L'Orient-Le Jour – Les autorités concernées au Liban – ministère, Défense civile... – sont-elles prêtes à affronter une saison d'incendies qui s'annonce particulièrement rude en raison de la sécheresse qui sévit? Des mesures exceptionnelles ont-elles été prises cette année?
Akram Chehayeb – La principale institution concernée par la lutte contre les incendies est la Défense civile. Or, malgré tous les efforts qui ont été déployés pour améliorer sa situation, celle-ci n'a toujours pas été en mesure d'améliorer ses équipements de lutte contre les incendies de forêts. De plus, le nombre de volontaires diminue chaque année. Sur un autre plan, les institutions qui sont directement concernées par les mesures à prendre en prévision des incendies sont les municipalités dans le périmètre desquelles tombent les espaces verts. Malheureusement, les ressources des municipalités dans ce domaine sont limitées dans la plupart des régions. De son côté, le ministère de l'Agriculture, par le biais de ses centres forestiers, ne possède pas les moyens logistiques nécessaires pour surveiller les forêts sur l'ensemble du territoire.
Quel impact aura la sécheresse sur la lutte contre les incendies cette année?
Selon les prévisions, la sécheresse aggravera la virulence des incendies en raison de la baisse du taux d'humidité des plantes, ce qui décuplera la vitesse de propagation du feu. Il faut ajouter à cela le facteur temps, notamment les vents qui soufflent sur le Liban à partir du mois de septembre. La sécheresse a également un impact sur les opérations de lutte contre les incendies, étant donné qu'il devient plus difficile à la Défense civile et aux hélicoptères de l'armée de s'approvisionner en eau dans les lacs de montagne.
De quoi a-t-on besoin pour améliorer les moyens de lutte contre le feu? Pensez-vous que les forêts ont été victimes de négligence et que cela a eu un impact sur la situation actuelle?
La négligence de très longue date qui frappe les forêts est une cause indirecte de l'aggravation du problème des incendies à travers les années, en raison de l'augmentation du nombre de masses inflammables prêtes à prendre feu rapidement. Toutefois, les causes principales des incendies viennent du comportement des habitants dans les forêts et les zones qui les entourent, ainsi que du comportement des agriculteurs. La non-application de la loi qui régit les forêts vient s'ajouter à la négligence et exacerbe l'indifférence de la population envers les espaces verts.
Améliorer les opérations de lutte contre les incendies nécessite des efforts supplémentaires auprès des municipalités. Il faut que celles-ci soient en mesure d'aider la Défense civile et d'assurer une intervention précoce en cas d'incendie sur ses terres. Il convient, pour cela, de former les membres de la police municipale ainsi que des volontaires habitant la localité, et leur fournir l'équipement nécessaire. Il est indispensable également de doter les centres de la Défense civile dans les régions les plus menacées de plus de matériel. Et, surtout, il faut se concentrer sur la surveillance des forêts, la répression des abus et l'application de la loi sur les forêts.
Prévoyez-vous une intensification des poursuites contre les contrevenants au cas où leur implication dans les incendies est prouvée? Êtes-vous, à titre personnel, satisfait des prestations officielles à ce niveau?
La loi libanaise sur les forêts, qui date de 1949, et les différents amendements qui ont suivi définissent les moyens de poursuite contre les pyromanes dans les forêts, les zones habitées et les zones agricoles. Certaines clauses régissant les poursuites pénales contre de tels contrevenants sont bien définies dans les textes. Mais, en réalité, cette loi n'est pas appliquée dans les cas des incendies de forêts. Pour cela, le ministère de l'Agriculture prévoit un atelier de travail ouvert, en coopération avec toutes les institutions concernées par le problème, à l'instar des ministères de l'Environnement, de l'Intérieur et des Municipalités, afin de discuter des moyens de faire appliquer cette loi dans le cas des forêts et de mettre au point un plan d'action dans cet objectif.
Un financement en recul
Quel rôle aura la stratégie de lutte contre les incendies dans l'amélioration des prestations officielles? Quels en sont les principaux éléments? Espérez-vous des résultats rapides perceptibles dès cette saison, ou des résultats à plus long terme?
La stratégie nationale de gestion des incendies repose sur cinq éléments essentiels: les mesures de prévention contre les incendies de forêts, l'amélioration de
l'aptitude des services concernés à intervenir contre le feu, la dynamisation de la coopération entre les différents acteurs au cours de l'opération elle-même afin d'en garantir l'efficacité, la mise en place d'une base de données unifiée sur les incendies et, enfin, la réhabilitation des sites dégradés.
L'importance de cette stratégie réside dans le fait qu'elle définit le rôle imparti aux différentes institutions dans la lutte contre le feu au Liban à différents stades, avant, pendant et après l'incendie. Toutefois, la stratégie n'a pas encore été mise en application, bien qu'elle ait été adoptée depuis mai 2009. Si elle avait été appliquée depuis ce temps-là, nous en aurions observé les résultats aujourd'hui. Les principaux efforts des années passées ont consisté en initiatives locales prises par des associations civiles dont certaines étaient parrainées par le ministère: il s'agissait d'assurer des installations et des voitures de pompiers en vue de prévenir et d'éteindre les incendies.
Qu'en est-il du reboisement dans les sites sinistrés après de grands incendies? La stratégie évoque-t-elle cet aspect?
Plusieurs initiatives de reboisement ont été menées récemment dans des régions libanaises dégradées par des incendies. En 2012, le ministère de l'Agriculture a lancé, avec des partenaires, le plan appelé «40 millions d'arbres», qui vise à augmenter la couverture en espaces verts du Liban de 13% à 20%. Nous œuvrons actuellement à développer ce plan afin de l'adapter aux changements, notamment les changements climatiques et la sécheresse.
Une telle stratégie nécessite-t-elle un financement? Et celui-ci est-il assuré?
Chaque élément de la stratégie nationale de gestion des incendies nécessite un
financement:
– la prévention: nettoyer les bords de routes, entretenir les forêts et organiser des campagnes de sensibilisation;
– la préparation: acheter du matériel, des voitures de pompiers et des équipements d'extinction pour les volontaires, entretenir les routes agricoles, construire des tours d'observation, des lacs de montagne, des barrages de défense contre les incendies, etc.;
– l'intervention : un programme de formation continue pour toutes les parties concernées par l'application de la stratégie.
- la base de données: équiper les centres forestiers et ceux de la Défense civile des installations nécessaires pour collecter les informations (ordinateurs, GPS, etc.);
– le reboisement: préparer les plants, labourer la terre, assurer la plantation, l'irrigation et l'entretien.
Le financement actuel ne suffit pas pour l'application de la stratégie sur tout le territoire libanais, mais il permet de couvrir certaines régions. Sachant que le financement consacré aux incendies a connu un certain recul dernièrement en raison d'un bouleversement dans les priorités des donateurs qui contribuent à couvrir les conséquences de la crise syrienne au Liban.
Pour mémoire
« Mon cœur brûle... : une action pour sauver les forêts »
Des hélicoptères spécialisés... dans les entrepôts de l'armée
APPLIQUEZ LA LOI AUX HOMMES AVANT DE L'APPLIQUER AUX ARBRES !
17 h 31, le 02 octobre 2014