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Liban - Terrorisme

L’assassinat de Ali Bazzal provoque le déchaînement des familles des militaires

« Nous avons essayé de cacher la nouvelle aux parents de Ali, mais ils ont finalement reçu un coup de fil et se sont effondrés. Je ne sais pas comment ils ont pu se traîner jusqu'à la Békaa. Ils étaient dans un état lamentable. »

Zainab Bazzal, la maman de Ali, courait souvent dans tous les sens au centre-ville en pleurant, durant les cinq derniers mois. Photo AP

Depuis le mois d'août, au cours duquel ont été enlevés les militaires pris en otage par Daech et al-Nosra, les familles de ces derniers ont dû endurer que le dossier de leurs proches soit mêlé à tous les événements politiques et sécuritaires sur la scène locale. Aujourd'hui, c'est l'arrestation par l'armée mardi de la femme d'Anas Charkas, connu sous le nom d'Abou Ali al-Chichani, et de ses deux enfants, ainsi que Saja al-Doulaimi, ex-épouse du chef de Daech, qui a finalement provoqué un tournant décisif dans l'affaire des militaires otages.

Hier en soirée, le Front al-Nosra a mis à mort le soldat Ali Bazzal, après avoir à maintes reprises menacé de le tuer puis reporté sa sentence. Dans un communiqué posté sur un des ses comptes Twitter, le groupe jihadiste a menacé de ne pas se limiter à cela. « C'est la moindre des réponses à l'armée libanaise, a-t-il indiqué dans un communiqué. Si les femmes otages ne sont pas libérées, un autre otage sera liquidé. »

La réaction des familles des militaires ne s'est pas fait attendre. Elles ont, quelques minutes plus tard, coupé à l'aide de pneus enflammés la route reliant le village de Bazzaliyé à Laboué, dans la Békaa, où des enlèvements ont aussitôt été signalés. Les familles avaient en effet promis une escalade si Ali Bazzal était exécuté. Un grand nombre d'éléments armés se sont par ailleurs déployés autour de la maison de Ali Bazzal et sa famille a quitté la place Riad el-Solh pour rejoindre la Békaa, laissant le restant des proches en proie à une effroyable colère et livrés à eux-mêmes. Certains ont même tenté de pénétrer de force au Centre culturel turc, mais sans succès.

 

(Pour mémoire : Le clan Bazzal contre-attaque : Aucun Syrien à Ersal ne nous échappera si Ali est tué)


Place Riad el-Solh, Hussein Youssef, père d'un des otages, assurait que les menaces semblaient vraiment réelles depuis le début de cette semaine. « Cela fait cinq mois que nous leur disons d'accepter le principe de l'échange, les responsables n'ont rien fait, a-t-il regretté. Quelle honte ! Ali représentait l'armée, le Liban. Où est son prestige quand sa mort devient légitime ? » « Nous avons essayé de cacher la nouvelle aux parents de Ali, mais ils ont finalement reçu un coup de fil et se sont effondrés, a-t-il également raconté. Je ne sais pas comment ils ont pu se traîner jusqu'à la Békaa. Ils étaient dans un état lamentable. » Assurant qu'aucun responsable n'a contacté les familles après la nouvelle de l'exécution de Ali Bazzal, M. Youssef s'est interrogé sur la pertinence de l'arrestation des deux femmes. « Nous ne voulons pas que l'État exécute ces femmes ou les prisonniers de Roumieh, a-t-il aussi assuré à L'Orient-Le Jour. Il y va de la vie de nos fils. » « Qu'ils acceptent l'échange et qu'on nous ramène nos enfants », a-t-il poursuivi, avant de déclarer avec ironie : « Comme si l'État est capable d'exécuter qui que ce soit. S'ils en sont capables, qu'ils le fassent. Ils ne peuvent rien faire ! »

Âgé de 27 ans, Ali Bazzal était père d'une fillette de cinq ans qui n'avait plus mis les pieds à l'école depuis l'enlèvement de son père, aucun de ses proches ne pouvant la ramener à la maison chaque jour. Il y a deux mois, la femme de Ali Bazzal s'était rendue dans le jurd pour rencontrer des responsables d'al-Nosra mais n'avait pu voir son mari. Ayant assisté à l'exécution de son ami, le soldat Mohammad Hamiyé, Ali Bazzal avait enregistré une vidéo dans laquelle il avait lancé un message à l'État et à sa famille pour l'aider, afin qu'il ne subisse pas le même sort.

« Vous pouvez toujours rêver... »
Dans une vidéo diffusée hier au matin, Anas Charkas avait assuré que si sa femme Ola et ses deux enfants n'étaient pas libérés dans un futur proche, « vous pouvez toujours rêver de voir les militaires libérés sans négociations ». « Personnellement, je ne me mêlais pas du dossier, mais maintenant les choses ont complètement changé », avait-il encore déclaré.
Plus encore, al-Chichani a directement menacé de s'en prendre aux familles des militaires. « Ceci est un message à tous les Libanais : je vais bientôt agir, ma femme et mes enfants ont été arrêtés et je rendrai la pareille, j'emprisonnerai les femmes des infidèles et toutes les femmes ainsi que les enfants des militaires libanais, a-t-il menacé dans une vidéo diffusée sur YouTube et dans laquelle il apparaît entouré de deux hommes encagoulés. Je n'aurai pas la conscience tranquille avant que ma femme et mes enfants ainsi que les femmes des musulmans ne sortent des prisons des infidèles. » Et de poursuivre : « Ola a été arrêtée à Tripoli, ville de l'islam et des musulmans. Où êtes-vous, habitants de Tripoli ? Vous, sunnites, vous êtes les responsables. Elle était dans une école à Tripoli, réfugiée comme toutes les autres femmes. Pourquoi la retiennent-ils ? Si ma femme ne sort pas dans un futur proche, les femmes et les enfants des soldats feront partie de notre projet, je m'en prendrai aux femmes et aux enfants des soldats. »

