En dépit de la crise sociale et présidentielle, Ersal continue d'occuper le devant de la scène, surtout avec l'affaire des militaires enlevés, dont on n'a pas encore de nouvelles précises, à part le fait qu'ils seraient « en bonne santé ». Cette affaire pourrit d'ailleurs le climat général et plonge l'État libanais dans l'embarras. D'autant que, selon une source de sécurité, l'autre partie n'est pas encore très précisée et que les autorités cherchent à établir un contact avec des parties officielles qui auraient une influence déterminante sur les preneurs des otages.
Jusqu'à présent, la délégation des ulémas musulmans, qui s'est proposée de jouer les médiateurs, a transmis aux autorités des conditions inacceptables pour l'armée et pour l'État, notamment la relaxe des prisonniers détenus à Roumié, en plus de celle de Imad Ahmad Jomaa, arrêté par les SR de l'armée, à la veille du déclenchement des hostilités à Ersal. La source de sécurité précitée précise que si le commandement de l'armée voulait entrer dans un tel bazar, il aurait accepté la proposition faite au début de l'affaire d'échanger les militaires justement contre Imad Ahmad Jomaa. Un compromis sur un sujet aussi délicat qui mettrait en cause la crédibilité de l'armée et, avec elle, celle de l'État dans toutes ses institutions n'est pas envisagé. La même source se veut en tout cas catégorique : il ne peut être question, en aucun cas, de mettre les prisonniers et les membres d'un groupe qui ont attaqué l'armée au même plan que les soldats. Cette position est définitive et non négociable. Le commandant en chef de l'armée, le général Jean Kahwagi, l'a d'ailleurs répétée hier à une délégation des familles des militaires enlevés qui lui a rendu visite à son bureau à Yarzé. Tout en exprimant sa solidarité avec les familles, le général Kahwagi a précisé que cette affaire figure en tête des priorités de l'armée et que le commandement déploiera tous les efforts pour obtenir la libération des militaires enlevés dans la foulée des combats de Ersal. Le général Kahwagi a aussi affirmé que l'armée ne fera aucun compromis sur ce dossier crucial, ajoutant que la troupe est prête à tous les scénarios pour obtenir la libération des militaires et préserver leurs vies. « Ils font partie de la grande famille militaire », a-t-il déclaré.
Il faut signaler à cet égard que de nombreux habitants du Akkar ont effectué hier un sit-in en guise de solidarité avec les familles des militaires enlevés. Des chefs religieux locaux représentant toutes les communautés ainsi que des représentants de l'ancien Premier ministre Nagib Mikati et de l'ancien vice-Premier ministre Issam Farès ont participé à ce sit-in, au cours duquel les photos des militaires enlevés, dont 3 sont du Akkar, ont été brandies.
Toujours dans le cadre de l'affaire des militaires enlevés, une délégation des ulémas musulmans s'est rendue hier auprès du directeur général de la Sûreté générale, Abbas Ibrahim, pour en principe faire un tour d'horizon avec lui. Mais en réalité, les ulémas auraient souhaité sonder ce dernier pour qu'il entreprenne une médiation au sujet des militaires enlevés, compte tenu du fait qu'il avait mené une médiation réussie avec la Turquie et le Qatar pour obtenir la libération des pèlerins de Aazaz. Les ulémas ont précisé qu'ils ont agi de leur propre initiative, mais étant donné leurs relations assez confuses avec les groupes qui ont enlevé les militaires, ceux-ci auraient bien pu leur demander d'entreprendre cette démarche. Ce qui, selon une source de sécurité, pourrait bien signifier que les preneurs d'otages seraient assez coincés et souhaiteraient accélérer le processus. Mais, ajoute-t-on de même source, le général Abbas Ibrahim ne peut se lancer de son propre chef dans une telle mission. L'affaire des militaires enlevés est une affaire nationale, qui exige un effort collectif. L'État libanais, dans toutes ses instances et institutions, doit demander, s'il le souhaite, au général Ibrahim de remplir cette mission, sachant que le directeur de la Sûreté générale ne peut pas être un médiateur dans un tel dossier puisqu'il est totalement impliqué avec les militaires et l'État. La situation est donc totalement différente de celle des détenus de Aazaz, où le général Ibrahim avait effectué une médiation avec des interlocuteurs étrangers. En tout cas, comme l'a déclaré le général Ibrahim lui-même, pour l'instant, aucune médiation de ce genre n'est envisagée.
La source sécuritaire précitée ajoute que les autorités libanaises cherchent aujourd'hui à savoir quelles parties régionales pourraient avoir de l'influence sur les groupes jihadistes auteurs de l'enlèvement. Sollicité par le Premier ministre Tammam Salam, l'émir du Qatar a affirmé qu'il n'avait aucun contact avec les groupes qui se sont battus à Ersal. Le Premier ministre compte tâter le terrain du côté de la Turquie. Sinon, il faudra frapper à d'autres portes...
Pour sa part, le général Kahwagi a déclaré dans un entretien avec l'agence Reuters que les groupes jihadistes qui ont attaqué l'armée à Ersal voulaient transformer le Liban en un second Irak, en y provoquant une discorde entre les sunnites et les chiites. Tout en précisant que ces groupes représentent une grande menace pour la région, le général Kahwagi a affirmé que l'armée a brisé le plan ourdi par les jihadistes au Liban, qui voulaient utiliser Ersal comme fer de lance de leur projet au Liban. Mais, selon lui, ils pourraient décider de transposer leur plan ailleurs. Par ces déclarations, le commandant en chef de l'armée entend démentir les rumeurs selon lesquelles la bataille de Ersal aurait été une réaction à l'arrestation par l'armée du fameux Jomaa...
Lire aussi
Cannibalismes, l'éditorial de Issa Goraieb
Liban : La dynamique des contacts pour meubler le vide
Malnutrition : le Liban s'en tire... si l'on exclut les réfugiés syriens
À Jeb Jennine, les réfugiés syriens sont deux fois plus nombreux que les habitants
Pour mémoire
Derbas à « L'OLJ » : Une fermeture des frontières libano-syriennes est possible, et bientôt !
Malnutrition : le Liban s'en tire... si l'on exclut les réfugiés syriens
Faut pas que les médias montrent les vidéos des terrorristes exposant les otages des forces légales libanaises...
16 h 36, le 13 août 2014