Il l’a tué mardi 25 novembre, date de la Journée internationale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. Triste coïncidence qui rappelle que les femmes au Liban sont toujours exposées aux dangers de la violence domestique.
Nisrine Rouhana avait 38 ans lorsque son mari, Jean Dib, l’a tuée, après de longues années de maltraitance et de violence. Son nom vient s’ajouter à la liste funeste de femmes tuées par leur mari : Roula Yaacoub, Roukaya Mounzer, Manal Assi et tant d’autres... "Il y a deux jours, nous avons fêté son 38e anniversaire", confie sa sœur Rita à L’Orient-Le Jour.
Mardi soir, l’Agence nationale d’information rapportait que le corps de Nisrine Rouhana, née en 1976, avait été retrouvé sur les berges de Nahr Ibrahim, dans le Kesrouan. La victime était atteinte de plusieurs balles.
Le meurtrier, arrêté mardi par les services de renseignement de l’armée, a reconnu les faits. Il a avoué s’être rendu le jour du meurtre sur le lieu de travail de sa femme, dans un centre commercial à Achrafieh. Muni d’un pistolet et d’un couteau, il l’a obligée à monter dans sa voiture, avant de la conduire dans le Kesrouan, rapporte la chaîne LBCI. C’est en chemin qu’il lui tire deux balles, l’une dans l’épaule et l’autre dans la tête, avant de se débarrasser du corps au niveau de Nahr Ibrahim.
La chaîne souligne que depuis six mois, Nisrine avait quitté le domicile conjugal, après avoir été battue à plusieurs reprises par son mari. "Cela faisait six à sept mois qu’elle n’avait pas pu voir ses deux enfants", précise sa sœur à L’Orient-Le Jour, car le mari le lui avait interdit. "Elle les a vus à travers la vitre de leur classe d’école. Elle avait pris congé afin de les revoir, mais son mari l’a tuée avant cela", confie Rita avec amertume.
(Lire aussi : Loi sur la violence domestique : quid de l’application et de l’efficacité ?)
Le 1er avril 2014, le projet de loi visant à protéger la femme contre la violence domestique a été votée par le Parlement libanais. La loi promulguée en mai ne prenait toutefois pas en compte les remarques émises par l’ONG Kafa, qui défend les droits de la femme.
Kafa conteste, entre autres, la non-adéquation du titre du projet de loi avec son objet, à savoir la femme. Selon l’ONG, cette loi vise à protéger la femme et les autres membres de la famille de la violence domestique. Or, dans le texte du projet de loi, la partie relative à la protection de la victime est de portée générale, s’appliquant à toute la famille, sans mention explicite de la femme.
Interrogée par L’Orient-Le Jour, Leïla Awada, avocate et membre de l’ONG, condamne l’assassinat de Nisrine Rouhana : "C’est le pire crime qui puisse être commis à l’encontre d’une femme, d’autant plus qu’elle a essayé de se protéger en ayant recours à la loi promulguée. Elle a bénéficié d’une protection judiciaire qui lui a permis de quitter la maison de son bourreau." L’avocate reconnaît ainsi que "malheureusement, la loi n’a pas pu la protéger". Elle tient toutefois à souligner que "cela ne veut pas dire pour autant que la loi ne protège pas les femmes concernées, ou que celles-ci ne doivent pas y avoir recours. Roula Yaacoub, Manal Assi, et Roukaya Mounzer ont été tuées bien avant que cette loi ne soit promulguée", ajoute Me Awada. Elle estime dans ce contexte que "s’il a l’intention de tuer, le criminel fera tout pour y arriver. Dans le cas de Nisrine, celle-ci a été tuée en dehors de son domicile. Mais son sort n’aurait pas été différent si elle s’y trouvait".
Face à ce crime abominable, la famille de Nisrine se sent désemparée : "Nous réclamons la peine de mort à son tueur, souligne la sœur de la victime. Mais Nisrine est morte. Qui me la rendra?"
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12 h 12, le 27 novembre 2014