais le texte, dit Minsk 2,...

commentaires (3)

D'ABRUTISSEMENT... EN HÉBÉTUDE... ET LA CRISE CONTINUE !

LA LIBRE EXPRESSION

19 h 30, le 13 février 2015

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Commentaires (3)

  • D'ABRUTISSEMENT... EN HÉBÉTUDE... ET LA CRISE CONTINUE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    19 h 30, le 13 février 2015

  • Par experience dans les signatures de cessez le feu , celui qui a l'avantage sur le terrain impose son point de vue . Le coup de kiev restera en travers de la gorge des occicons , ils ont, comme pour la Syrie declenche quelque chose de mauvais , et la solution se trouve etre entre les mains de leurs ennemis . A supposer que leur dernier argument soit d'armer les kieviens , de quels armes pourraient ils s'agir face a l'armada de Poutine decide d'en decoudre ? Vouloir sauver la face de rats qu'ils ont en ce moment ne servira a rien , si les soits disants armes venaient a vouloir changer la donne sur le terrain , les rebelles bombarderaient kiev , que ferait kiev ? bombarder Moscou ? du calme les occicons on ne s'en sortira pas comme ca , kiev sera rasee , et que feront les occicons , intervenir contre Moscou ? pensez a autre chose , paris , berlin et toutes les capitales europennes sont a portees des missiles russes , et donc que les us interviendraient ils , vous pensez que Moscou va s'ecraser , ils ont a eux 2 de quoi detruire la terre 200 fois . La seule solution actuelle est celle que sarko a ete chercher a Tbilissi en Georgie , calmer le jeu en donnant aux russes ce qu'ils reclament pour le moment , avant qu'il ne soit trop tard , pour eux et pour le monde . Basta Ya !

    FRIK-A-FRAK

    18 h 20, le 13 février 2015

  • L'accord signé jeudi...? Madame stop la désinfo qui sont les signataires de cet accord...? Vladimir Poutine à t'il signé cette feuille de route ..? selon mes infos non ... alors quel est la valeur de ce document...? Les signatures de Normal 1er et Angela Merkel et du valet de l'OTAN président à Kiev...?

    M.V.

    15 h 47, le 13 février 2015

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