 

 (Lire aussi : Frontières est : extrême vigilance de l'armée face au risque de nouvelles attaques)


Contacté par L'Orient-Le Jour, Nizam Mghayt, frère d'un des otages, avait toutefois affirmé ne pas craindre les menaces d'Anas Charkas. « Il ne peut rien faire, a-t-il assuré. Il n'est lié ni à Daech ni à al-Nosra et sa femme a été arrêtée pour son implication dans des crimes divers. » Dans la vidéo diffusée, en effet, Anas Charkas a assuré qu'il n'était pas un leader d'al-Nosra. S'adressant au calife autoproclamé de l'État islamique, Abou Bakr al-Baghdadi, il a déclaré : « Ordonne-moi ce que tu souhaites. Moi, mon épouse et mes enfants, nous nous sacrifierons pour toi. » « Si le médiateur qatari ne résout pas le problème rapidement, il ne sera pas le bienvenu dans le jurd », a-t-il également dit.

Nizam Mghayt a assuré à L'Orient-Le Jour que l'émissaire envoyé par le Qatar pour accélérer les négociations était rentré chez lui sans faire de progrès. Selon Hussein Youssef, un autre proche des otages, cette visite de quelques heures ne signifiait pas que le Qatar s'était retiré des négociations, le médiateur ayant contacté les ravisseurs.

Sur un autre plan, des sources autorisées rapportaient hier au quotidien koweitien al-Raï que « les groupuscules extrémistes ne comptent pas brûler la carte qu'ils ont en main, celle des militaires pris en otage, et ont voulu compenser cela par un gain sur le terrain en attaquant des soldats à Ras Baalbeck ». « La troupe n'attendra pas une nouvelle attaque contre elle pour prendre les mesures nécessaires et pourrait même se préparer à mener des offensives préventives contres ces groupes takfiris. L'arrestation de femmes liées à Anas Charkas ou à Abou Bakr el-Baghdadi pourrait même être un joker que l'armée pourrait utiliser bientôt », apprenait-on de mêmes sources. L'État attend-il l'exécution de tous les soldats pour bouger ?

 

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Depuis le mois d'août, au cours duquel ont été enlevés les militaires pris en otage par Daech et al-Nosra, les familles de ces derniers ont dû endurer que le dossier de leurs proches soit mêlé à tous les événements politiques et sécuritaires sur la scène locale. Aujourd'hui, c'est l'arrestation par l'armée mardi de la femme d'Anas Charkas, connu sous le nom d'Abou Ali al-Chichani, et...
commentaires (8)

de quel loi parle t on exactement?

Bery tus

15 h 13, le 06 décembre 2014

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Commentaires (8)

  • de quel loi parle t on exactement?

    Bery tus

    15 h 13, le 06 décembre 2014

  • Que l'armée attaque ces fous dans le jurd pour finir de ce chantage qui risque de ramener le pays aux années tristes de 1975 .

    Sabbagha Antoine

    12 h 06, le 06 décembre 2014

  • Saletés d'opportunistes pleurnichards, couards et poltrons fakkîhdiots....

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    10 h 47, le 06 décembre 2014

  • Dura lex , sed Lex !

    FRIK-A-FRAK

    10 h 33, le 06 décembre 2014

  • Nous sommes gouvernés par des incapables, c'est tout ce qu'on peut dire...Combien de militaires vont-ils être assassinés avant que le gouvernement prenne les mesures qui s'imposent? Et si l'armée compte vraiment attaquer les jihadistes dans le jurd, adieu tous les otages...

    Georges MELKI

    07 h 41, le 06 décembre 2014

  • C'EST LA HONTE ! HONTE À L'ETAT (?) QUI SE LAISSE POUR DES MOIS PARALYSER ET INTIMIDER PAR LES BOYCOTTEURS !

    LA LIBRE EXPRESSION

    06 h 11, le 06 décembre 2014

  • Mais qu'attend donc ce héZébbb en réalité irrémédiablement Per(s)cé, pour réagir "divinement" au lieu de se cacher derrière cette petite et libanaise armée à faibles ressources et d'aucun secours !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    05 h 00, le 06 décembre 2014

  • Une tragédie incommensurable ! Un amateurisme primaire et une lenteur excessive dans les négociations avec ces barbares. Un bavardage nocif de ministres et de politiques sur l'affaire. Un grand tapage et une course indécente des médias au sensationalisme. Le chef du gouvernement débordé. Il fait plus que le possible. Le pays est perdu, sans chef et sans boussole. Et les courants politiques continuent d'agacer le public avec leurs surenchères irresponsables sur leurs chefs "sauveurs" et le salut dont ils ont le monopole. Tout cette situation est on ne peut plus révoltante et dégoûtante. Plus que jamais, "santa paciência" ! comme on dit en Amérique du Sud. Cela dit, une observation : le médiateur du Qatar (dans les médias parti, non parti; revenu, non revenu; retiré, non retiré des négociations etc. etc. ) "ayant contacté les ravisseurs, dont le dénommé Abou Takiyeh", dit cet article. En fait ce dernier c'est cheikh Moustapha el-Hojeiri de Ersal et non un des "ravisseurs".

    Halim Abou Chacra

    04 h 09, le 06 décembre 2014

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